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Interview avec Abdessamad El Ouafi : « La 5G n’utilise pas plus de données que la 4G pour la même action »


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 20 Novembre 2025

Entre la peur d'une puissance d'émission prétendument "300 fois plus dangereuse" et l'observation d'une consommation de forfaits de données plus rapide, les mythes autour de la 5G abondent. Abdessamad El Ouafi, ingénieur d’État en transformation digitale et supervision des systèmes numériques, apporte un éclairage sur ces points.



- Le Maroc a lancé officiellement la 5G, le 7 novembre courant, des années après beaucoup de pays. A quel point cela peut-il permettre d'éviter les erreurs des pionniers ?

- Le fait d’arriver un peu après les pays pionniers est un avantage. Cela permettra de profiter des retours d’expérience (déploiement d’antennes, gestion d’interférences, optimisation énergétique, modèles commerciaux, gestion de la sécurité et de la vie privée) et éviter certaines erreurs de planification ou d’ingénierie. Concrètement, cela permet d’adopter des architectures plus matures, de tirer parti d’équipements plus efficaces et d’intégrer des bonnes pratiques réglementaires et de sécurité déjà éprouvées ailleurs. Au Maroc, la 5G a été activée officiellement par les opérateurs le 7 novembre 2025, ce qui donne justement aux opérateurs et aux régulateurs un plateau d’observation pour déployer de façon plus sûre et optimisée.

- Le lien entre la 5G et l'Internet des Objets (IoT) est non seulement direct, mais il est la raison d'être de la 5G, en particulier dans le secteur professionnel et industriel. Le confirmez-vous ?

- Oui, l’un des objectifs centraux de la 5G est précisément de soutenir massivement l’IoT industriel et professionnel. La 5G ne se limite pas à l’eMBB (haut débit mobile). Elle définit aussi des profils comme mMTC (massive Machine-Type Communications) pour connecter des millions de capteurs et URLLC pour des communications ultra-fiables et temps réel (contrôle industriel, automatisation). Ces profils, combinés au découpage réseau (network slicing) et à l’edge computing, rendent la 5G particulièrement adaptée aux usages industriels.

- Une idée reçue très répandue affirme que la 5G est 300 fois plus puissante ou dangereuse que la 4G. En réalité technique, quel est le lien entre le débit de la 5G et la puissance d'émission des antennes ?

- C’est une idée reçue. En effet, débit et puissance d’émission sont deux notions différentes. Le débit augmente grâce à des techniques et parfois l’utilisation de fréquences plus élevées, pas nécessairement parce que les antennes émettent “beaucoup plus” de puissance brute. En 5G, on utilise souvent des signaux plus directionnels qui concentrent l’énergie vers l’utilisateur visé, ce qui peut réduire l’exposition globale pour des zones non ciblées. Par ailleurs, les limites réglementaires d’exposition électromagnétique (SAR / DAS) s’appliquent toujours aux terminaux et aux stations de base. Les fabricants et opérateurs conçoivent le réseau pour respecter ces limites. Dire « 300× plus dangereux » n’a donc pas de fondement technique simple.

- Au niveau des effets sur la santé, le Royaume a-t-il adopté les mêmes normes d'exposition (limites de DAS) que l'Europe ou l'OMS pour la 5G ?

- Le Royaume dispose d’un cadre réglementaire national (ANRT) qui impose l’étiquetage et des exigences SAR (DAS) pour les équipements et suit des normes techniques. Ces règles visent à garantir que les appareils commercialisés respectent des valeurs limites d’exposition, similaires aux pratiques internationales. En pratique, les limites appliquées aux appareils vendus au Maroc sont alignées sur les bonnes pratiques internationales et les exigences d’étiquetage et de conformité ont été renforcées récemment suite à une mise à jour des exigences ANRT en 2025. Pour des recommandations de santé publiques, l’OMS publie des avis et l’ANRT/autorités sanitaires locales s’en inspirent ou s’y réfèrent pour la réglementation.

- Plusieurs utilisateurs constatent que la 5G épuise plus vite leur forfait de données que la 4G. Comment expliquez-vous cela ?

- La 5G n’utilise pas intrinsèquement plus de données pour la même action. Par exemple, télécharger un fichier consomme la même quantité d’octets sur 4G ou 5G. En revanche, parce que la 5G permet des débits beaucoup plus élevés et des latences plus basses, les utilisateurs consomment plus des streamings en 4K ou 8K, téléchargements plus rapides, mises à jour plus fréquentes d’applications, services immersifs ou synchronisations continues. Donc, l’augmentation des volumes vient surtout du changement de comportement rendu possible par la vitesse et la fluidité, pas d’un “coût par octet” supérieur. Par ailleurs, certains services, notamment les sauvegardes automatiques et les flux en haute résolution, peuvent se déclencher plus souvent quand la bande passante est disponible.

- Enfin, pensez-vous que la 5G va remplacer totalement le Wi-Fi à la maison, comme présumé ?

- C’est peu probable à court/moyen terme. Wi-Fi et 5G sont complémentaires. Le Wi-Fi offre une solution locale, privée, facile à déployer dans les foyers, tandis que la 5G mobile offre mobilité et couvertures opérateur. Pour des usages fixes, il existe bien des offres 5G fixe (Fixed Wireless Access) capables de remplacer la boucle locale dans certains cas, mais le Wi-Fi restera dominant à l’intérieur des maisons. En pratique, on verra des scénarios hybrides avec 5G pour l’accès extérieur / backhaul, et le Wi-Fi pour le réseau domestique.







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