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La planche à billets, dites – vous ?


Rédigé par Samir Belahsen le Dimanche 21 Juin 2020

La sortie fracassante du Professeur Lahcen Daoudi sur la planche à billet a été plutôt mal accueillie.



Dr Samir Belahsen
Dr Samir Belahsen
Le recours à la planche à billets signifie la création de la monnaie ex-nihilo, c'est-à-dire sans création de richesse correspondante. Il ne s’agit pas forcément de billets ou de pièces, c’est surtout de la monnaie fiduciaire créée par la banque centrale.

Elle crée de la monnaie sur la base de rien. On parle alors aussi d’assouplissement quantitatif.
 
Tout en prévoyant pour 2020 une inflation basse, une décroissance de l'économie de 5,2% et une forte dégradation du déficit budgétaire et de la dette du Trésor, la Banque centrale exclue tout recours à la planche à billet.

Le Wali de la banque centrale Abdelatif Jouahri a opposé un niet ferme et catégorique en soulignant les risques inflationnistes, sur les réserves de change et la balance des paiements, compte tenu du déficit extérieur structurel.

Il a appelé à plus de responsabilité face à la crise.
Certains journalistes y ont vu, une réponse sévère au professeur Daoudi (ex ministre PJD des affaires générales et économiques).
 
Celui-ci a précisé à L’Observateur que « C’est une évidence que la planche à billet favorise l’inflation…une inflation jusqu’à 3 % est un mal nécessaire… »
Au-delà du traitement peu élégant que le journal a réservé à l’ex-ministre, le débat mérite quelques interpellations :
 
  1.  Et si la majorité élue partageait la vision du professeur Daoudi ?
 
Était-ce seulement le point de vue du professeur ou bien celui de son parti ?
Et encore mieux : Est ce la vision de la majorité élue ?

Plusieurs partis de la majorité ont proposé des mesures « populistes » de relance par la dépense publique sans poser la question du financement, s’attendent-ils à des miracles ? Quel endettement vont-ils tolérer ?

Que peuvent ils en tant que gouvernement devant le niet du Wali ?
Cela repose la question délicate sur la pertinence de la fameuse autonomie de la banque centrale.
 
         2-Sur le fonds une inflation au ras des pâquerettes ne suggère -t-elle pas à un usage modéré de la planche à billets ?
 
L’inflation ne doit être considérée ni comme un vice ni comme une vertu, mais comme une stratégie possible.

Quoi que l’on puisse penser de Mr Daoudi, de sa maitrise de la grammaire ou du clavier, l’idée est intéressante : la relance d’une économie par le levier monétaire est possible.
De toute façon, nous pensons que si la décision de limiter l’endettement additionnel s’imposera à un niveau donné, l’examen du recours modéré à la planche à billets pourrait alors s’avérer nécessaire.
Selon BAM, la dette publique globale devrait passer de 80,5% du PIB en 2019 à 91,5% du PIB en 2020 avant de s'améliorer légèrement à 91,1% en 2021.

Une inflation inférieure à 2,5 % pourrait même ouvrir permettre des mesures de redistribution ciblées.
En tout cas, l’histoire ne condamne pas formellement l’inflation quand elle reste dans de telles bornes.
En économie comme en politique, si la théorie a et aura toujours sa valeur, l’histoire nous renseigne que le pragmatisme est la meilleure technique de management.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Steven Poloz, nous rappelle : « Un pompier n’a jamais été critiqué pour avoir utilisé trop d’eau».
 
Un autre pragmatique, Ronald Stöferle gérant chez Incrementum AG précise : « …l’énorme quantité de création monétaire n’aura probablement pas un effet ou un impact inflationniste en première instance, car le verrouillage de l’économie a entraîné l’effondrement total de la vitesse de circulation de la monnaie. »

C’est dire que l’hypothèse caeteris paribus  (Toutes choses égales par ailleurs) n’est pas vérifiée à notre sortie du confinement. L’effet inflationniste de la planche à billets devrait être atténué par l’effondrement de la vitesse de circulation de la monnaie.

Il faudrait bien entendu veiller à ce que les bénéfices ne soient captés que par une oligarchie financière et un capitalisme de connivence bien connus chez nous.
La planche à billets risque de profiter à ceux qui sont bien placés pour bénéficier de la dépense publique.
Certains lobbys ou corporations sont mieux placés que les autres. (Suivez mon regard… !)
L’effet Cantillon est évidemment à éviter.
Politiquement, l’affaire est plus compliquée, pourrait- on accepter d’une majorité sortante des mesures dépensières à la veille des élections législatives ?
Le niet du Wali serait alors plus politique que dogmatique. On pourrait même y trouver une faveur de son indépendance et un bon sens certain.
D’autres diraient même : la démocratie a ses limites. Une majorité à un instant T ne doit pas pouvoir engager les générations à venir.
Nous pensons que le problème est le même aussi bien pour l’endettement que pour l’usage abusif des ressources non renouvelables. Mais c’est un autre débat.   
 
D’une manière générale, nous pensons qu’il n’y aura pas de solution miracle ni de piste inexplorable. Il conviendrait d’utiliser plusieurs outils de relance simultanément modérément et sans abus.
 
Tout est question de dosage. 
 

Samir Belahsen



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