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Interview avec Naïm Bentaleb, directeur de Xpertize Africa : Et si la vague « Dirou Niya » pouvait déferler sur le marché du travail ?


Rédigé par Houda BELABD Lundi 23 Janvier 2023

Non. La «Dirou Niya Attitude» de notre Regragui national n’a pas disparu comme par enchantement au sortir du Mondial du Qatar. Il s’agit d’un crédo philosophique qui a le mérite d’éveiller les consciences jusqu’à embrasser le marché du travail. Naïm Bentaleb, directeur de Xpertize Africa, œuvrant dans les ressources humaines, y croit dur comme fer. Le jeu des questions-réponses nous éclaire sur son approche des problématiques de l’emploi.



Notre sélectionneur national Walid Regragui disait, il y a quelques semaines, que l’adage « Dirou Niya » devrait inspirer les recruteurs qui font la fine bouche devant le CV d’un candidat peu expérimenté qui, avec toute la bonne foi qui puisse exister sur terre, peine à les convaincre de ses compétences et promesses professionnelles. Qu’en pensez-vous?

- Bien sûr, le concept de « Dirou Niya » peut être un outil utile pour aider les gens à croire en leurs compétences et à attirer des opportunités de carrière positives. Cependant, il est important de ne pas l’utiliser de manière abusive dans le processus de recrutement. Il est important que les employeurs prennent une décision de recrutement en se basant sur des critères objectifs tels que les compétences, l’expérience et les qualifications du candidat, et aussi les besoins de l’entreprise. Il est également important d’éviter les préjugés et les stéréotypes qui peuvent conduire à des décisions de recrutement inéquitables.

Il est également important de garder à l’esprit que tout le monde n’a pas les mêmes chances de réussir dans la vie en raison des obstacles systémiques et sociaux qui peuvent limiter les opportunités pour certaines personnes. Il est donc important de mettre en place des initiatives pour lutter contre les inégalités et favoriser l’égalité des chances dans le processus de recrutement.

En somme, il est important d’utiliser la loi d’attraction comme un outil pour croire en ses compétences, mais il ne doit pas être utilisé de manière irresponsable pour prendre des décisions de recrutement. Il faut donc tenir compte de tous les critères pertinents et éviter les préjugés et les stéréotypes.

Quelles autres valeurs véhiculées par votre entreprise devraient elles inspirer les recruteurs marocains?

- Je pense qu’il est prétentieux de donner des leçons de morale aux entrepreneurs marocains, mais d’une manière générale, il existe des valeurs qui pourraient les inspirer à leur avantage pour l’entreprise. Il y a d’abord la responsabilité sociale : les entreprises qui adoptent des pratiques de responsabilité sociale peuvent améliorer leur image de marque, renforcer leur engagement auprès de la communauté locale et attirer des employés engagés. Les entreprises peuvent également bénéficier d’une réduction des coûts en gérant efficacement les ressources et en réduisant les impacts négatifs sur l’environnement. Aussi, importe-t-il d’œuvrer dans une optique de diversité et d’inclusion :les entreprises qui valorisent ces deux principes peuvent attirer et retenir des employés talentueux et engagés, améliorer la performance globale de l’entreprise et renforcer la créativité et l’innovation. Ces entreprises ont également un impact sur l’égalité des chances et sur la société en général. Il faut également raisonner en termes de formation et de développement. Les entreprises qui investissent dans la formation et le développement continus de leurs employés peuvent améliorer la performance de ces derniers, augmenter la satisfaction au travail et la rétention des leur personnel tout en renforçant la capacité de l’entreprise à s’adapter aux changements.

À quoi reconnaît-on le bon potentiel d’un candidat à l’emploi ?

- Il existe plusieurs indicateurs qui permettent de reconnaître un bon candidat. En tête du peloton viennent les compétences techniques. Elles sont les connaissances et les habiletés nécessaires pour réaliser les tâches spécifiques liées à un emploi. Ces compétences peuvent être démontrées par des diplômes, des certificats ou une expérience professionnelle antérieure.

Ensuite, viennent les compétences comportementales qui sont les qualités personnelles et les habiletés qui permettent à un individu de réussir dans un rôle donné. Ces compétences peuvent inclure la capacité à communiquer efficacement, à travailler en équipe, à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, etc. Idem pour les compétences de savoir-être qui sont des qualités personnelles et des comportements qui déterminent comment un individu se comporte dans un environnement de travail. Ces compétences incluent la motivation, l’éthique de travail, la flexibilité, la capacité à apprendre et à s’adapter, la gestion du stress, la capacité à travailler sous pression, etc.

Les résultats antérieurs d’un candidat, quant à eux, peuvent donner une idée de son potentiel à réussir dans un nouveau rôle. Les entretiens, les références professionnelles et les exemples de projets réussis peuvent tous fournir des informations sur les résultats antérieurs d’un candidat.

Quant aux aspirations et les objectifs d’un candidat, ils peuvent donner une idée de sa motivation et de son engagement envers un rôle donné. Les candidats qui ont des aspirations et des objectifs clairs et réalisables pour leur carrière peuvent être plus susceptibles de réussir dans un nouveau rôle. Il reste à déterminer la personnalité et l’attitude du candidat. Celles-ci peuvent également jouer un rôle important dans son potentiel à réussir dans un rôle donné. Les candidats qui ont une attitude positive, qui sont proactifs et qui ont une forte éthique de travail peuvent être plus susceptibles de réussir dans un nouveau rôle.


Quelles sont, selon vous, les failles qui entravent l’intégration d’un candidat qualifié, voire surqualifié, au marché de l’emploi ?

- Parmi ces failles, il y a le manque de correspondance entre les compétences et les besoins des employeurs : ces derniers peuvent rechercher des compétences spécifiques qui ne correspondent pas exactement aux compétences d’un candidat qualifié ou surqualifié.

Il y a aussi les préjugés et les stéréotypes qui peuvent entraver l’intégration d’un candidat qualifié ou surqualifié sur le marché de l’emploi. La concurrence sur le marché de l’emploi est également à prendre en considération car il peut y avoir un grand nombre de candidats qualifiés ou surqualifiés pour un nombre limité d’emplois, ce qui peut rendre la concurrence féroce.

Il y a aussi la mauvaise correspondance géographique, car les candidats qualifiés ou surqualifiés peuvent ne pas être en mesure de déménager pour des emplois disponibles dans d’autres régions. Nommons également l’expérience professionnelle limitée qui fait que les candidats qualifiés ou surqualifiés peuvent avoir une expérience professionnelle limitée dans un domaine particulier, ce qui peut rendre difficile de démontrer leur valeur aux employeurs.

Aussi, faudrait-il mettre à l’index le manque d’adéquation entre les compétences et les besoins car les employeurs peuvent rechercher des compétences spécifiques qui ne correspondent pas exactement aux compétences d’un candidat qualifié ou surqualifié. Il existe, par ailleurs, d’autres facteurs comme les barrières linguistiques, l’absence de réseaux professionnels, la rigidité des employeurs, l’âgisme, etc.


Souvent, les compétences internationales se font valoir au prix d’or face à des compétences locales, souvent sous-estimées, quoique chevronnées. Comment appliquer la méthode Regragui en termes de mise en valeur des compétences marocaines, débutantes ou exercées?

- La méthode Regragui qui consiste à croire fortement en ses compétences et à projeter une énergie positive pour attirer le succès, peut appliquée pour mettre en valeur les compétences marocaines, débutantes ou exercées, de plusieurs manières :

- Mettre en avant les compétences locales. Les employeurs et les recruteurs devraient être conscients des compétences et des expériences locales qu’ils ont sous la main et les mettre en avant, plutôt que de chercher systématiquement des candidats internationaux.
- Favoriser la formation et le développement. Les entreprises devraient investir dans la formation et le développement des compétences de leurs employés marocains pour les aider à atteindre leur plein potentiel. Les employeurs et les entreprises devraient, aussi, mettre en place des programmes de mentorat pour aider les employés marocains débutants à se développer et à apprendre auprès des employés plus expérimentés. Les recruteurs devraient, en somme, favoriser la collaboration entre les employés marocains et internationaux pour créer des opportunités d’apprentissage mutuel et d’échange d’expériences.


Dans un pur souci de rationalisation des compétences marocaines, comment pouvons-nous limiter ou recadrer le «brain drain» au niveau des STEM jobs (science, technology, engineering, medicine), en l’occurrence ?

- Il y a plusieurs actions que nous pourrions mettre en place et certaines sont déjà en cours, comme la mise en place des politiques de rémunération et de promotion attractives. Les employeurs et les entreprises pourraient offrir des salaires et des avantages compétitifs pour retenir les talents qualifiés et les inciter à rester au Maroc. Le gouvernement et les entreprises devraient également investir dans la recherche et le développement pour créer des opportunités d’emploi pour les professionnels qualifiés dans les domaines des STEM.

Ceux-ci devraient aussi offrir des programmes de formation et de développement de carrière pour aider les employés qualifiés à se perfectionner dans leurs domaines respectifs, et ce, en favorisant les partenariats entre les secteurs public et privé. En définitive, pour inciter les professionnels à retourner au Maroc, les hautes sphères gouvernementales devraient inciter les professionnels qualifiés qui ont quitté le Maroc à retourner en proposant des incitations fiscales, des logements abordables et des facilités pour l’éducation de leurs enfants.

 
Recueillis par Houda BELABD