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Interview avec l'Ambassadeur du Gabon au Maroc : « Le Gabon devrait considérer le Maroc comme une destination prévilégiée de ses exportations »


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 27 Avril 2023

Le Gabon a toujours été un ami du Maroc.Il suffit de rappeler une autre image qui a marqué l’Histoire : une délégation gabonaise avait participé à la Marche Verte en 1975. Les liens entre les deux pays se traduisent au niveau des échanges commerciaux, entre autres. Son Excellence l’Ambassadeur Haut Représentant de la République Gabonaise près le Royaume du Maroc, Dr Sylver Aboubakar MINKO MI-NSEME, nous en restitue la genèse.



- Le Maroc et le Gabon entretiennent de longue date une excellente relation. Comment qualifiez-vous cette relation ?

- Le Gabon et le Maroc entretiennent d’excellentes relations diplomatiques et politiques depuis plusieurs décennies, soutenues par les liens d’amitié et de fraternité qui remontent depuis feu Sa Majesté le Roi Hassan II et feu le Président Omar Bongo Ondimba, que Dieu ait leur âme.
Ce lien, qui se consolide d’année en année, se poursuit avec la relation fraternelle qui unit Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, et Son Excellence Ali Bongo Ondimba, Président de la République Gabonaise. La solidité de cette relation se traduit par des consultations et des rencontres régulières entre nos deux Chefs d’Etat, d’une part, et entre des hautes personnalités des deux pays sur des questions bilatérales mais aussi multilatérales, d’autre part. Elle se caractérise également par une solidarité constante du peuple gabonais envers le peuple frère du Maroc dans l’affirmation de la reconnaissance formelle de la marocanité du Sahara, et la dynamisation des relations économiques et des échanges commerciaux pour la prospérité partagée de nos deux nations.

- Le 15 février 2023, SM le Roi a fait un don de 2000 tonnes de fertilisants, réservées exclusivement aux agriculteurs gabonais. A quel point la sécurité alimentaire participe-t-elle au renforcement des liens stratégiques et fraternels entre Rabat et Libreville ?
- Avant toute chose, nous tenons à exprimer nos remerciements à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, pour cet important don de fertilisants réservés aux agriculteurs gabonais. Nous inscrivons cette action de solidarité dans le cadre de la sollicitude du Royaume du Maroc envers les petits agriculteurs gabonais. Dans le contexte de crise alimentaire mondiale avec son corollaire lié aux difficultés d’approvisionnement en engrais, la remise de 2000 tonnes de fertilisants est une contribution inestimable dans la politique de la sécurité alimentaire prônée par le Président Ali Bongo ONDIMBA. Ce don, qui matérialise une fois encore l’excellence des relations entre le Gabon et le Royaume du Maroc, vient conforter les actions et la vision du Président de la République du Gabon, dans son projet d’autosuffisance alimentaire et de réduction des importations. Il traduit aussi la ferme volonté des deux illustres personnalités à consolider davantage les liens qui unissent les deux pays frères, et asseoir une coopération Sud-Sud plus dynamique ainsi qu’une convergence de vues sur les grandes questions régionales et internationales, telle que celle de la sécurité alimentaire.
En effet, dans le cadre de la relance économique post-Covid19, le Président Ali Bongo Ondimba a impulsé la mise en place du Plan d’Accélération de la Transformation (PAT), dans lequel la sécurité alimentaire est érigée en priorité nationale, à travers notamment la promotion du secteur agricole, considéré comme étant un des moteurs principaux de la croissance gabonaise. A cet égard, un plan national d’affectation des terres a été élaboré, témoignant ainsi de l’engagement du Gabon dans la réalisation de ses objectifs d’autosuffisance alimentaire. L’Etat gabonais multiplie les mesures en faveur du secteur agricole, tout en prônant des pratiques écologiques modernes. Les bénéficiaires de ces espaces dûment sécurisés seront des exploitants agricoles, des agro-entrepreneurs, des industriels et des opérateurs économiques. Cette politique volontariste des autorités gabonaises offre des opportunités d’exportation des produits agricoles gabonais vers le Maroc, mais aussi aux agriculteurs et agro-industriels marocains, qui ont capitalisé une longue expérience dans le domaine, de venir investir au Gabon.

-Les relations fraternelles à haut niveau se traduisent-elles au niveau des échanges commerciaux ? Quel état des lieux dressez-vous de ces échanges ? Et quelles sont les chances de les booster davantage?
-Le Maroc et le Gabon ont signé plusieurs accords dans des domaines variés, tant diplomatique, économique, technique que culturel. Si dans certains domaines telle que la coopération culturelle, diplomatique ou politique, la dynamique est très élevée, nous observons toutefois une certaine lenteur dans le rythme de développement des échanges commerciaux, malgré plusieurs accords incitatifs telles que la non-double imposition et plusieurs activités promotionnelles, en vue de rapprocher les milieux d’affaires des deux pays. Compte tenu d’un potentiel non négligeable entre les deux pays, il serait judicieux de booster ce secteur de coopération.
Ainsi, à l’instar des efforts déjà déployés auparavant dans ce sens par les deux gouvernements, une impulsion nouvelle devrait être envisagée à travers un certain nombre de mesures. Dans cette perspective, nous pensons aux nouvelles chances que pourrait offrir à nos entreprises respectives la signature d’un Accord de Libre-échange entre le Gabon et le Maroc. Une telle initiative, si elle venait à être adoptée par les deux Etats, ouvrirait nos marchés à nos exportateurs par la suppression de certaines barrières tarifaires. De plus, même si cela a déjà été fait dans le passé, il serait également avantageux d’institutionnaliser les échanges entre les Chambres de commerce, et les rencontres BtoB entre opérateurs économiques marocains et gabonais. Enfin, dans le même ordre d’idées, l’organisation de foires et de Salons annuels pour promouvoir les produits de l’artisanat marocain et gabonais, ainsi que des produits issus de la transformation locale, serait un atout. Toutes ces propositions devraient être soutenues par la redynamisation du Conseil d’affaires Gabon-Maroc.

- Le Gabon a ouvert un consulat général à Laâyoune en janvier 2020 et ne cesse de réitérer son soutien à l’initiative marocaine d’autonomie. Le mois d’octobre 2022 était celui de la présidence tournante du Gabon au Conseil de sécurité de l’ONU. L’occasion de discuter des avancées du dossier…
- Nous tenons tout d’abord à rappeler qu’une délégation gabonaise avait participé à la Marche Verte en 1975 sur instruction de feu le Président Omar Bongo Ondimba. Ceci prouve que le soutien gabonais à la marocanité du Sahara ne date pas d’aujourd’hui. En outre, le Gabon a toujours soutenu l’initiative marocaine d’autonomie et nos deux pays observent une coordination bilatérale au sein des organisations internationales et régionales.
Le Gabon fut le second pays à ouvrir un consulat général à Laayoune. Cette décision, prise par les plus hautes autorités de nos pays, confirme la qualité des liens d’amitié et de fraternité qui unissent, non seulement nos deux Chefs d’Etat mais aussi les peuples frères du Gabon et du Maroc. Cette ouverture matérialise, une fois de plus, le soutien constant du Gabon à la souveraineté du Royaume marocain sur son Sahara, à son intégrité territoriale et à son unité nationale. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’Ambassade du Gabon au Maroc a organisé les festivités des 61ème et 62ème anniversaires de l’indépendance du Gabon dans cette région. Il est à noter que ce raffermissement des liens d’amitié indéfectible a été matérialisé par le baptême d’une rue de la ville de Laâyoune du nom du Gabon.


-En matière d’immigration, à combien estime-t-on le nombre de Gabonais en séjour au Maroc ?

- Le Gabon compte plus de 6000 ressortissants résidant au Maroc. Ces derniers sont en majorité des étudiants, inscrits dans de bonnes écoles et grandes universités marocaines, dont près de 1400 bénéficient d’une bourse de l’Etat gabonais. Cette qualité d’étudiant, régulièrement inscrit dans une école ou une université, leur permet d’obtenir assez facilement le titre de séjour.
Toutefois, lors des campagnes de sensibilisation menées par notre Ambassade, nous avons enregistré des cas isolés de Gabonais en situation irrégulière. Nos services travaillent actuellement en étroite collaboration avec les services de la Direction des Affaires Consulaires et Sociales (DACS) afin de remédier à cette situation en accompagnant nos ressortissants dans le processus de régularisation de leur situation administrative.

- Le Gabon accueille déjà de nombreux investissements marocains. Quels sont les secteurs les plus stratégiques que couvrent ces investissements ? Et quelles sont les ambitions du Gabon pour étendre ses investissements marocains ?
- Les investissements marocains au Gabon touchent plusieurs secteurs dont les plus emblématiques sont les télécommunications, les mines, la banque, l’habitat, le bois, l’agriculture et l’élevage et le transport.
Dans un double contexte de promotion des échanges économiques avec le Maroc, et de diversification de son économie, le Gabon souhaiterait un élargissement de cet élan à d’autres secteurs porteurs de son économie, car les possibilités d’aller plus loin existent et les immenses potentialités qu’offrent les deux pays le recommandent afin de répondre aux attentes justifiées des plus hautes autorités de nos deux pays. Notre coopération économique mérite d’être renforcée et élargie, les domaines à explorer pour y parvenir étant nombreux. Le Maroc pourrait ainsi étendre ses investissements dans les secteurs de l’agro-alimentaire, de la digitalisation, des énergies renouvelables, du tourisme, du bâtiment et travaux publics et de la pêche.
Par ailleurs, les secteurs médical et de l’enseignement supérieur, à travers la construction de structures médicales de référence, d’universités et de grandes écoles sont autant d’opportunités d’investissement pour le Maroc au Gabon.

-Qu’est-ce que le Gabon a à offrir au Maroc ?

-Comme nous l’avons mentionné plus haut, le Président Ali Bongo ONDIMBA a mis en œuvre la politique de diversification de l’économie gabonaise, à travers la dynamisation du Gabon industriel, contenu dans le Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE), réaffirmé dans le Plan d’Accélération de la Transformation (PAT) 2021-2023, et résolument tourné vers une stratégie de promotion des exportations des produits de la transformation locale. Le Gabon devrait, à ce titre, considérer le Maroc comme une destination privilégiée de ses exportations. Le Gabon regorge d’un potentiel forestier et naturel immense. Les produits issus de la transformation du bois, de la pêche, de l’agriculture et des mines pourraient constituer une offre commerciale viable du Gabon à destination du Maroc.
En outre, l’apport de la pharmacopée gabonaise à l’industrie pharmaceutique marocaine serait une piste à explorer dans le domaine de la recherche médicale.

Enfin, nous tenons à préciser que le Gabon et le Maroc sont deux pays ayant à leur tête de grands dirigeants avec une vision claire pour le développement de leurs pays et la coopération Sud-Sud y occupe une place prépondérante. En effet, le Maroc, hub entre l’Afrique, l’Europe et la Méditerranée, et le Gabon qui dispose de tous les atouts pour se positionner comme un pays émergent sur le moyen terme, entretiennent des échanges réguliers qui leur permettent d’examiner les voies et moyens de dynamiser la coopération économique et commerciale entre les deux pays.
Ainsi, la tenue prochaine de la 7ème commission mixte Gabon-Maroc donnera une nouvelle impulsion à notre coopération bilatérale afin d’envisager avec sérénité les perspectives d’avenir.

Propos recueillis par Safaa KSAANI








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