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MRE : Entretien exclusif avec Abdelkrim Benoutiq


Rédigé par AB Jeudi 15 Août 2019

Ministre délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration



MRE : Entretien exclusif avec Abdelkrim Benoutiq
Hausse de 11,15% des entrées de MRE, dont 43,1% par voie aérienne
Plus de 550 retours facilités avec l’appui de l’Organisation Internationale pour les Migrations cette année

Accueil et retour des MRE, gestion des espaces de transit, politique migratoire… Le ministre délégué auprès du Ministre des Affaires étrangères, chargé des Marocains Résidant à l'Étranger et des Affaires de la Migration, Abdelkrim Benoutiq, dresse pour L'Opinion le bilan d'étape de l'opération "Marhaba" et expose les défis de "l'ouverture" du Maroc aux différents types de migration. 

L’Opinion : Quel bilan d'étape faites-vous de l'opération "Marhaba" 2019?

M. Abdelkrim Benoutiq : Comme vous le savez, l’opération de Transit "Marhaba" est une action de grande envergure, qui constitue un modèle au niveau international, en termes de moyens mobilisés et de dispositions prises, pour que le déroulement et la gestion d’un flux de plus de 2,8 millions de personnes dans les deux sens, se déroulent dans les meilleures conditions de transit.
Cette grande opération, qui a démarré le 5 juin 2019 sous la Présidence effective de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, reflète l’importance accordée aux Marocains du monde et démontre l’attachement très fort de nos concitoyens vivant à l’étranger à leur mère patrie, le Royaume du Maroc. Ces liens sont manifestement démontrés par leur retour massif au pays pendant la saison estivale d’été et leur participation aux festivités nationales et aux activités organisées pendant cette saison. 
En effet, depuis le lancement officiel de l’opération jusqu'au 8 août 2019, près de 2.277.315 citoyens MRE ont regagné le pays par les points d’entrée aérien et maritime, soit une augmentation de 11,15% par rapport à la même période de l’année dernière. 
Les résultats prometteurs de l’opération sont obtenus grâce à la mobilisation effective de tous les intervenants, à leur tête la Fondation Mohammed V pour la solidarité, qui mobilise des moyens humains et logistiques importants pour l’accueil, l’assistance et l’accompagnement des MRE durant cette opération. 

L’Opinion : Quelles ont été les actions prises par le ministère en guise de préparation de l'accueil et départ des MRE ?

M. Abdelkrim Benoutiq : Cette opération comporte un volet organisationnel très important, par lequel la commission nationale de transit, présidée par le Ministère de l’Intérieur, coordonne son travail tout le long de l’année, dans un esprit de partenariat et d’engagement, pour préparer et évaluer le dispositif mis en place par tous les intervenants. Des réunions de coordination sont organisées avant l’opération, pour finaliser le dispositif organisationnel à mettre en place, mais aussi après l’achèvement de l’opération, pour faire une évaluation globale de son déroulement. Dans ce sens, outre la réunion d’évaluation tenue en octobre 2018 avec la partie espagnole, deux réunions ont été tenues afin de préparer l’opération de 2019. La première au niveau national, le 16 mai 2019, et la seconde, avec les Espagnols dans le cadre de la commission mixte de transit maroco-espagnole, organisée le 20 mai 2019 à Madrid.
Ces mécanismes de coopération et de concertation mis en place avec les Espagnols, dans un esprit d’engagement et de parfaite collaboration, permettent de développer un dispositif qui repose sur trois composantes essentielles, à savoir la fluidité, la sûreté et sécurité et, enfin, la proximité et l’assistance aux MRE.

L’Opinion : Existe-t-il une différence dans la gestion des points d'entrée aérien et maritime, sachant que ce dernier demeure le moyen privilégié des voyageurs? 

M. Abdelkrim Benoutiq : En termes de fluidité, un accent particulier est mis sur le transport maritime, qui constitue un axe central de transport des MRE durant le transit à l’arrivée et au retour du Maroc. Il représente près de 43,1% des flux transitant vers le Royaume. Les principales dispositions prises au titre de l’année 2019 au niveau maritime, concernent essentiellement la mise en place d’un plan de flotte, constitué de 28 navires exploités par 9 compagnies maritimes et desservant 11 lignes maritimes. En outre, d’importants efforts financiers ont été mobilisés pour les équipements et les réaménagements portuaires, auxquels une enveloppe financière globale de 65 millions de dirhams a été consacrée. 
Pour cette année, une aire de repos à l’extérieur du Port de Tanger Méd a été aménagé par les autorités locales, en partenariat avec l’autorité portuaire de Tanger Méd, pour faire face aux flux importants de voyageurs, notamment durant la période de pic. Cet espace d’accueil de 63.000 m² permet de recevoir 1.071 voitures et 248 autocars, contribuant ainsi à mieux gérer la circulation avant l’arrivée aux enceintes du Port.
Au niveau aérien, la compagnie nationale Royal Air Maroc dispose d’une flotte aérienne d’une soixantaine d’appareils, qui opèrent dans les 20 aéroports du Royaume. La politique de libéralisation du transport aérien "Open Sky", opérée à partir de 2006, a contribué au développement des voyages par voie aérienne. Le nombre de passagers ayant emprunté la Royal Air Maroc, au cours de l'année 2016, a atteint environ 6,7 millions de passagers, soit une augmentation de 10% par rapport à 2015.
Quant au transport routier, les dispositions prises pour le renforcement de cet axe, qui représente 15,7% de l’ensemble des flux transitant vers le Maroc durant l’opération, concernent l’élaboration d’un guide sur les entreprises de transport routier officiellement agréées et l’autorisation de 80 sociétés pour l’exploitation de 183 lignes de transport terrestre au titre de l’opération 2019.

L’Opinion : Qu'est ce qui est fait pour assurer la circulation dans les routes ? 

M. Abdelkrim Benoutiq : Outre les dispositions de sécurité prises au niveau maritime et terrestre, le transport routier a connu le renforcement des moyens humains et matériels, à travers les postes frontières dotés de matériels de détection électronique et de scanners, ainsi que d'une mobilisation des ressources humaines nécessaires. Plus de 5.000 agents sont mobilisées durant la saison estivale d’été dans toutes les frontières d’entrée au Royaume, soit une augmentation de 40% par rapport à période habituelle de l’année, composées des agents de la Sûreté Nationale, la Douane, la Gendarmerie Royale, les Forces Auxiliaires et la Protection Civile.
Au niveau de l’accompagnement et de l’assistance sociale, La Fondation Mohammed V pour la solidarité, qui joue un rôle central dans l’opération, a mobilisé, au titre de cette année, 1.232 participants, dont 800 assistantes sociales, 291 médecins, infirmiers et ambulanciers, en plus de 141 vacataires. 

Politique migratoire, quel bilan ?

L’Opinion : Des campagnes de régularisation des migrants irréguliers au Maroc a été lancée en 2014. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

M. Abdelkrim Benoutiq : Le Maroc, dans son engagement pour une approche humaniste et dans le cadre de la mise en œuvre de sa nouvelle politique migratoire, adoptée en 2013 à l’Initiative de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a mené, au cours de l’année 2014, une première opération exceptionnelle de régularisation de la situation administrative des étrangers en situation de séjour illégal au Royaume, qui s’est basée sur des critères de régularisation des plus souples. Cette phase a consisté en la mise en place de 83 bureaux d’étrangers au niveau des Provinces et Préfectures du Royaume pour la réception de demandes de régularisation ainsi que la constitution de commissions locales, qui ont été chargées de l’examen des demandes de régularisation avec la participation de la société civile, dont des ONGs marocaines et des associations de migrants. 
Aussi, une commission nationale de recours, présidée par le Conseil National des Droits de  l’homme (CNDH), a été mise en place, le 27 juin 2014, pour statuer en dernier ressort sur la suite à donner aux demandes qui ont reçu un avis défavorable de la part des commissions locales. Cette initiative a constitué une étape importante dans la conduite de l’opération exceptionnelle de régularisation et dans l’atteinte des objectifs qui lui étaient assignés. Cette première opération a permis de régulariser la situation de 83,53% des 27.643 demandes déposées, représentant 116 nationalités. 
À l’instar de cette première opération exceptionnelle de régularisation, qui a connu un franc succès, et suite aux Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a lancé une 2ème phase d’intégration des personnes en situation irrégulière, en décembre 2016, selon les mêmes conditions qui ont caractérisé l’opération de régularisation 2014, par le prolongement de la durée de validité du titre de séjour d’un an à trois ans, témoignant, ainsi, de l'engagement du Royaume à poursuivre sa politique d’ouverture et d’hospitalité. Cette deuxième opération a connu le dépôt de plus 28.000 demandes de régularisation d'individus de 110 nationalités, dont la majorité a reçu un avis favorable. 
Il faut rappeler, par ailleurs, que le Maroc a une politique de régularisation des demandeurs d'asile. Suite à la réouverture du Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA) auprès du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale (MAECI), en septembre 2013, et la mise en place de la Commission ad-hoc interministérielle de régularisation des réfugiés, il a été enregistré, au 25 juillet 2019, 803 statuts de réfugiés, en plus de 1.341 citoyens syriens auditionnés bénéficiant de la protection internationale.

L’Opinion : L’intégration des migrants dans le circuit économique est voulue comme un pilier de la politique migratoire du Maroc. Comment s'opère-t-elle?  

M. Abdelkrim Benoutiq : L’insertion socioprofessionnelle des migrants constitue l’une des priorités de la politique migratoire. En effet, elle est unanimement reconnue comme un élément clé dans le processus d’intégration locale des migrants, du fait qu’elle leur permet de vivre dans des conditions dignes et décentes et d’acquérir une autonomie économique et financière.
Plusieurs dispositions ont été menées dans le but d'intégrer les migrants régularisés dans les dispositifs d’insertion socioprofessionnelle existants, en étroite collaboration avec les ministères et institutions publiques concernés, les associations de la société civile et les organismes internationaux. Parmi ces mesures, on peut citer l’ouverture de l’accès des migrants et réfugiés aux cursus proposés par l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT), ainsi qu'aux centres relevant de l’Entraide Nationale et ceux du Secrétariat d'Etat chargé de l’Artisanat. Un migrant régularisé a désormais accès aux services de recherche d’emploi de l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC) ainsi qu'aux programmes d’aide à l’emploi. Le Maroc a aussi procédé à l'exemption des migrants régularisés de la préférence nationale en matière d’emploi et à la simplification des procédures de visa des contrats de travail pour salariés étrangers, notamment par la mise en ligne du service “Taechir” et l'ouverture de six guichets de proximité à Casablanca, Marrakech, Agadir, Tanger et Fès. Désormais, les migrants ont la possibilité de créer des coopératives et d'avoir un statut d’auto-entrepreneur, de bénéficier de l'appui aux associations de la société civile pour l’accompagnement de cette catégorie vers l’insertion dans le marché de l’emploi.
Aussi, des efforts sont déployés actuellement pour renforcer les dispositifs d’orientation, d’accompagnement pour l’accès des migrants à la formation professionnelle, au marché de l’emploi et à l’auto-emploi et promouvoir le partenariat public-privé en la matière.

L’Opinion : Comment le Maroc fait face aux à la prolifération des réseaux criminels de traite humaine qui ciblent les migrants clandestins? 

M. Abdelkrim Benoutiq : Il ne faut pas oublier que le Maroc est dans une position géostratégique entre l’Afrique, l’Europe et le Monde Arabe. Il est donc amené à relever les défis liés à la gestion des flux migratoires mixtes. La nouvelle politique migratoire, basée sur une approche humaniste, accorde une importance au fait de créer un équilibre entre le souci de sécurité et le droit à la mobilité. Dans ce sens, le Maroc a mis en place un dispositif de retour volontaire en faveur des migrants extirpés des réseaux de trafic vers leurs pays d’origine, dans le respect de leurs droits et dignité et en coordination avec leurs ambassades accréditées. Plus de 550 retours ont été facilités, avec l’appui de l’Organisation Internationale pour les Migrations, durant la période janvier-juillet  2019. 
Le Maroc déploie des efforts considérables en matière de prévention et de protection des personnes migrantes contre les agissements criminels des réseaux de traite et de trafic des migrants. A ce titre, les autorités marocaines ont pu avorter plus de 40.300 tentatives de départ clandestin et le démantèlement de plus de 92 réseaux de trafic et de traite des êtres humains durant la période janvier-juillet 2019.
Par ailleurs, dans le cadre des opérations de lutte contre les réseaux de trafic des migrants et de la traite des êtres humains, l’action des autorités publiques marocaines intervenant dans ce domaine est strictement encadrée par la loi et les textes réglementaires en vigueur, en plus des dispositions des conventions internationales pertinentes en matière de promotion et de défense des libertés et des droits fondamentaux de tous les migrants, indépendamment de leur situation de séjour au Maroc.

Propos recueillis par Amine DERKAOUI