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Interview avec Elam Jay : «Il est clair que l’industrie musicale nationale est à la traîne»


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 1 Août 2022

Après des années d’absence pour cause de recherche dans l’industrie musicale au Maroc, l’artiste Elam Jay revient au-devant de la scène musicale avec le titre « Heroina ».



- Vous faites votre grand retour sur la scène musicale en Afrique et au Moyen-Orient, avec le titre « Heroina ». Pouvez-vous nous expliquer la symbolique de ce titre ? 

- Le choix a été fait car la chanson parle d’une fille qui vit la vie comme elle veut, choisit exactement ce qu’elle veut, quand et comment elle veut l’avoir. C’est en fait une représentation d’une femme forte. C’est pourquoi je lui ai donné le titre de « Héroïne ». Bien entendu, je parle de la femme en général mais l’idée était plus forte quand je pense à la femme en Afrique, notamment au Maroc, qui est devenue très forte et qui a sa présence et sa place dans la société.

Quand on parle des jeunes femmes aujourd’hui, on remarque qu’elles vivent la vie comme tout homme et s’expriment comme elles veulent. C’est de ce genre de personnes dont je parle dans la chanson. Heroina est aussi un nom commercial, car il est important d’avoir un titre qui attire l’attention. C’est d’ailleurs un titre proche de “Rwina” (bordel en darija, ndlr).


- Dans votre titre, vous chantez en darija, espagnol et anglais. Est-ce fait dans l’optique d’internationaliser la musique marocaine ?

- En réalité, ce n’est pas la première fois que je chante en espagnol et en français ou espagnol et anglais avec l’arabe. Par contre, c’est la première fois que j’utilise le darija, et ce, pour plusieurs raisons. Si j’avais sorti une chanson il y a un, deux ou trois ans, j’aurais chanté en darija. C’est une langue qui a su s’exporter dans le monde arabe. Mais le fait de chanter en espagnol et anglais est fait dans l’espoir d’arriver à l’étape suivante, celle d’exporter le darija à l’international. Ce serait le rêve de pouvoir y arriver. Avec la manière dont j’ai écrit et chanté en darija, on a l’impression que c’est une langue comme toute autre langue connue à l’international, à l’instar de l’anglais et l’espagnol. J’espère que la chanson trouve sa place pour être exportée à l’international.


- La chanson est écrite, composée et produite par vous-même. Pourquoi ce choix ? 

- A vrai dire, ce n’est pas un choix. C’est une inspiration qui m’est venue. D’ailleurs, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. J’ai commencé ma carrière en écrivant et en composant des chansons depuis mes 18 ans. Après plusieurs années, c’est toujours le cas. J’arrive plus facilement à trouver des choses qui me conviennent et ce que j’ai envie d’exprimer. Toutefois, ça ne veut pas dire que je ne travaillerai pas avec d’autres personnes.


- En quoi consiste la nouvelle technologie appelée « Unreal Engine » que vous utilisez dans votre clip ?

- Effectivement, c’est la technologie que j’ai utilisée dans ce clip. C’est une technologie nouvelle. Je dirai même que ce clip est une première mondiale. Cette technologie est souvent utilisée dans les jeux vidéos, dans le gaming et dans quelques super productions américaines. Je travaille sur ce projet depuis trois ans. Il y a un monde irréel que j’ai essayé de créer. C’est une technologie qui pourrait apporter beaucoup et aider le cinéma à se développer, spécialement au Maroc.


- Cette technologie est-elle coûteuse ?

- Elle est extrêmement coûteuse pour l’instant. Elle demande beaucoup de temps de pré-production, de production et de post-production. Il n’y a pas encore de retour sur l’investissement. Du coup, le coût est extrêmement cher. Je pense qu’à force de développer des projets de ce genre, les prix seront plus raisonnables.


- Pensez-vous que l’industrie nationale est à la traîne ? Quel état des lieux dressez-vous ?

- Honnêtement, je ne serai ni le premier ni le dernier à vous dire son état. C’est clair que l’industrie nationale est à la traîne. Aujourd’hui, même si on a un statut d’artiste, l’industrie ne permet pas à beaucoup d’artistes-chanteurs de survivre. C’est le cas de nombreux artistes dans diverses disciplines qui développent cette industrie, y compris tous les métiers qui supportent l’acteur ou le chanteur. Il y a d’autres artistes qui travaillent dans les coulisses et qui font développer des projets. Sans industrie, ces personnes galèrent, et affichent beaucoup de difficultés à pouvoir faire ce qu’elles veulent.

Pour parler d’industrie, on parle d’abord d’une stabilité de ce métier, de la productivité et d’infrastructures, de façon à ce que les artistes trouvent les lieux adéquats pour développer des projets, avoir des investisseurs privés ou publics intéressés par leur métier qui vont développer des projets et carrières au niveau national et international.

Rien qu’au niveau des contrats, il n’y a pas d’avocats qui s’y connaissent dans les droits des éditions… C’est tout un chantier énorme où il y a beaucoup de travail à faire. Pour moi, le travail le plus important à faire est sur les artistes eux-mêmes qui doivent être prêts pour considérer tout art comme industrie et qu’ils y ont un rôle à jouer. En gros, il ne faut pas se cacher la face, cette industrie marche de temps en temps chez nous. Je pense que les choses vont bientôt s’améliorer avec la génération qui arrive.


- A quel point la distribution digitale est-elle prometteuse pour le marché marocain ?

- La distribution digitale dépend de plusieurs facteurs. Elle dépend surtout du marché de la publicité. A part le fait de distribuer de la musique sur le digital, la distribution digitale facilite la vie à tout artiste qui a aujourd’hui la possibilité de la distribuer et l’amener au public un peu partout dans le monde.

Au niveau du Maroc, on peut amener son travail au public, mais, malheureusement, elle ne dépend pas que du réseau lui-même mais d’autres facteurs, parmi lesquels les sponsors qui achètent l’espace publicitaire dans tous les réseaux de distribution pour que l’artiste puisse gagner de l’argent.

En général, une grande partie du streaming est gratuite à hauteur de 80%. Il y a quelques formes de streaming qui sont payantes. C’est très important qu’on puisse créer une industrie qui produit des artistes qui ont des carrières stables. Ils vont avoir un statut d’artiste reconnu. A partir de là, les sponsors commencent à avoir confiance et investiront dans la production de l’artiste marocain.

Pour l’instant, ça reste une petite part du marché. Je dirai que la distribution digitale est en train d’aider. Il ne faut pas oublier que quand on parle de distribution digitale, il y a aussi beaucoup de produits qui sortent et la concurrence devient plus dure et grande. Quand le marché est petit, il n’y a pas grand chose à partager. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai quitté le marché marocain pendant une longue période. Mes productions me coûtent plus chères et au bout d’un moment il n’y a pas de retour sur investissement. Tous les artistes ont intérêt à travailler main dans la main et d’une manière professionnelle pour qu’ils puissent un jour créer une industrie nationale.
 
Aujourd’hui, je reviens sur le marché pour finir ce que j’avais commencé il y a des années.

- Par ailleurs, vous êtes connu par le public en tant qu’artiste chanteur, danseur, producteur mais aussi homme d’affaires. Quels sont vos projets en vue ?

- Au niveau de mon retour sur le marché marocain, ce n’est pas une raison qui se limite à lancer une chanson ou revenir en tant qu’artiste. Aujourd’hui, je reviens sur le marché pour finir ce que j’avais commencé il y a des années. Malheureusement, à l’époque, je n’avais pas tous les moyens nécessaires qui me permettaient de réussir le pari de créer une industrie musicale au Maroc. Je reviens après des années de travail pour que je puisse me permettre de créer une vraie industrie. On va commencer par un label “Rise the nation”. C’est un label fait pas seulement pour le Maroc, mais pour tout le continent africain pour supporter les artistes.