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Lois électorales : les zones d’ombre d’une réforme pas comme les autres


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mercredi 20 Janvier 2021

L’élaboration des nouvelles lois électorales continue à piétiner au moment où les pourparlers entre le ministère de l’Intérieur et les Partis politiques avancent lentement. Au-delà des divergences techniques, quelques zones d’ombre subsistent sur cette réforme décisive.



Lois électorales : les zones d’ombre d’une réforme pas comme les autres
Alors que les échéances électorales de 2021 s’approchent de plus en plus, le Maroc est au bord d’une réforme électorale décisive qui déterminera l’avenir du paysage politique dans les années à venir. Un changement supposé radical dans le mode de choix de nos élus est toujours en gestation. Ce chantier de remodelage du code électoral initié dès le début de l’année 2020, à l’initiative du Parti de l’Istiqlal, ne cesse de trébucher à cause des divergences au sein de la majorité actuelle sur des détails techniques.

Les pourparlers entre le ministère de l’Intérieur et les Partis politiques sont toujours en cours et semblent avancer posément pour ne pas dire lentement. En mars, puis au milieu de l’été, le rythme des pourparlers s’est ralenti à la faveur de l’aggravation de la crise sanitaire, les préparatifs de la campagne de vaccination et les récents développements de la cause du Sahara qui semblent détourner l’attention du gouvernement du dossier électoral.

Nous sommes en 2021, le temps presse et la session parlementaire d’automne arrive à son échéance alors que le projet du nouveau code électoral est encore perdu parmi la «paperasserie » de l’Intérieur sans trouver son chemin vers la Chambre des représentants. L’instance législative devra voter le nouveau « Package électoral », et trancher ainsi les grands points de discorde entre les partis qui ralentissent cette réforme indispensable à la revalorisation de l’action politique et au regain de confiance entre les citoyens et leurs élus.

Bien qu’aucune annonce ne soit faite, une grande partie des doléances posées par les partis a été retenue, 80% de celles du mémorandum commun du Parti de l’Istiqlal, du PAM et du PPS ont trouvé un accueil favorable. Au-delà des divergences sur les questions techniques telles que le quotient électoral ou le mode opératoire du scrutin (plurinominal par liste ou uninominal individuel), la nouvelle réforme du code électoral recèle des zones d’ombres, d’ordre général et inexplorées, qui méritent examen approfondi. D’autant plus que les questions restent plus nombreuses que les réponses.

Cumul des mandats : vers une révocation ? 
Ce dont nous sommes certains actuellement, c’est que les élections législatives, communales et régionales auront lieu le même jour, probablement un mercredi à la place du vendredi. Une proposition défendue par le Parti de l’Istiqlal et semble faire le consensus dans l’ensemble des partis. Or ceci soulève la question des cumuls de candidatures. Serait-ce possible, pour un même candidat, de se présenter à la fois aux élections locales et législatives ? C’est-à-dire prétendre à la mairie d’une ville ou d’une commune et en même temps à un siège parlementaire. Les avis divergent. Maintenir de cette possibilité ou la révoquer ? La question n’est pas encore tranchée entre les partis, selon des sources proches du dossier.

Loin des ragots, le cumul des mandats n’est pas inconstitutionnel selon Mehdi Mounchid, politologue et professeur à l’Université Hassan II Casablanca, « exercer la fonction de député et de maire d’une grande ville n’est pas prohibé juridiquement, pourtant cela pose un problème éthique », a-t-il affirmé. Des propositions ont été faites dans le sens de l’incompatibilité entre la mairie d’une ville et le mandat législatif, or rien n’est tranché pour le moment. Qu’en est-il des communes ? Quelques élus locaux estiment que le mandat cumulatif permet aux députés d’accumuler une connaissance approfondie du terrain, ce qui pourrait améliorer la qualité de leur rendement législatif aussi bien en matière de proposition de loi que d’examen des textes émanant de l’Exécutif.

Liste nationale des jeunes : la voix de la jeunesse au Parlement menacée ?
L’autre point sensible, est celui de liste nationale des jeunes et des femmes. Les rumeurs sur une éventuelle révocation de la liste des jeunes ont fait réagir les jeunesses des partis qui s’y attachent ardemment comme seul moyen permettant d’encourager les jeunes à participer à la vie publique. Othmane Termounia, secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne nous a précisé que le maintien de cette liste est souhaitable, ajoutant que sans cette liste, les jeunes n’auront aucune chance devant les notables.

En effet, la liste nationale des jeunes formant la circonscription nationale accorde 30 sièges aux jeunes de moins de 40 ans et 60 aux femmes, sans limite d’âge. Le mémorandum commun préconise de la supplanter par des listes régionales pour plus de maillage territorial, une proposition approuvée selon le secrétaire général du Parti de l’Istiqlal Nizar Baraka qui l’a réitéré lors de son récent passage à 2M.

Inciter les gens à voter : une réforme suffira-telle ?
Convaincre les Marocains d’aller aux urnes est le grand tracas des partis, qu’aucune loi électorale ne saurait résoudre. Force est de constater que le risque d’une grande abstention citoyenne n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui, compte tenu de la crise de confiance qui bat son plein. Le risque est tel qu’on parle actuellement de vote obligatoire. Pas question pour Nizar Baraka, qui compte sur les vertus de la tenue des élections au même jour pour booster le taux de participation. Selon le leader de l’Istiqlal, rien ne peut persuader les gens à voter plus qu’une campagne basée sur un débat de fond et sur les programmes électoraux. Regagner la confiance des Marocains passe aussi par une transparence des comptes de campagne, l’amélioration du niveau des élus sachant que plus du quart des députés n’ont pas un niveau d’instruction supérieur. 

Anass MACHLOUKH

Trois questions à Omar Hjira

Omar Hjira
Omar Hjira
« Les divergences au sujet de la réforme du code électoral seront tranchées au Parlement »

Omar Hjira, député istiqlalien à la Chambre des représentants et membre de la Commission de l’Intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville, a répondu à nos questions sur les enjeux de la nouvelle réforme du code électoral et son vote au Parlement. 

- Il est prévu que les nouvelles lois électorales soient votées au Parlement, avez-vous une idée sur la date de leur soumission à la Chambre des représentants ?
- Jusqu’à présent, rien n’est parvenu à l’Instance législative, les pourparlers entre les partis politiques et le ministère de l’Intérieur qui les supervisent sont en cours comme vous le savez. Le gouvernement doit ensuite envoyer un texte final à la Chambre des représentants pour qu’il soit débattu et voté conformément à la procédure législative.

-Le cumul des mandats suscite les débats les plus passionnés, cette question sera-t-elle tranchée au Parlement ?
-Je suppose que ce débat sur le cumul des mandats législatifs et locaux ne saura être tranché loin du Parlement. Les points de vue divergent sur cette question. Il importe ici de savoir si les élus pourront exercer simultanément le mandat législatif et gérer les mairies des villes, ou celles de quelques grandes villes en particulier, ou encore des régions qu’il faut identifier. C’est encore en discussion entre les représentants des Partis politiques et il incombera finalement aux députés de trancher le débat.

-Le risque d’abstention est très grand, comment peut-on sauver la situation ?
-Déjà le fait que les trois élections soient organisées le même jour permettra de hisser un peu le taux de participation. C’est d’autant plus probable qu’elles auront lieu un mercredi au lieu du vendredi qui, comme vous le savez est un jour de prière et de fin de semaine. En outre, les élections communales vont donner un coup de pouce aux autres en matière de participation vu qu’elles connaissent une plus forte mobilisation et une diversité de candidats. 

Recueillis par A. M.

Encadré

Quotient électoral : Vers un point de convergence entre les partis ? 
Depuis des mois, le quotient électoral n’a cessé de diviser les partis politiques au point de devenir le principal écueil qui entrave la conclusion d’un accord final. Le point de discorde porte sur le changement du mode de calcul du quotient qui ne manquera pas de chambouler le mode de répartition des sièges parlementaires. Deux visions s’opposent, garder le mode de calcul actuel basé sur les bulletins valides exprimés ou prendre en compte toutes les personnes inscrites sur les listes électorales. Seul contre tous, le Parti de Justice et de de développement (PJD), à la tête de la majorité actuelle s’obstine à refuser tout changement et à garder la formule actuelle, jugée confortable et avantageuse.

Le désaccord oppose même les partis de la majorité. Prendre en compte le bulletin non-valide et ainsi l’ensemble des voix exprimées semble une mesure médiane qui peut atténuer la discorde ambiante et peut trouver un écho dans l’esprit des partis politiques. Tout en restant ouvert au débat, le Parti de l’Istiqlal n’écarte pas cette proposition présentée en commun avec le PAM et le PPS. En effet, le quotient électoral tel que calculé aujourd’hui pose clairement un problème de représentativité démocratique et notamment l’inadéquation entre la proportion des voix récoltées et celle sièges parlementaires obtenus. Lors de son intervention à l’émission « Confidence de Presse » à 2M, Nizar Baraka a rappelé que le Parti qui dirige le gouvernement a raflé 32% des sièges avec seulement 27% des voix, alors que des partis comme le PPS n’ont eu que 2% des sièges bien qu’ayant obtenu 5% des voix. L’enjeu de cette réforme est de soutenir le pluralisme, selon M. Baraka. 
A. M.

Repères

Nizar Baraka : les programmes d’abords
Au moment où les débats sur les prochaines élections se réduisent à des aspects techniques tels que le quotient électoral, Nizar Baraka a appelé à un débat de fonds qui doit présider à la prochaine campagne électorale. La campagne doit se concentrer sur les vrais sujets à savoir la santé, le chômage, la corruption, l’éducation et la réduction des inégalités, estime M. Baraka qui a indiqué que les prochaines alliances doivent se faire au gré des programmes électoraux afin de former une majorité stable et homogène. 
La balle chez le gouvernement
Normalement, il prévu que le Parlement se prononce sur la réforme du code électoral et tranche ainsi les divergences par un vote. Selon des sources concordantes, la séance du vote pourrait avoir lieu lors d’une session extraordinaire, au cas où le gouvernement ne présente pas le projet de loi à l’instance législative pendant la session d’automne. L’équipe de Saad Dine El Othmani est censée se saisir de dossier dans les plus brefs délais afin de finaliser les contours du prochain code électoral et le présenter aux députés de la Nation.



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