L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Interview avec Guila Clara Kessous : « L’impact de l’art sur la santé est extrêmement positif »


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 6 Mars 2023

A l’occasion de la tenue d’une conférence sur le thème «L’Art au service de la Santé», nous avons rencontré Dr Guila Clara Kessous, qui s’est épanchée sur sa passion d’encourager le développement de projets intégrant l’art et la culture, de par leurs vertus sur la santé humaine.



Guila Clara Kessous, Artiste de l'UNESCO pour la Paix et enseignante chercheur à l'Université de Harvard
Guila Clara Kessous, Artiste de l'UNESCO pour la Paix et enseignante chercheur à l'Université de Harvard
- Par le théâtre, vous utilisez la dramathérapie pour pouvoir aider les femmes essentiellement victimes de violences, de déplacement forcé ou ayant survécu à des génocides. Quel est l’impact des activités artistiques et culturelles sur la santé ?

- L’impact que je peux attester est extrêmement positif surtout dans les cas post-traumatiques, où on voit le patient retrouver une faculté jusqu’à 20% de ce qu’il pouvait avoir en termes de santé mentale et de santé physique. A titre d’exemple, au Congo, lorsqu’on travaille avec des femmes victimes de viol de masse, on constate que l’art-thérapie, en particulier le théâtre, leur permet un certain exorcisme, voire la catharsis de ce qu’elles ont pu vivre et donc accéder à un soulagement de la souffrance qu’elles ont pu ressentir.

- Donc, l’art-thérapie permet principalement de s’évader de sa souffrance...

- Il y a à la fois du soulagement et le fait de mettre fin aux maux par le détour de la fiction qui permet une guérison intérieure. C’est en cela que l’art-thérapie vient guérir. Ce n’est donc pas uniquement du soulagement ou quelque chose de l’ordre du soin de confort, mais aussi de la guérison profonde.

- Vous affirmez ainsi que l’art et les traitements médicaux sont complémentaires...

- Je l’affirme et je le recommande (sourire)

- Quel état des lieux dressez-vous de son exploitation dans les centres de santé au Maroc ?

- Pour l’instant, cela s’utilise très peu. Quand on voit ce que fait Dar Zhor, ou l’Institut Rafaël de Paris, où l’art-thérapie est très présente avec différents médias, on a ici affaire à des centres spécialisés qui n’ont rien à voir avec le secteur public. L’idéal serait qu’on puisse officialiser cela. C’est ce que j’essaye de faire à l’UNESCO avec un possible partenariat avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lors de la prochaine Journée Internationale de l’Art, pour proposer un pont systématique dans un cadre hospitalier avec des possibilités de prescriptions d’ordonnances médicales officielles. Cela existe déjà au Canada avec les prescriptions d’ordonnances muséales. On propose au patient d’aller au musée en complément de son traitement pour un soin global.

b[- Faut-il donc avoir une vision stratégique pour mettre l’art au service des professionnels de Santé et des patients ?
]b
- Idéalement, il faudrait y avoir un art-thérapeute tout comme il y a un recours à d’autres médecines reconnues dans tous les centres hospitaliers, en vue d’être dans la possibilité d’offrir une voie complémentaire à une voie chimique ou médicamenteuse. On n’est pas là pour faire de l’art qui exclut le recours au traitement médicamenteux, mais pour montrer qu’il y a un complément que peut offrir l’art et qui va permettre d’avoir des résultats incroyables. C’est ce qu’on appelle la médecine « intégrative », une médecine qui ne prend pas seulement en compte le symptôme mais bien le patient dans son intégralité. Il faudrait également encourager le développement de projets intégrant l’art et la culture pour favoriser une meilleure santé et pour mieux gérer et traiter différentes maladies de façon même préventive.

- Par ailleurs, à quel point la pandémie du Covid-19 a-t-elle permis de développer de nouvelles alliances entre art et santé ?

- On s’est rendu compte qu’il y avait toutes sortes d’art-thérapie pendant le confinement, en particulier tout ce qui touche aux activités manuelles, en l’occurrence la cuisine, le dessin… Je voudrais par exemple citer la bibliothérapie, qui est une thérapie par la lecture qui est une voie particulièrement puissante. Ces thérapies permettent de développer ce qu’on appelle le « FLOW » comme le nomme le psychologue Mihály Csíkszentmihályi. C’est cet état de concentration intense qui permet de rentrer dans un monde où le temps ne compte pas. Ce qui permet au cerveau d’oublier les souffrances physiques et morales. L’art le permet. Ce que j’ai fait dans les temps de confinement, j’ai fait du théâtre virtuel et beaucoup de lectures publiques à voix haute, surtout de textes et de contes de résilience pour les soignants d’hôpitaux. J’ai pu intervenir en distanciel pour permettre aux personnes de travailler sur des scènes, réciter des poèmes ou en entendre….les deux ayant une vraie vertu thérapeutique. Le théâtre a plusieurs dimensions. La dimension imaginaire où on incarne quelqu’un d’autre, on oublie sa souffrance et la dimension d’expression de soi, et expression de soi au travers de textes comme la poésie, la musique, le dessin, ….Ce sont ces deux dimensions que l’on retrouve dans tous les arts et qui sont là pour panser le monde…..pour mieux le guérir…

Repères

L’Art et la Santé au cœur d’une conférence


L’association Dar Zhor, dédiée à l’accompagnement et au mieux-être des malades du cancer, a organisé, jeudi 2 mars, une conférence sur le thème :«L’Art au service de la Santé» avec le soutien du Dr Guila Clara Kessous, Artiste de l’UNESCO pour la Paix et Ambassadrice de la Paix, et celui de l’institut Rafaël-Paris. Par cette conférence, l’association Dar Zhor a voulu sensibiliser le public et les professionnels aux bienfaits de l’art sur la santé. Les résultats de plus de 3.000 études menées par l’OMS ont identifié un rôle majeur des arts dans la prévention de la mauvaise santé, la promotion de la santé et la gestion et le traitement des maladies tout au long de la vie. « Pour l’OMS, l’intérêt croissant des secteurs artistiques pour la santé est particulièrement opportun et s’inscrit dans un certain nombre de développements importants dans le domaine des politiques de santé mondiale. L’engagement envers les arts et l’augmentation du capital culturel au sein des sociétés peuvent contribuer à promouvoir la résilience, l’équité, la santé et le bien-être tout au long de la vie », affirme l'artiste.

Guila Clara Kessous, l’art de guérir

L’Artiste de l’UNESCO pour la Paix et Ambassadrice de la Paix, Guila Clara Kessous, utilise l’art dramatique pour aider des populations vulnérables comme les femmes victimes de violences sexuelles au Congo, auprès du Dr Mukwege, les Rohingya au Bangladesh ou les survivants du génocide du Rwanda. Suite à l’obtention de son doctorat sous la direction d’Elie Wiesel, elle a créé le cours « Théâtre et Droits de l’Homme » à l’Université de Harvard et est en charge de développer le dialogue inter-religieux et interculturel par l’art. Elle est aujourd’hui Officier des Arts et des Lettres.








🔴 Top News