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[Interview avec le Dr Abdellatif Tlemsani] « Les services de santé dédiés aux séniors doivent être remis sur pied »


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 19 Août 2021

Au-delà du contexte actuel lié au Covid-19, la question du 3ème âge se pose avec beaucoup d’acuité. Le Dr Abdellatif Tlemsani souhaite apporter un renfort au corps médical en formant des assistants de vie. Entretien.



- Vous êtes en cours de finalisation d’un projet au profit de ceux à qui on pense peu au Maroc : les personnes âgées. Quels sont les tenants et aboutissants de ce projet ?

- Il s’agit de former des auxiliaires, ou assistants de vie (ADV). C’est une idée qui m’est venue il y a deux années avec un ami franco-marocain. Jusqu’à présent, nous avons créé un comité de soutien composé de nombreux médecins et professeurs de renom. L’idée est de former des infirmiers et infirmières, gratuitement, en arabe, français et amazigh, dans toutes les villes marocaines. Ainsi, on créera de l’emploi. Cela rend service du point de vue humain. Les tâches des ADV consisteront en l’aide des personnes dépendantes dans la réalisation d’actes essentiels de la vie quotidienne, en les accompagnant dans leurs activités de loisir et de vie sociale, et en les aidant pour la toilette, l’habillage et le déshabillage. Les futurs ADV seront en mesure de préparer les repas, d’aider les personnes âgées aux démarches administratives, entre autres.

- C’est aussi l’occasion de parler de la situation des personnes âgées depuis le déclenchement de la pandémie…

- La crise sanitaire dure et les nouvelles restrictions annoncées fragilisent encore plus les personnes âgées, déjà éprouvées par le confinement du printemps de 2020. Certaines personnes âgées n’ont eu aucun contact avec leur famille durant le confinement, et d’autres n’ont trouvé personne à qui parler. Le coup au moral du couvre-feu était quand même rude. Parmi les remarques soulevées après la levée du couvre-feu et depuis le lancement de la campagne nationale de vaccination, il n’y a pas de distanciation ou mesures préventives dans les centres de vaccination. Plus grave, on ne les interroge même pas s’ils ont de la tension, du diabète, des allergies… avant de leur administrer le vaccin. De plus, on aurait pu se déplacer pour les vacciner au lieu de leur faire subir les longueurs infinies des files d’attente. Par ailleurs, on aurait pu saisir l’occasion pour sensibiliser les jeunes étudiants en médecine à la radiologie et à la gériatrie.

- Justement, évoquant le point de la gériatrie, estimez-vous avoir assez de médecins gériatres au Maroc ?

- Pas du tout. La gériatrie est une spécialité à part, multidisciplinaire, nécessitant la collaboration et la coordination de plusieurs acteurs oeuvrant dans le domaine médico-social et paramédical. Le secteur de la Santé destiné à la personne âgée au Maroc est à concevoir au vu des exigences actuelles.

- Vous êtes médecin biologiste avec une expérience à l’Institut Pasteur de Casablanca : que pensez-vous de l’efficacité des tests PCR, antigéniques et salivaires ?

- Il va sans dire que les tests PCR vendus de 600 à 700 dhs sont chers. Concernant les tests antigéniques, fabriqués localement et vendus en pharmacies à 100 dhs, il y a 20% de faux négatifs. Dans ce cas-là, on n’a qu’à fermer les laboratoires et les cabinets de radiologie. Cela peut se faire dans les petites villes ou dans les zones éloignées, qui n’ont pas accès aux laboratoires. Un autre projet me préoccupe, celui d’équiper les laboratoires des hôpitaux et de former les techniciens à l’Institut Pasteur, qui appartient à l’Etat. Ainsi, le prix des tests variera entre 150 et 200 dhs et sera gratuit pour les personnes démunies. Donc, c’est un laboratoire qui ne doit pas faire de bénéfices
 

Figure de la biologie médicale au Maroc

Dr Abdellatif Tlemsani, médecin biologiste
Dr Abdellatif Tlemsani, médecin biologiste
L’histoire du Professeur Abdellatif Tlemsani est l’histoire d’une passion. Lauréat de la première promotion de la Faculté de médecine de Rabat en 1962, il est l’un des premiers biologistes marocains.

Grâce au soutien de feu Docteur Abdelmalek Faraj, qui est le premier ministre de la Santé marocain, Abdellatif Tlemsani a pu faire son service militaire à l’Institut Pasteur de Casablanca pendant l’année où il a entamé sa thèse de doctorat, soutenue en 1969.

Un fait l’a toujours marqué. « A l’époque, quand je me suis présenté au Directeur de l’Institut Pasteur, il m’a demandé, mot pour mot, pourquoi voulez-vous faire de la biologie ? Aller ouvrir un cabinet et vous gagnerez beaucoup d’argent » ! Et moi de répondre : « J’ai la passion pour la biologie comme vous », nous raconte-t-il sur un ton nostalgique.

Il s’est ensuite envolé pour Bordeaux où il a travaillé d’abord dans un laboratoire de biologie de la Faculté de médecine pendant une année. Il s’y est rapidement forgé une place en devenant attaché assistant, ensuite chef de clinique puis Professeur.

Attaché à son pays d’origine et à sa famille, le Pr Abdellatif Tlemsani n’a pas hésité à répondre favorablement à l’appel de son défunt père pour servir la nation. En 1975, il ouvre son laboratoire à Casablanca.
S.K.