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Intelligence Artificielle : parlons-en avec rigueur – Réponse à Gérard Pelé


Rédigé par Dr. Az-Eddine Bennani, informaticien, économiste et manager * le Mercredi 14 Mai 2025



Intelligence Artificielle : parlons-en avec rigueur – Réponse à Gérard Pelé
Il est des lectures qui interrogent, non pas tant par la profondeur de leurs analyses que par les certitudes qu’elles affichent sur des sujets dont elles ignorent les fondements. L’article récemment publié par Gérard Pelé, intitulé « Intelligence Artificielle ? Bêtise Humaine ? », en est une parfaite illustration.

Je respecte profondément le parcours artistique et intellectuel de M. Pelé, éminent spécialiste de l’art et observateur avisé de la culture. Mais précisément, c’est parce que l’intelligence artificielle ne relève ni de l’esthétique ni de l’intuition culturelle que je m’autorise ici à questionner la légitimité de certaines affirmations formulées dans son texte.

L’intelligence artificielle n’est ni une vue de l’esprit ni une idéologie abstraite. C’est une discipline technique, scientifique et systémique, qui mobilise des savoirs complexes en mathématiques, informatique, logique, traitement de données, et plus largement, en modélisation du réel. Parler d’IA sans s’être formé à ses bases, sans en comprendre les architectures algorithmiques, les biais d’apprentissage, les limites des réseaux de neurones ou les conditions de généralisation, c’est comme prétendre analyser une œuvre de Rembrandt sans jamais avoir étudié ni la peinture, ni la lumière, ni la perspective.

Dans mon livre « Le Maroc à l’ère de l’intelligence artificielle – Souveraineté, inclusion et transformation systémique », j’ai justement voulu répondre à cette dérive que j’ai appelée « le syndrome des moutons noirs ». Il désigne ces voix nombreuses et bruyantes, souvent éloignées des disciplines concernées, qui se saisissent de l’IA pour alerter, dénoncer, ou prophétiser, sans apporter ni connaissance technique, ni expérience de terrain, ni lecture épistémologiquement fondée. Or, face à un phénomène aussi structurant que l’intelligence artificielle, le devoir d’exactitude et de rigueur devrait prévaloir sur l’effet de manche ou la posture inquiète.

Gérard Pelé critique une Afrique dépendante des grandes puissances, technologiquement asservie. Il n’a pas tort sur le fond. Mais il oublie que ce n’est pas l’outil en lui-même qui asservit : c’est l’absence de stratégie, de souveraineté, et d’appropriation locale. L’IA, comme toute technologie, est ce que nous en faisons. Elle peut être au service d’une domination, comme elle peut servir une ambition d’émancipation. Le Maroc l’a bien compris en posant les jalons d’une politique nationale d’IA. Encore faut-il accompagner cette dynamique avec discernement, pédagogie et vision.

Ce que nous devons refuser, c’est que l’IA devienne l’otage d’un débat confus entre technophobie et messianisme technologique. Ce que nous devons promouvoir, ce sont des lectures systémiques, ancrées dans le réel, connectées aux enjeux locaux, respectueuses des compétences. L’IA est une affaire sérieuse. Elle exige humilité, méthode et clarté. Elle exige surtout que chacun parle depuis son champ de savoir, avec une exigence de vérité. C’est à cette condition que nous éviterons que l’intelligence artificielle ne devienne, effectivement… le symptôme d’une bêtise humaine.

* Dr. Az-Eddine Bennani est ingénieur en informatique, titulaire d’un MBA de Chicago, docteur en sciences économiques de la Sorbonne, et expert en management stratégique, gouvernance digitale et intelligence artificielle. Avec plus de 40 ans d’expérience en France, au Maroc et à l’international, il a été ingénieur système, consultant et manager chez Hewlett-Packard en France, en Europe et au MEA, a été professeur-chercheur à La Sorbonne Universités/UTC et à NEOMA Business School, et est actuellement professeur associé à l’Université Al Akhawayn.
 







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