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Culture

Jean-François Kahn : « En France, les journalistes cons, il y en a beaucoup. »


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 2 Juillet 2023

Dans son dernier ouvrage « Comment on en est arrivé là » paru en ce fin de printemps 2023, le journaliste Jean-François Kahn décortique l’état de la société française de ces longues dernières années. Personne et rien n’est épargné. Il tire à boulets rouges avec consternation mais également jouissance. Quant à la sulfateuse réservée aux médias, elle est astiquée pour bien déchiqueter des méthodes anti-déontologiques orchestrées en connivence ou en solo. Concentrons-nous sur ce que prend la presse.



Ancien correspondant depuis Paris du quotidien casablancais « Le Petit Marocain », membre entre autres de la rédaction de « L’Express » de Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, créateur des news magazines « L’Evènement du Jeudi » et « Marianne », auteur d’une quarantaine d’essais sur la société française, Jean-François Khan passe une large partie de sa vie professionnelle à s’indigner, à se faire des ennemis, à dénoncer à tout va. Avec « Comment on en est arrivé là », c’est le son d’une tronçonneuse qui accompagne la délicieuse lecture de ses 500 pages. Croyant que son récit livré en deux beaux pavés (« Mémoires d’Outre-vies », tomes 1 et 2 parus respectivement en avril 2001 et février 2002) a tout conté, eh bien, on s’est mis le doigt dans l’œil.

L’inénarrable intellectuel de 85 ans remet le couvert avec flegme et rageuse force de frappe : « Je ne me fais aucune illusion. J’atteins donc les 85 piges. Ce n’est pas un âge où l’on s’autocensure. Même si cela m’est déjà arrivé. Je dirai donc les choses très exactement comme je les ressens. Tel qu’il m’apparaît nécessaire, indispensable, de les dire. Parce qu’il faudra bien établir comment on en est arrivé là. Hier, venant de la droite comme de la gauche, des médias de droite et de gauche, j’en aurais pris plein la figure. Mais j’ai de la chance : aujourd’hui, on ne controverse plus, ce qui serait une façon d’accepter le débat, on se contente d’exclure par l’anathème ou le silence. Et, franchement, je m’en fous ! », dit d’emblée ce tueur à mains nues.
 
Cendres tièdes
 
Jean-François Kahn, l’humain chagriné, a un haut-le-cœur quant à l’état de la presse de son pays, la France, pernicieuse donneuse de leçons. Le résultat est tristement édifiant. Extraits : « Comment on était-on arrivé là ? A l’omniprésence médiatique, plusieurs mois durant, d’un candidat-surprise, Éric Zemmour, qui, avant de se faire hara-kiri, chouchouté qu’il fut, encaustiqué, pommadé par l’aile droite du pouvoir médiatique, permit aux plus indécrottables nostalgiques de renifler d’un coup l’âcre et indiluable parfum de deux inoubliables moments : 1940 et 1244, le vichysme et les croisades (…) Comment en était-on arrivé là ? A la promotion, tout aussi médiatique, d’un égotisto-trotskiste pyromane, Jean-Luc Mélenchon, qui s’acharnait à transformer en incendies toutes les effervescences, absolument toutes, en soufflant sur n’importe quelle cendre tiède (…) C’était particulièrement spectaculaire à droite où un oligarque expansionniste imposait aux médias, qu’il avalait l’un après l’autre -radios, télévisions, maisons d’édition, journaux- ses très réactionnaires lubies.

Ou une richissime momie aux bandelettes dorées se faisait bénir d’avance son futur mausolée par ses médias qui l’embaumaient, en même temps qu’ils embaumaient l’actualité, pour mieux l’enfermer dans son sarcophage idéologique. » Terrible constat qui se poursuit en bon français riche de ses éclats verbaux : « N’importe quel zigoto, con comme une balayette, incapable d’intégrer à sa réflexion la moindre nuance, la moindre complexité, la moindre finesse, se précipitait sur chaque nouvelle émergence idéologique profitant d’un effet de mode -l’anticapitalisme, le néolibéralisme, l’identitarisme ou le féminisme, l’écologisme ou le nationalisme, le souverainisme ou le néo-conservatisme, le libertarisme ou l’autoritarisme négatif réactif-, les poussait, à grands coups de savate conceptuelle et de gourdin logomachique, jusqu’aux dernières limites de l’insanité (histoire, comme on dit, ‘’de faire le buzz’’, c’est-à-dire de se sonoriser le nombril, et trouvait des journalistes cons -il y en a beaucoup- pour, ravis de cette aubaine, relayer avec délectation chacun de ces degrés zéro, moins exprimés que hurlés, de l’intelligence réflexive.

Aucun des médias des casemates opposées, qui s’échinaient à refouler les hors-d’eux et à étouffer les entre-d’eux n’hésitait, en revanche, pour peu qu’on se range dans sa case, à promouvoir le n’importe quoi. » Et boom ! Au Maroc, la situation est similaire, surmontée de réalités locales. Nous en avons parlé, ici-même, il y a une semaine. Que le métier soit à ce point désintégré, cela plonge les puristes dans le désarroi. Quant aux autres, ils sont les fossoyeurs d’une grande noblesse.
 
 
Anis HAJJAM      








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