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Id Yennayer : Au coeur d’une fête ancestrale, nouvellement officialisée au Maroc


Rédigé par Rime Taybouta Samedi 13 Janvier 2024

Le 14 janvier, le Maroc célèbre officiellement pour la première fois le jour du Nouvel An amazigh. L’occasion d’explorer les traditions de cette journée festive et d’évaluer les efforts des autorités marocaines pour officialiser l’Amazigh.



Le 14 janvier, le Maroc célèbre officiellement pour la première fois le jour du Nouvel An amazigh, également connu sous le nom de Id Yennayer. Un événement à forte dimension symbolique qui marque le début d’une nouvelle année selon le calendrier agraire berbère, basé sur le cycle des saisons. Symbole du lien d’appartenance identitaire, cette occasion réunit les Amazighs du monde entier, qui se parent de leurs plus beaux habits et préparent un dîner de communion, qui diffère d’une région à l’autre. « Nous avons depuis toujours célébré Yennayer, mais maintenant avec son officialisation, il revêt un caractère particulier », nous déclare Hanane, quarantenaire aux origines berbères, plus précisément de Goulmima dans la région de Drâa-Tafilalet.

« Pour nous, c'est l'occasion de se retrouver en famille et entre amis pour célébrer notre culture et notre identité. On mange, on danse, on rigole, c’est notre façon d’être », dit-elle en souriant. La nourriture cuisinée est généralement bouillie, cuite à la vapeur ou levée, car la tradition veut des festins convenables aux soirées hivernales. «"Id Yennayer" marque le début de la nouvelle année agricole (Hagouza), notre tradition se perpétue aujourd’hui grâce à des festivités qui mettent à l’honneur les coutumes de notre région », ajoute Hanane.

Rituels et fierté

A quelques kilomètres de la ville natale de notre interlocutrice, se trouve Agadir, capitale des Amazighs du Monde, où la brise de Yennayer se fait ressentir mais avec un goût particulier. Le mythique souk de Bab El Had est décoré de guirlandes et de lanternes traditionnelles, sur fond d’une musique berbère qui résonne dans tout le marché. Les gens se pressent dans les rues du souk. Ils sont venus pour acheter ce qu’il leur faut pour fêter le Nouvel An. Fruits et légumes frais, viandes et épices, le marché est bien approvisionné et n’attend que l’engouement des clients.
 
« La célébration s'incarne dans un ensemble de rituels dont le plus important est la préparation de plats traditionnels célèbres comme "Tagwlla" et  "Ourkimen", ou le Couscous aux 7 légumes », nous confie Ahmed Assid, Président de l'Observatoire amazigh des droits et libertés, ajoutant que « la  symbolique  de cette célébration est de cuire en même temps toutes les céréales et tous les légumes que la terre produit, dans l'espoir d'une bonne année agricole».
 
Au-delà des festivités
 
Mais au-delà du caractère festif de Yennayer, cet événement est également l’occasion pour certains d’évaluer le chantier relatif à l'activation du caractère officiel de la langue amazighe au Maroc. Dans ce sens, le gouvernement prévoit 1 MMDH à l’horizon 2025 pour l’opérationnalisation de ce projet à travers la création d’un Fonds spécial. Jusque-là et mis à part le jour férié national officiel payé, mis en place sur Hautes orientations Royales, l’Exécutif a procédé au lancement de certains projets relatifs au renforcement de l’utilisation de la langue amazighe dans les administrations publiques et son intégration dans divers domaines de la vie publique. Des commissions consultatives (nationales et régionales) ont été mises en place pour renforcer la gouvernance du Fonds. Et bien évidemment, le secteur de l’Education était le premier volet à promouvoir. Selon le ministre de tutelle, Chakib Benmoussa, la langue amazighe est désormais enseignée dans 31% des établissements de l'enseignement primaire.

Afin d’atteindre un taux de 50% lors de l'année scolaire 2025-2026, le ministère a œuvré au recrutement d'enseignants de la langue amazighe, relevant que le nombre de postes pourvus est passé de 200 en 2021 à 400 en 2022, puis à 600 postes en 2023. De plus, une première promotion d’inspecteurs pédagogiques d'enseignement primaire - spécialité langue amazighe - a été formée, pour répondre à la demande.
Sur le volet culturel, le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication s’emploie à intégrer la composante culturelle amazighe dans ses différentes interventions, en organisant des festivals artistiques et patrimoniaux à caractère amazigh, et en célébrant le Nouvel An amazigh à travers un ensemble de manifestations culturelles, outre l'adoption de la langue amazighe dans les publicités et les activités relatives auxdites manifestations.
 
En ce qui concerne l’administration publique, le service d’accueil en langue amazighe a été mis en place dans plusieurs établissements, à travers la mobilisation de 460 agents d’accueil chargés de conseiller et d’orienter les usagers amazighophones, dans le but de faciliter leur accès aux services publics, outre l’usage de la langue amazighe au niveau des panneaux de signalisation au sein de ces administrations. Des efforts louables, mais qui, selon Ahmed Assid, demeurent insuffisants suite à « la lente activation de la Constitution et de la loi organique ». 

3 questions à Ahmed Assid

« Il faut accélérer la loi organique relative à l’officialisation de l’Amazigh »
 
Ahmed Assid, Président de l'Observatoire amazigh des droits et libertés, a répondu à nos questions.
 
- Quelles sont les manifestations de célébration de Yennayer par la communauté amazighe ?
 
  • Célébrer le jour de l'An amazigh cette année ne se limite pas à une communauté ou un groupe ethnique spécifique, il concerne tous les Marocains, comme l'a souligné précisément le communiqué du Cabinet Royal, en annonçant l'officialisation de cet événement comme fête nationale et jour férié. Cette reconnaissance arrive également en conformité avec la tradition du peuple marocain qui, depuis des siècles déjà, fête ce jour de l'An dans les quatre coins du pays, par toutes les composantes, amazighe ou arabe.
 
- Comment évaluez-vous l’état d’avancement du chantier d’officialisation de la langue amazighe au Maroc ?
 
  • La réponse peut se résumer en ce que la langue amazighe vit aujourd’hui dans un état de reconnaissance suspendue. Cela est dû à la lente activation de la Constitution et de la loi organique concernant la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe, dans tous les secteurs de la vie publique. L'exemple le plus frappant sur cette perte de temps est le chantier de l'Enseignement, qui est le plus important, et qui ne dépasse toujours pas les 9% de généralisation après 20 ans (2003 - 2023).
 
- Où en est l’intégration de la langue amazighe dans les domaines de la législation, l'information et la communication ?

- Bien que le gouvernement actuel ait consacré pour la première fois un budget pour la promotion de la langue officielle amazighe, à savoir un milliard de dirhams, on ne constate toujours pas l'effet de cette politique sur la situation de la langue et la culture amazighes, comme on ne sait toujours pas comment et en quoi la moitié du budget (500 millions de dirhams) a déjà été consommée pendant les deux dernières années. Sur ce point, plus de transparence s’impose pour des évaluations objectives.
 








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