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Actu Maroc

Jesko Hentschel : « La dette publique marocaine reste soutenable à moyen terme »

Entretien avec Jesko Hentschel, le Directeur Maghreb à la Banque Mondiale


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 22 Décembre 2020

Soutenabilité financière, financement des projets de développement et perspectives de reprise
de la croissance, le directeur du Maghreb à la Banque Mondiale nous livre sa vision.



Jesko Hentschel
Jesko Hentschel
Depuis le début de la pandémie, l’arrêt de l’activité a poussé le Maroc à recourir aux institutions financières pour gérer la période de la crise sanitaire, 250 millions de dollars contractés au mois d’avril, 30 millions en juin, 250 millions pour financer la stratégie de développement agricole et puis 400 millions accordés en début de ce mois pour soutenir les efforts du Maroc dans le cadre de la généralisation de la couverture sociale. Jesko Hentschel, Directeur des opérations pour le Maghreb et Malte à la Banque Mondiale, nous explique les détails de cet emprunt à vocation sociale qui servira à financer le chantier lancé par SM le Roi, et qui sera exécuté en cinq ans à partir du projet de loi des Finances 2021. Outre cela, le responsable de la Banque Mondiale nous a fait part de son évaluation de la soutenabilité financière du Royaume dans un contexte d’endettement extérieur élevé et d’une récession considérable. 

- La Banque Mondiale a accepté d’accorder au Maroc 400 millions de dollars pour la protection sociale, ce prêt va-t-il contribuer au programme de généralisation de la couverture médicale qui est prévue sur cinq ans ? Compte-zvous continuer à soutenir ce projet social jusqu’à son échéance d’ici cinq ans ?
- Tout d’abord, et pour resituer le contexte de cet appui, il est important de préciser que ce financement est la suite logique de l’accompagnement de la Banque Mondiale aux efforts du Royaume pour rendre plus efficace son système de protection sociale. La Banque appuie le Maroc en effet depuis plusieurs années sur les volets financier et technique, notamment pour le déploiement du Registre National de Population et d’un registre social unifié RNP/RSU, qui représentent le fondement d’une meilleure identification et d’un meilleur ciblage des bénéficiaires. Avec l’avènement de la crise, il s’agissait d’agir rapidement pour accélérer la mise en œuvre de ce chantier stratégique. Ce nouveau financement se situe dans cette optique-là, pour permettre au pays de réduire le choc social induit par la pandémie. Notre programme, dont la mise en œuvre s’étalera sur une durée de 3 ans, se concentre donc sur l’étape en cours, en appuyant d’une manière rétroactive la réponse d’urgence du gouvernement, notamment les transferts monétaires déployés via le Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus. Le projet renforcera aussi les programmes de transferts monétaires existants et futurs pour protéger et renforcer la résilience des ménages. Parallèlement à cet appui, nous mobilisons une assistance technique au profit du gouvernement marocain, notamment pour le développement des systèmes d’identification et la digitalisation des transferts monétaires des programmes sociaux.

L’ambitieuse réforme de protection sociale annoncée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI est un chantier de longue haleine et hautement stratégique dans sa portée. La Banque Mondiale reste engagée auprès du Maroc pour continuer à accompagner les besoins du gouvernement dans les prochaines étapes de mise en œuvre de sa stratégie sociale.

- Le prêt de 400 millions sera remboursable sur combien d’années ?
- La durée de remboursement des prêts est conjointement définie avec la partie gouvernementale. Cette durée sera déterminée au moment de signature de l’accord de prêt qui devrait intervenir dans les prochaines semaines.

- Le Royaume a contracté plusieurs prêts depuis le début de la crise sanitaire, on parle de plus de 13 milliards de dollars empruntés en seulement une année, comment vous évaluez le niveau d’endettement du Royaume, est-il rassurant ? 
- Le Maroc, comme d’autres pays à travers le monde, est confronté à la chute de ses recettes fiscales en raison de la crise. En parallèle, les dépenses publiques ont été cruciales pour faire face à l’urgence sanitaire et soutenir les revenus des ménages. Cela a naturellement affecté les efforts d’assainissement budgétaire des dernières années. De ce fait, une augmentation de la dette du gouvernement central est attendue, et devrait passer de 65% du PIB en 2019 à près de 77,4% du PIB à la fin de cette année.

Cependant, la dette publique du Maroc reste soutenable à moyen terme. Dans ce contexte, il est aussi important de noter qu´un pourcentage élevé de la dette publique marocaine est intérieur, en monnaie locale, à long terme et à taux fixe, ce qui réduit sensiblement le risque de surendettement du pays, par rapport à d´autres marchés émergents. 

- Le Maroc enregistrera une récession de 7,8% à la fin de l’année, la Banque a changé à plusieurs reprises ses prévisions de croissance pour le Maroc, vous avez prévu au début 4% puis 6,3%. Ceci contraste parfois avec les prévisions du FMI et du Haut-Commissariat au Plan (HCP), comment vous expliquez cette différence d’estimations ? Comment vous ajustez vos prévisions en fonction de l’évolution de la crise sanitaire ?
- Cette crise sans précédent est en effet marquée par de nombreux rebondissements liés à la fois à sa durée, aux vagues de contaminations mais aussi aux annonces liées aux nouveaux vaccins. Ces rebondissements affectent les prévisions des économistes.

Quant aux différences dans les projections des différentes institutions, celles-ci s´expliquent par le fait que nous n´utilisons pas les mêmes modèles macroéconomiques et aussi par le fait que nos scénarii et hypothèses ne coïncident pas toujours. Toutefois, il faut reconnaître que la pandémie du Covid-19 provoque un choc sans précédent sur les économies, ce qui a exacerbé les incertitudes, expliquant ainsi les révisions régulières des projections de la plupart des institutions. Ces prédictions sont bien entendu fortement influencées par l´évolution de la crise sanitaire et par les mesures adoptées par les autorités pour affronter la crise. 

- La campagne de vaccination va-t-elle pouvoir améliorer les perspectives de reprise de la croissance dans le court terme ?
- Les résultats encourageants des essais scientifiques sur les différents vaccins ainsi que les annonces récentes sur la campagne de vaccination qui aura lieu au Maroc nous ont amenés à revoir notre prévision de croissance à la hausse pour 2021, passant de 3,4% à 4%.

Recueillis par Anass MACHLOUKH

Economie nationale : des perspectives pessimistes pour le moment

Dans le contexte de la pandémie, la récession est si forte et si pesante sur les équilibres macroéconomiques que les perspectives d’une reprise de la croissance sont incertaines, malgré les mesures de relance introduites par le gouvernement dans le PLF 2021. Ce constat a été étayé par le Gouverneur de Bank-Al-Maghrib Abdellatif Jouahri, lors de sa dernière apparition à la Chambre des Représentants. Ce dernier a fait état d’une crise sévère que traverse actuellement notre pays, vu les contraintes de la pandémie, il a fait savoir qu’il ne faut pas se faire d’illusions sur une relance immédiate, dont les effets ne pourront se faire sentir qu’au début de 2023. M. Jouahri a rappelé les estimations de récession aussi bien du gouvernement que celles des institutions financières internationales, qui varient entre 5,8 et 7,2% à la fin de 2020. À cela s’ajoutent l’aggravation du chômage avec la perte de 580.000 emplois, le creusement du déficit budgétaire à 7,9% et de la dette publique à 76% du PIB alors qu’elle n’en représentait que 65%. 

Repères

250 millions de dollars pour la stratégie Génération Green
Le Conseil des administrateurs de la Banque Mondiale a approuvé, mardi 15 décembre, un programme destiné à soutenir la stratégie Génération Green poursuivie par le Maroc dans l’agriculture, avec un financement de 250 millions de dollars (214,2 millions d’euros). Ce plan entend promouvoir la productivité agricole, la résilience climatique et l’inclusion économique des jeunes dans les zones rurales. Il vise également à rendre les activités agricoles plus rémunératrices et à promouvoir les pratiques climato-intelligentes au service d’une agriculture durable.
Le Maroc songe à un nouvel emprunt auprès du FMI
Selon l’agence Bloomberg, le gouvernement entend réactiver la ligne de crédit obtenu en 2012, qui semble avoir l’aval de la commission des finances au Parlement, dont une source a indiqué que le ministère des Finances est bien conscient de la nécessité de cette décision. Laquelle pourrait être soutenue par le Parlement. Toutefois, cette hypothèse d’un nouvel emprunt est encore en cours d’examen, sachant que ni la date ni le montant ne sont connus, jusqu’à présent.
Secteur de la Santé : le Maroc obtient 48 millions de dollars
Pour renforcer le système hospitalier, le Royaume a obtenu, le 16 juin dernier, un prêt de 48 millions de dollars auprès de la Banque Mondiale. Ce montant a servi à améliorer des structures et l’offre de soins dans le contexte de la pandémie du Covid-19, où l’hôpital public est confronté à une pression sans précédent. Ce prêt s’inscrit dans le cadre d’un financement approuvé en 2015 sous la forme d’un programme axé sur les résultats (PforR) et destiné à appuyer les services de santé primaire, comme le précise la Banque Mondiale dans son communiqué relatif à ce sujet.