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Interview avec Rabiaa Harrak : « Face aux fléaux climatiques, une coopération internationale s'impose pour protéger notre patrimoine culturel »


Rédigé par Safaa KSAANI Dimanche 28 Décembre 2025

Architecte en Chef Principal à la Direction du Patrimoine Culturel et Inspectrice des Monuments historiques et Sites, Rabiaa Harrak entre dans l'Histoire en devenant la première femme marocaine élue au Conseil International de l’ICCROM. Une victoire stratégique pour le Maroc, présent dans l'Organisation depuis 1958.



- Vous venez d'être élue membre du Conseil de l'ICCROM (Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels) pour la période 2026-2029. Que représente cette élection pour le Maroc au sein de la scène culturelle internationale ?

- Effectivement, le Maroc a été élu au Conseil International de l’ICCROM, lors de la 34ème Assemblée générale de cette Organisation intergouvernementale relavant de l’UNESCO, tenue du 10 au 12 décembre 2025 à Rome, en Italie. L’engagement du Royaume du Maroc se base sur une participation active à l’ICCROM, depuis 1958, et sur la priorité que notre pays accorde à la préservation de son patrimoine culturel. Cette distinction renforce la présence du Maroc au sein des instances mondiales dédiées à la protection et la valorisation du patrimoine, consolidant ainsi l’efficacité de la diplomatie culturelle de notre Royaume à l’international. C’est aussi une reconnaissance internationale de l’expertise marocaine développée, non plus depuis la création des instances officielles destinées à la gestion du patrimoine culturel marocain, mais plutôt de l’ingéniosité marocaine ancestrale dans le domaine de la conservation, protection et valorisation du patrimoine culturel. Cette désignation couronne, en fait, l’aboutissement de la vision de l’Etat marocain, du ministère de la Culture (Département de tutelle du Patrimoine culturel) et notamment la Direction du Patrimoine Culturel, visant à positionner le Royaume en tant d’acteur fiable sur la scène internationale pour la préservation et la conservation du patrimoine culturel.

- Le Maroc a une riche expérience en restauration de ses médinas, kasbahs, sites archéologiques... Quels aspects de l’expertise marocaine souhaitez-vous partager avec la communauté internationale ?

- En effet, l’ingéniosité marocaine en matière de conservation et préservation du patrimoine culturel est reconnue au niveau international. Depuis 2019 et jusqu’aujourd’hui, l’Etat marocain a entamé un large chantier national pour la valorisation des médinas en concertation avec tous les partenaires potentiels. Cette initiative a été couronnée par la signature interministérielle d’un « Protocole d’amélioration des interventions au sein des médinas ». Suite aux engagements de chaque département, se sont entamées plusieurs actions, on cite, entre autres, notamment la réforme du Décret des Marchés Publics de l’Etat, l’identification des besoins quantitatifs et qualitatifs en matière de restauration des médinas et patrimoine architectural, la normalisation du patrimoine bâti marocain...etc. En outre, depuis sa création en 1990, le CERKAS (Centre de Conservation et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones Atlasique et Sub-atlasique) est devenu une institution référence en matière de restauration et réhabilitation des constructions en Terre. Et depuis 2015, s’inscrivant dans le cadre des engagements pris par le Maroc en matière de réalisation des Objectifs de Développement Durable à l’horizon 2030, l’Etat marocain a entamé un programme de la « Valorisation durable des ksours et kasbahs : Pilier de développement territorial durable ». Aussi, le Maroc, riche d’une Histoire millénaire s’étalant sur près de 1,3 million d’années, a lancé, en juillet 2024, une initiative inédite et pionnière, en Afrique, qu’est l’élaboration des cartes archéologiques régionales numériques dites “prévisionnelles”. Dans la perspective d’intégrer une dimension prévisionnelle pour préserver le patrimoine archéologique marocain, cette action pionnière, permettant d’explorer en profondeur les régions non encore prospectées, s’appuie sur l’Intelligence Artificielle et consiste en un traitement numérique pour la détection et la prospection des zones susceptibles de receler des sites archéologiques. Cette initiative novatrice, portée par le ministère la Culture à travers l’Institut National des Sciences Archéologiques et du Patrimoine (INSAP) et la Direction du Patrimoine Culturel, s’inscrivant dans le cadre d’un effort continu pour protéger et mettre en valeur le riche patrimoine archéologique du Maroc, contribuera à faire connaître ce trésor inestimable au grand public et aux générations futures. Ce sont quelques « Expériences marocaines pionnières » en Afrique qui profiteront aux Etats membres de l’ICCROM aussi bien au niveau technique, référentiel et numérique.

- Prévoyez-vous de lancer des initiatives spécifiques de coopération technique ou de partage de données entre le Maroc et d'autres pays membres, notamment de notre continent africain, durant votre mandat ?

- Dans le cadre de l’initiative « From Tradition to Transformation : Empowering Craftspeople in Africa », lancée par l’ICCROM, lors de la 34ème Assemblée Générale tenue à Rome, du 10 au 12 décembre 2025, visant à revitaliser les artisans traditionnels et à renforcer les opportunités pour les jeunes artisans à travers l’Afrique, le Maroc pourra éventuellement proposer une coopération au profit des pays africains dans la cadre de partage d’expériences vu que l’Etat marocain a déjà élaboré, en 2023- 2024, une étude nationale concernant « l’identification des besoins quantitatifs et qualitatifs en compétence dans le domaine de la restauration des anciennes médinas et la réhabilitation du patrimoine architectural ». Cette étude établit plusieurs axes afin d’assurer la transmission des savoirs et savoir-faire en matière de conservation et préservation du patrimoine culturel à l’horizon 2030. En outre, concernant le volet du patrimoine et l’archéologie subaquatique, le Maroc a inauguré, en 2024, le Centre des études et recherches sur l’Archéologie Subaquatique, le ministère de la Culture, au niveau de la Direction du Patrimoine Culturel, a crée une nouvelle division dédiée au patrimoine subaquatique et l’Institut National des Sciences Archéologiques et du Patrimoine (INSAP) a instauré une nouvelle filière pour enseigner l’archéologie subaquatique. De ce fait, une coopération avec les Etats membres de l’ICCROM dans le domaine de la préservation du Patrimoine subaquatique bénéficiera amplement aussi bien à la formation et à la préservation de ce pan du patrimoine marocain. Sur le volet juridique, le nouveau Code marocain du patrimoine a instauré l’obligation de l’élaboration de deux documents de référence, à savoir ; le Plan de Gestion du Patrimoine (PGP) et les études d’impacts sur le patrimoine classé patrimoine mondial de l’UNESCO. L’expertise de l’ICCROM renforcera, certes, les capacités des professionnels marocains à ce niveau. Aussi, suite aux inondations survenues dernièrement au Maroc, une coopération internationale s’impose en matière de prévention des catastrophes climatiques et de renforcement des capacités en matière de prévention et d’élaboration des stratégies de lutte contre les impacts de ces fléaux sur le patrimoine culturel marocain. Enfin, la numérisation du patrimoine culturel marocain est encore à ses débuts. Pour renforcer ce volet, un échange d’expériences avec l’ICCROM, dans ce domaine, apportera, certes, une vision plus globale et stratégique pour préserver notre patrimoine aux futures générations.

- Face aux menaces climatiques sur les sites historiques, quelles sont les nouvelles normes ou technologies de restauration que vous comptez promouvoir ?

- La lutte contre les menaces climatiques commence de chez-soi. En effet, le Marocain a su, depuis l’éternité, s’adapter à son environnement, soit au niveau climat, géographie, matériaux...etc. Ainsi, le patrimoine architectural marocain présente, depuis des siècles, les grands principes du développement durable : une capacité d’adaptation étonnante de la morphologie et des typologies architecturales, utilisation de matériaux locaux à bas carbone, des techniques de construction traditionnelles efficaces et des solutions de restauration qui réduisent l'énergie grise. Ces pratiques devront être encouragées, réactivées ou réinterprétées, préservant ainsi l’environnement, les liens sociaux et la diversité culturelle. Dans cette perspective, le Maroc élabore, actuellement, des normes marocaines de son patrimoine bâti, à savoir ; « Glossaire des termes et concepts relatifs au patrimoine bâti marocain », « Etanchéité traditionnelle », « Mortier » et « Brique ». En outre, l’Etat marocain est en cours d’élaboration du Règlement Parasismique pour les Constructions en Terre (pour compléter le Règlement de Construction Parasismique RPS 2000). Les objectifs de l’élaboration de ces normes et règlements visent principalement à protéger, conserver et valoriser le riche héritage architectural du Maroc, tout en assurant la sécurité des constructions, en intégrant la modernité et la durabilité, et en facilitant la transmission de ce patrimoine aux générations futures, via des cadres législatifs (nouveau Code du Patrimoine Culturel marocain) et des référentiels techniques (RPS 2000, référentiel architectural médinas... etc.). Ce sont des approches marocaines innovantes qui seront promues au sein de l’ICCROM afin de renforcer les capacités de lutte contre les menaces climatiques et les catastrophes naturelles.







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