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Interview avec Rajae Chafil : «Dans le domaine climatique, les pays africains sont soutenus par le Maroc»


Rédigé par Soufiane CHAHID Mercredi 7 Décembre 2022

Du 5 au 9 décembre, le 4C Maroc organise une session d’échanges sur les enjeux climatiques avec des représentants des pays africains. Interview avec la directrice du centre 4C Maroc.



Rajae Chafil, directrice du centre 4C Maroc.
Rajae Chafil, directrice du centre 4C Maroc.
- Vous avez assisté à la COP27 qui s’est clôturée il y a quelques semaines. Quel bilan en tirez-vous ?

- La COP27 a engendré beaucoup de déceptions. En tant qu’ énième COP qui se tient en Afrique, les pays du continent avaient beaucoup d’attentes sur plusieurs sujets, notamment en termes d’engagement clair des pays du Nord dans la limitation des émissions des gaz à effet de serre. Beaucoup de pays africains sont très vulnérables aux effets du changement climatique. Malheureusement, il n’y avait pas vraiment d’engagement dans ce sens, au vu de la crise énergétique qui sévit actuellement, et qui n’a pas permis une inflexion dans la consommation des énergies fossiles.


- Y a-t-il eu des promesses d’aides aux pays africains ?

- En matière de financement, il n’y a pas eu grand chose, à part l’acceptation du financement des pertes et dommages. Ce sujet de pertes et dommages est abordé depuis l’existence de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les pays en développement n’ont pas arrêté de réclamer une compensation pour les pertes et dommages qu’ils subissent à cause des effets du changement climatique, aussi bien économiques, comme les pertes des revenus agricoles par exemple, que non économiques, comme les pertes des vies humaines dues aux catastrophes naturelles. Nous avons eu un début de discussions sur les pertes et dommages, mais ce n’est pas l’année prochaine qu’on aura des dollars sonnants et trébuchants, pour financer cela. On s’est mis d’accord sur le mécanisme, mais pas comment ni qui va le financer.

De plus, la décision n’est pas claire. Elle cible les pays “extrêmement vulnérables”. Reste à définir qui sont ces pays. Et même à l’intérieur de cas pays dits extrêmement vulnérables, quelles sont les catégories de population qui sont vulnérables, quels sont les territoires. Il y a une ambiguïté dans cela, et je crois que c’est voulu.


- Le Maroc a-t-il une carte à jouer dans la “diplomatie du climat” au niveau africain ?

- Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, le Maroc l’a compris depuis très longtemps. D’abord en organisant deux COP au Maroc, la COP7 en 2001 et la COP22 en 2016. C’était pour montrer aux autres pays, notamment africains, qu’on est de leur côté en mettant en lumière notre vulnérabilité extrême, vis-à-vis des effets néfastes du changement climatique.

D’un autre côté, on sait que Sa Majesté le Roi avait appelé les leaders africains, au Sommet africain de l’action qui s’est tenu en marge de la COP22, à former trois commissions climat : la Commission Climat du Bassin du Congo (CCBC), la Commission Climat pour la Région du Sahel (CCRS), et la Commission Climat des Petits États Insulaires. Ces trois commissions sont devenues aujourd’hui une réalité, et bénéficient d’un très grand appui de la part du Maroc à travers le 4C Maroc.

Bien entendu, la coopération Sud-Sud est une voix que Sa Majesté a tracée pour le Maroc. Le Souverain a une vision de la coopération internationale, notamment Sud-Sud résolument africaine. C’est très apprécié par les pays africains eux-mêmes.
 
En 2016, lors du Sommet africain de l’action, le Souverain avait déclaré que le 4C Maroc allait être mis à disposition des pays africains

- Quelles actions mène le 4C Maroc dans ce domaine ?

- En 2016, lors du Sommet africain de l’action, le Souverain avait déclaré que le 4C Maroc allait être mis à disposition des pays africains. C’est ainsi que depuis que nous existons, nous ne cessons de mener près de 80% de notre activité envers le continent africain.

Pour donner quelques exemples, pour la Commission Climat du Bassin du Congo (CCBC), le 4C a financé l’étude de préfiguration du Fonds bleu du bassin du Congo, qui est maintenant une réalité. Il a également appuyé l’identification de plus de 250 projets provenant des contributions déterminées au niveau national des pays membres de la CCBC pour constituer le premier pipeline de projets à être financés dans le cadre du Fonds bleu.

Nous avons également apporté un appui technique pour le choix de la banque de développement qui va abriter ce Fonds, et qui est maintenant la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). Pour la commission du Sahel, c’était pratiquement un appui similaire, puisque le 4C Maroc, avec un financement du Royaume du Maroc, a pu financer l’étude de préfiguration du Fonds du climat du Sahel, ainsi que d’autres projets.


- En dehors de ces trois zones, le 4C Maroc mène-t-il d’autres actions sur le continent ?

- Le 4C Maroc a lancé depuis trois ans une initiative pour tous les Africains. Au début, on est parti d’un constat que l’expertise nationale dans le domaine du changement climatique devenait rare, on s’est dit que c’était intéressant de former une pépinière de jeunes experts capables d’appuyer les politiques climatiques au Maroc. Lorsque nous avons commencé à en parler, nous avons constaté beaucoup d’engouement de la part de responsables dans les pays africains, qui disaient qu’il fallait en faire bénéficier tous les jeunes des pays africains. Nous avons lancé un appel à candidature dans tous les pays africains. Et nous avons reçu près de 7.000 candidatures.

Malheureusement, notre plateforme est limitée, donc nous avons sélectionné 300 jeunes filles et garçons, avec 54% de filles. Nous sommes à la deuxième promotion aujourd’hui, et nous avons formé plus de 1.200 jeunes - filles et garçons - africains de plus de 30 pays.



Recueillis par Soufiane CHAHID

Portrait


Rajae Chafil.. protéger les Africains du changement climatique
 
“Je passe ma vie à sillonner les pays africains, c’est ma mission”, nous lance-t-elle, tout sourire, lorsqu’on lui demande si elle connaît bien l’Afrique. Depuis qu’elle a pris la tête du Centre de Compétences Changement Climatique du Maroc (4C Maroc), organisation créée en marge de la COP22 sur impulsion royale, Rajae Chafil ne cesse de travailler sur des projets concernant le climat avec les dirigeants du continent.

4C Maroc pilote, en plus de projets à destination du Maroc, trois commissions climat africaines, pour le bassin du Congo, la Région Sahel et les États Insulaires. Rajae Chafil a aussi fait partie de la Commission spéciale sur le Modèle de développement, mission qui lui tient particulièrement à coeur. “Comme demandé par Sa Majesté, je profite de chaque occasion pour parler autour de moi du Nouveau modèle de développement”, nous dit-elle.