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Journée internationale du chat : Des griffes de fer dans des pattes de velours


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 10 Août 2022

Adoré par les uns, détesté par d’autres, le chat côtoie les humains depuis des temps immémoriaux, alors que derrière sa jolie frimousse, se cache un véritable serial killer de la petite faune.



Célébré par une Journée internationale le 8 août de chaque année, le chat est un animal qui accompagne l’être humain depuis la nuit des temps. Face à sa grâce naturelle et à son caractère particulier, certaines anciennes civilisations (comme celle des Égyptiens) lui ont voué un véritable culte en l’érigeant au rang du sacré. Aujourd’hui encore, les ferveurs défenseurs du chat - et de son droit au bien-être - sont encore très nombreux. Pourtant, derrière sa frimousse attendrissante et son manège pour vous quémander une part de votre bifteck, se cache un redoutable prédateur qui malgré sa domestication ne perd quasiment jamais son instinct de félin chasseur.

Au Maroc comme dans plusieurs régions à travers le monde, la présence des chats à proximité de l’Homme est particulièrement visible. Au vu de leur rythme de reproduction, les populations de chats errants ne cessent de se multiplier, en dépit des efforts des associations de protection animale qui tentent de mettre un maximum de chatons errants en adoption.

Un séducteur souverain

Contrairement aux chiens errants qui peuvent parfois être perçus comme un danger potentiel pour les riverains, les chats semblent être beaucoup mieux tolérés. « C’est un petit animal très doux, complètement inoffensif et très propre par nature. C’est pour cette raison qu’il peut souvent s’introduire dans les maisons sans grand problème », nous explique Wiam, « maman » de deux magnifiques chats siamois. « Le chat est un grand séducteur qui, pourtant, reste très attaché à son indépendance. Son petit côté « souverain » est également une raison qui explique la fascination qu’il peut susciter chez les humains », poursuit la jeune femme. Un constat confirmé par des milliers d’années de vie commune avec l’Homme : là où le chien accourt pour faire plaisir à son maître, le chat, lui, n’en fait qu’à sa tête. Alors même que la vie entière d’un chien semble tourner autour de ses compagnons humains, le chat, lui, peut le plus souvent s’affranchir et garder une certaine distance, tant que ce n’est pas l’heure du repas.

Un danger pour la biodiversité

Que l’on soit passionné de chats ou pas, il y a un autre constat qui est cependant rarement bien assimilé par le grand public : l’impact écologique de ce petit félin. « C’est une réalité qui est bien connue par les écologistes et spécialement par les ornithologues. Au vu de leurs capacités et agilités naturelles, les chats font des ravages dans la biodiversité. Ils peuvent chasser, en grand nombre, quantités d’espèces de petits mammifères, d’oiseaux ou même de reptiles, surtout lorsqu’ils se retrouvent en errance dans des espaces naturels », explique Sidi Imad Cherkaoui, enseignant-chercheur à l’Université Ibn Tofail de Kénitra et président de l’Association Nature Solutions.

Plusieurs études et rapports scientifiques attestent de ce phénomène qui, dans certaines contrées insulaires, a fini par prendre une ampleur inédite. « En introduisant le chat dans certaines îles où la biodiversité avait pu évoluer d’une manière isolée, certains explorateurs ont causé le déclin, voire la disparition de certaines espèces qui sont pourtant très rares, voire endémiques », souligne l’écologiste.

Contrôle des populations

Si plusieurs pays se sont attelés à la tâche de chiffrer les dégâts écologiques des chats, le Royaume semble pour sa part prendre du retard dans ce domaine. « Il est absolument certain que dans notre pays les chats errants ont un impact considérable sur la petite biodiversité. Cela dit, il n’existe pas encore d’études approfondies qui ont été réalisées au niveau national pour étayer et chiffrer ces dégâts », regrette Sidi Imad Cherkaoui qui appelle à multiplier les efforts pour contrôler les populations de chats errants au Maroc.

« On voit de plus en plus de personnes qui nourrissent les chats dans les rues, ce qui, sans effort de sensibilisation, risque de favoriser la prolifération de cet animal. Je pense qu’il est nécessaire de redoubler d’efforts afin d’organiser des campagnes de stérilisation de chats errants. Autrement, la situation ne pourra être favorable, ni à l’Homme, ni à la biodiversité, ni aux chats eux-mêmes », conclut le scientifique.



Oussama ABAOUSS

Repères

Le chat ganté
Le chat ganté, ancêtre sauvage des chats domestiques, fait partie des espèces de petits félins que compte le Royaume. Selon les spécialistes, la survie de cette espèce est menacée par la prolifération des chats domestiques errants. Bien que sauvages et très farouches, les chats gantés peuvent s’hybrider avec des chats domestiques qui investissent leurs aires de répartition. Ce phénomène peut à terme impacter les populations de chats gantés qui voient ainsi se perdre leurs caractéristiques génétiques intrinsèques.
 
Mi-ange, mi-diable
Tout d’abord vénéré par les Égyptiens, le chat fut diabolisé en Europe au Moyen Âge et ne retrouva ses lettres de noblesse qu’au XVIIIème siècle. En Asie, le chat reste synonyme de chance, de richesse ou de longévité. Ce félin a laissé son empreinte dans la culture populaire et artistique, tant au travers d’expressions populaires que de représentations diverses au sein de la littérature, de la peinture ou encore de la musique. Il existe actuellement une cinquantaine de races différentes de chats reconnues par les instances de certification.

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Journée internationale du chat : Des griffes de fer dans des pattes de velours

Etude


Le chat, dans le top 10 des espèces invasives les plus coûteuses
 
En juillet 2022, l’Académie polonaise des sciences a inscrit les chats sur la liste des espèces invasives en raison de leurs répercussions sur la biodiversité. « Les critères pour considérer ces félins parmi les espèces invasives sont remplis à 100% », a par ailleurs déclaré Wojciech Solarz, biologiste à l’Académie polonaise des sciences. Cette affirmation n’est pas une première puisque d’autres scientifiques ont déjà abondé dans le même sens, notamment à travers une étude publiée en mai 2021 et intitulée « Les «100 pires» espèces invasives du monde sont-elles aussi les plus coûteuses ? ».

L’étude en question a classé le chat domestique en deuxième position du top 10 des espèces invasives qui ont le plus grand impact économique. Juste après les moustiques, les chats auraient -selon la même source - causé des dégâts pouvant être chiffrés à plus de 43 milliards de dollars pour la période s’étalant entre 1960 et 2020. À noter que les chats sont présents dans tous les continents, sauf à l’Antarctique, et sur 118 des 131 principaux archipels, même sur les plus isolés.
 

TNR


Comment l’Hôpital Cheikh Zaid a pu contrôler les populations de chats
 
Les chats sont particulièrement présents aux alentours des milieux hospitaliers au Maroc. En plus des nuisances que cette présence peut constituer, il existe également un risque sanitaire qui justifie de trouver des solutions viables pour remédier à cette situation. En dépit de diverses campagnes menées dans cette perspective, les grands centres hospitaliers du Royaume n’ont pas réellement pu trouver une méthode efficace puisque leurs espaces continuent sans cesse à être réinvestis par d’autres chats. Une expérience réussie a cependant été testée par l’Association de Défense des Animaux et de la Nature (ADAN) au niveau du centre hospitalier de Cheikh Zaid à Rabat.

Tous les chats qui occupaient les espaces de l’hôpital ont été capturés, vaccinés, stérilisés puis relâchés au niveau des espaces verts de l’hôpital où ils ont trouvé une maisonnette spécialement aménagée par l’association pour les héberger. Depuis, les chats causent moins de nuisance, ne se reproduisent plus, présentent un moindre risque car stérilisés et vaccinés et cerise sur le gâteau : ils empêchent les autres chats non-traités d’investir leur territoire.

Selon l’ADAN, cette méthode est la seule à offrir une solution éthique et efficace puisqu’elle se base sur le concept de TNR (Trap Neuter Release) qui se base sur la stérilisation plutôt que sur l’éradication. D’autres chats errants ne pourront investir les lieux que lorsque les animaux déjà traités seront arrivés à la fin de leur vie. Il sera alors nécessaire, selon l’ADAN, de refaire la même opération.
 

3 questions à Ahmed Taheri


« Il ne s’agit pas là d’un rongeur ou d’un insecte, mais d’un des meilleurs amis de l’Homme »
 
Co-auteur d’une étude sur le coût économique des espèces invasives en Afrique et enseignant-chercheur à l’Université Chouaïb Doukkali, Pr Ahmed Taheri répond à nos questions.

- Peut-on considérer le chat domestique comme une espèce invasive ?

- Il y a eu une grande polémique en Europe durant ces dernières années sur la question du classement du chat domestique en tant qu’espèce invasive. Ce qui est en revanche certain, c’est qu’il existe effectivement une tendance de prolifération des chats - au vu du rythme de leur reproduction - qui se conjugue avec l’impact de la prédation exercée sur un nombre considérable de petites espèces, surtout parmi les oiseaux. Le fait que le chat soit un animal domestique altère parfois la perception du grand public par rapport aux conséquences négatives que cet animal peut avoir, notamment en tant que vecteur de maladies (rage entre autres) surtout quand il s’agit d’individus qui sont en errance. Il n’est de ce fait pas surprenant de considérer que la prolifération des chats peut avoir un coût économique puisque les dégâts qu’ils peuvent causer sont autant écologiques que sanitaires.


- Le chat domestique est-il réellement un aussi redoutable chasseur ?

- Sans aucun doute. C’est un animal qui est très efficace en tant que chasseur et prédateur de la petite faune. N’oublions pas qu’il s’agit d’un félin avant tout, et que la Nature a doté cette famille d’espèces avec tous les atouts nécessaires pour être aussi agiles qu’efficaces.


- Comment peut-on mitiger les impacts négatifs du chat domestique ?

- La première étape consiste à reconnaître la réalité de ces impacts négatifs. En second lieu, je pense que les autorités sanitaires et territoriales devraient travailler en tandem avec les associations de protection animale pour trouver des solutions éthiques pour contrôler les populations des chats errants, car il ne s’agit pas là d’un rongeur ou d’un insecte, mais d’un des meilleurs amis de l’Homme.


Recueillis par O. A

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