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Interview avec Hicham Lasri : « Le véganisme n’est pas une idéologie mais un choix personnel »


Rédigé par Mariem LEMRAJNI Jeudi 10 Novembre 2022

Hicham Lasri, réalisateur, producteur, scénariste, romancier et auteur de bandes dessinées marocain, a participé à la quatrième édition du Veg’Fest Maroc, en tant qu’orateur invité à la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université Sidi Mohamed ben Abdellah. Lasri répond à nos questions pour partager sa vision au sujet du véganisme.



Interview avec Hicham Lasri : « Le véganisme n’est pas une idéologie mais un choix personnel »
Pour contextualiser l’interview, le fondateur et directeur du festival, Simohamed, approché par « L’Opinion », s’explique sur la raison d’être du festival : «L’idée du festival est une idée globale qui a été initiée en Grande-Bretagne et s’est déplacée dans plusieurs pays du monde, notamment l’Amérique, le Brésil, la Chine, la Turquie puis le Maroc. Elle décline ainsi le plus grand festival d’Afrique, et le premier en Afrique du Nord et au Moyen-Orient». Il poursuit : «L’Association nationale des Vegans au Maroc, Veg’Morocco, a organisé la quatrième édition sous le slogan «Ensemble vers la paix», en hommage à la Ligue palestinienne pour les animaux, dans la ville de Fès, capitale spirituelle du Royaume du Maroc (15 et 16 octobre). Veg’Morocco encourage l’adoption d’un régime alimentaire sain, responsable et respectueux des animaux, qui contribue à la préservation de l’environnement».


- Pouvez-vous nous parler de la quatrième édition du Veg’Fest au Maroc ?

- J’ai eu la chance d’être invité pour la quatrième édition du festival Vegan du Maroc, on sait que ça reste encore une culture underground, surtout dans les petites villes, mais en tout cas, l’idée c’est de toujours sensibiliser les gens à plusieurs choses. La première c’est la cruauté contre les animaux, puis la deuxième c’est de prendre soin de soi parce que finalement le véganisme, c’est surtout ne pas manger des choses qui vont faire du mal. Beaucoup de maladies sont dues a l’alimentation de nos jours, à cause de la nourriture industrielle où il y a trop de chimie dedans. Moi, ce qui m’intéresse dans la vie c’est si les gens sont contents de leur mode de vie et attentifs à la manière de réapprendre le rapport à la nature.

Aujourd’hui, on remarque qu’il existe davantage de maladies comme la goutte, les maladies des artères ou les troubles gastriques qui affectent l’appareil digestif parce que les gens consomment trop de viandes. Pour cette raison, il faut toujours faire attention et faire du sport pour améliorer notre vie.


- S’agit-il d’une discipline suivie par les Marocains ?

- Je pense que le véganisme n’est pas quelque chose de nouveau, c’est une culture émergente, c’està- dire que les gens commencent à faire attention à ce qu’ils mangent et, progressivement, mangent moins de viande. Ils consomment les aliments dans leur format trivial, une pomme ça se mord, ça se mastique plutôt que ça se boit dans une bouteille. Tout ça dans le cadre de prendre soin de soi, d’améliorer son quotidien tant qu’on est jeune, tant que notre corps a la capacité de réagir.

Après, c’est vrai qu’il y a une approche toujours très civique dans le véganime, qui fait qu’on a envie de prendre soin de la nature, de rendre notre environnement propre, et de planter des arbres. Le retour à la nature est très fort, et dans nos villes et nos urbanités on en a besoin. On a tous envie de se sentir bien physiquement et d’avoir un bon rapport à l’animal. Dans notre culture parfois, c’est un peu dur, parce qu’on est dans une culture où on égorge le mouton alors que pour adopter cette discipline, il est important que le rapport à l’animal soit empathique, sans violence, parce que si on maltraite l’animal on maltraite l’homme, et puis on n’a pas besoin de cruauté dans nos sociétés, je pense que c’est suffisamment compliqué avec les problèmes écologiques.


- Au Maroc, nous avons des habitudes culinaires assez particulières, peut-on faire une communion culinaire entre le véganisme et la culture marocaine ?

- Au Maroc on a tendance à manger plus de viande et de tajines, mais ça ne nous fait pas moins une société méditerranéenne. La Méditerranée est la source d’inventeurs d’une cuisine très végane, avec des crudités, beaucoup de légumes, etc. Moi, je ne pense pas que ça entre en contradiction avec notre culture profonde, ça demande juste de l’effort. C’est toute une manière de vivre, une approche holistique de la vie qui est prise en charge en faisant attention à soi et à l’environnement.
 
Veg’Morocco encourage l’adoption d’un régime alimentaire sain, responsable et respectueux des animaux, qui contribue à la préservation de l’environnement»

- S’agissant des coûts des régimes végan, sont-ils supportables par les ménages, notamment ceux issus de la classe moyenne du fait qu’elle constitue la grande majorité ?

- C’est vrai que le coût des produits végan est plutôt élevé, parce que si on ne boit pas de lait de vache ça triple le prix, mais je pense qu’il y a moyen de trouver des choses, parce que le véganisme, c’est aussi manger des lentilles, des choses qu’on mange tout le temps, ce n’est pas forcément que des choses accessibles dans des magasins et restaurants trop chers. L’idée n’est pas de passer pour un bobo petit bourgeois, mais plutôt de prendre soin de soi mentalement et physiquement et aussi d’irradier ça autour de soi.

Moi, je suis végétarien, et ma mère aussi a commencé à manger moins de viande et elle se sent mieux, cela fait réellement poser des questions. On ne cherche pas à ce que tout le monde devienne végétarien mais que chacun fasse comme il sent en étant sensibilisé par rapport aux conséquences d’ingérer des aliments chargés de colorants et de conservateurs. Les gens risquent de mettre du poison à petites doses dans leurs corps, et à un moment donné leur corps les lâchera. Moi, je pense qu’il ne faut pas faire de prosélytisme, il ne faut pas convertir les gens de force, ce n’est pas une religion, c’est juste un moyen de vivre qui est un peu alternatif.


- Comment cette catégorie de la population végan, aussi minime soit-elle, est-elle perçue par la société ?

- La vérité, j’ai appris avec beaucoup d’étonnement qu’il y a des gens qui sont gênés, on me l’a appris quand j’étais à Fès, pour le festival. Moi, je le fais et il n’y a que mon entourage qui le sait, j’en fais pas la promotion, ce n’est pas une idéologie, c’est un choix personnel. J’ai appris que, comme toujours, il y a des gens qui ont des opinions fortes, donc à quel moment on leur prête attention ?

Moi, personnellement, je pense que ça ne sert à rien, chacun fait comme il veut. Pourtant, ça ne doit pas être influant sur les végans, il y a des gens qui vont forcément dire que c’est contre l’Islam, mais pour moi, ça n’a rien à voir, on m’impose rien et j’impose rien et chacun est libre d’exercer sa foi comme il veut. Il s’avère tout de même qu’on soit dans une société d’exposition à des réseaux sociaux, ce qui donne l’impression que chacun est devenu un gourou avec des opinions très fortes. Moi, par exemple, je ne rencontre pas autant de problèmes, quand je suis en tournage, ils savent que je suis végétarien, mon choix est respecté et ils me préparent un plat spécial. Ce n’est pas contraignant quand on s’organise.


- Est-ce qu’il y a une offre abondante de produits spéciaux qui soient spécifiques à cette communauté ?

- Pour l’offre, je pense qu’il y a de tout, il y a ce qu’il faut comme fruits, légumes, plantes dicotylédones et aliments fabriqués à partir du pétri de farine ou de semoule de blé dur. Après, c’est dans la composition et la redécouverte de nouvelles saveurs, en dehors de la viande, poisson et poulet, qu’on redécouvre son propre palais.

Au Maroc, il ne faut pas forcément aller dans les magasins spécialisés pour faire ses courses, on peut le faire n’importe où, comme chez l’épicier. Après, bien sûr, on monte en gamme, il y a des laits d’amendes qui sont un peu plus chers mais je pense que le choix il est là. Moi, j’essaye d’esquiver de manger dehors au maximum, donc je cuisine mes propres plats. Je pense que le fait de manger de la viande ne signifie pas qu’on est en résistance, je suis aussi contre le véganisme agressif où les défenseurs des animaux vont vider le lait dans les super marchés ou devenir violents. Quand ça devient agressif, ça tourne en idéologie et l’idéologie ça limite, c’est la tyrannie. Tout est soumis à une question de révélation ou d’épiphanie, moi j’ai réalisé que je n’avais plus aucune envie de manger pour juste le goût, mais pour un pur plaisir qui soit sain.




Recueillis par Mariem LEMRAJNI








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