Aujourd’hui, près de 25 % de la population mondiale vivent sous la menace d’un stress hydrique extrême, tandis que plus de 80 % des ressources annuelles en eau douce renouvelable sont déjà exploitées. Cette situation critique prend des formes contrastées selon les niveaux de développement du moment que dans les pays à faible ou moyen revenu, la pénurie est souvent aggravée par un traitement insuffisant des eaux usées, tandis que dans les économies les plus riches, ce sont les eaux de ruissellement agricoles qui constituent la principale source de pollution, alimentant une crise systémique. Dans cette nouvelle cartographie mondiale du risque hydrique, le Maroc, qui se situe à la croisée du monde méditerranéen et du Sahel, cumule les fragilités climatiques, la dépendance agricole et la rareté structurelle. Sécheresses prolongées, salinisation des nappes, précipitations erratiques… les symptômes s’aggravent et reflètent, à l’échelle nationale, les tensions les plus critiques observées à l’échelle globale.
Mais selon un rapport de l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS), présenté lundi à Rabat, cette crise n’est pas uniquement le fruit d’un climat en transition. Elle serait également le résultat d’une trajectoire de développement marquée par une logique d’extension continue de l’offre - à travers barrages, forages et transferts d’eau - et par une orientation agro-exportatrice intensivement consommatrice en eau. Si l’agriculture représente plus de 80% des volumes prélevés, la modernisation technique, loin d’alléger la pression, a été accompagnée par une expansion des superficies irriguées et par l’introduction de cultures à forte valeur ajoutée mais également très hydrivores. Les gains d’efficacité permis par le goutte-à-goutte ont ainsi été absorbés par l’accroissement des besoins.
Fossé abyssal entre les régions !
Le rapport de l’IMIS met également en lumière une inégalité territoriale marquée dans la répartition des ressources. Près de 70 % de l’eau mobilisable se concentrent dans seulement 15 % du territoire national, principalement au Nord du pays. À l’inverse, les bassins atlantiques méridionaux et sahariens accumulent des déficits chroniques. Cette asymétrie illustre les disparités structurelles qui affectent la distribution des précipitations, les écoulements de surface et les potentiels en eau souterraine. Elle complique ainsi la planification hydrique, tant à l’échelle nationale qu’au niveau des territoires. Et si le rapport salue les efforts engagés à travers la stratégie hydrique du Royaume, il insiste toutefois sur la nécessité d’un tournant structurel. Selon l’IMIS, une gouvernance de l’eau plus efficace et plus résiliente suppose de clarifier les compétences, de renforcer les moyens techniques et financiers, et surtout d’assurer une articulation fluide entre tous les échelons : central, régional et local. C’est à ce prix que pourra se consolider la restructuration du secteur, condition sine qua non pour affronter durablement le défi de l’eau au Maroc.
Il s’agit tout d’abord de refondre le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en Conseil National de l’Eau et du Climat (CNEC) doté d’un pouvoir réglementaire. Depuis plus de deux décennies, l’organe chargé de coordonner la politique hydrique n’a ni siégé ni publié de diagnostic national, souligne le rapport, notant qu’en le transformant en Conseil national paritaire, incluant les représentants du secteur privé, des collectivités et de la communauté scientifique, le Maroc doterait enfin sa stratégie de la tour de contrôle qui lui fait défaut. Le rapport recommande aussi de passer des hectares irrigués à la valeur créée par mètre cube dans les plans agricoles. Car si les deux stratégies «Plan Maroc Vert» et «Génération Green» ont permis de doubler la valeur ajoutée agricole et de tripler les exportations, elles reposent encore sur un modèle consommateur de 86% des ressources hydriques mobilisées. Il est donc temps de substituer à la logique d’expansion une logique de productivité volumétrique, où chaque bassin verra son plafond volumétrique fixé par arrêté, tandis que l’octroi des subventions sera conditionné à un bilan hydrique certifié.
Mais selon un rapport de l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS), présenté lundi à Rabat, cette crise n’est pas uniquement le fruit d’un climat en transition. Elle serait également le résultat d’une trajectoire de développement marquée par une logique d’extension continue de l’offre - à travers barrages, forages et transferts d’eau - et par une orientation agro-exportatrice intensivement consommatrice en eau. Si l’agriculture représente plus de 80% des volumes prélevés, la modernisation technique, loin d’alléger la pression, a été accompagnée par une expansion des superficies irriguées et par l’introduction de cultures à forte valeur ajoutée mais également très hydrivores. Les gains d’efficacité permis par le goutte-à-goutte ont ainsi été absorbés par l’accroissement des besoins.
Fossé abyssal entre les régions !
Le rapport de l’IMIS met également en lumière une inégalité territoriale marquée dans la répartition des ressources. Près de 70 % de l’eau mobilisable se concentrent dans seulement 15 % du territoire national, principalement au Nord du pays. À l’inverse, les bassins atlantiques méridionaux et sahariens accumulent des déficits chroniques. Cette asymétrie illustre les disparités structurelles qui affectent la distribution des précipitations, les écoulements de surface et les potentiels en eau souterraine. Elle complique ainsi la planification hydrique, tant à l’échelle nationale qu’au niveau des territoires. Et si le rapport salue les efforts engagés à travers la stratégie hydrique du Royaume, il insiste toutefois sur la nécessité d’un tournant structurel. Selon l’IMIS, une gouvernance de l’eau plus efficace et plus résiliente suppose de clarifier les compétences, de renforcer les moyens techniques et financiers, et surtout d’assurer une articulation fluide entre tous les échelons : central, régional et local. C’est à ce prix que pourra se consolider la restructuration du secteur, condition sine qua non pour affronter durablement le défi de l’eau au Maroc.
Il s’agit tout d’abord de refondre le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en Conseil National de l’Eau et du Climat (CNEC) doté d’un pouvoir réglementaire. Depuis plus de deux décennies, l’organe chargé de coordonner la politique hydrique n’a ni siégé ni publié de diagnostic national, souligne le rapport, notant qu’en le transformant en Conseil national paritaire, incluant les représentants du secteur privé, des collectivités et de la communauté scientifique, le Maroc doterait enfin sa stratégie de la tour de contrôle qui lui fait défaut. Le rapport recommande aussi de passer des hectares irrigués à la valeur créée par mètre cube dans les plans agricoles. Car si les deux stratégies «Plan Maroc Vert» et «Génération Green» ont permis de doubler la valeur ajoutée agricole et de tripler les exportations, elles reposent encore sur un modèle consommateur de 86% des ressources hydriques mobilisées. Il est donc temps de substituer à la logique d’expansion une logique de productivité volumétrique, où chaque bassin verra son plafond volumétrique fixé par arrêté, tandis que l’octroi des subventions sera conditionné à un bilan hydrique certifié.
Le collège d’experts souligne que la chaîne de valeur de l’eau souffre d’un angle mort, à savoir l’absence d’un régulateur unique capable de garantir la qualité de service, la viabilité économique des opérateurs et la transparence tarifaire. D’où l’impératif de créer une Autorité Nationale de régulation de l’eau (ANREau) qui aurait pour mission de fixer les barèmes tarifaires selon le principe «pollueur-payeur et usager-financeur», de contrôler le respect des normes, et de sanctionner les distributeurs défaillants. Son premier acte fondateur serait la signature d’un contrat-programme 2025-2035 avec l’ONEE qui s’engagerait à réduire d’un quart les pertes physiques dans les réseaux d’ici 2030, tandis que l’ANREau validerait une trajectoire tarifaire socialement différenciée, préservant l’accès au service pour les ménages vulnérables. Corrélativement, les SRM verraient leur rémunération partielle.
Vers plus de sobriété hydrique
L’IMIS insiste en outre sur l’accélération du dessalement et de la réutilisation des eaux usées pour atteindre, à l’horizon 2030, un milliard de mètres cubes d’eau non conventionnelle, financée par des obligations vertes et des partenariats public-privé. Ces projets, à fort enjeu stratégique, devraient être soutenus par des mécanismes innovants de financement, combinant obligations vertes et partenariats public-privé, afin d’assurer leur viabilité économique et leur pérennité opérationnelle. Mais cette transition ne peut se limiter à l’infrastructure. Elle doit s’accompagner d’une reprogrammation profonde des incitations agricoles. L’IMIS recommande ainsi d’indexer les aides non plus sur la superficie cultivée, mais sur la valeur ajoutée par mètre cube d’eau utilisé. Une telle réforme permettrait de réorienter les pratiques agricoles vers des cultures sobres en eau et mieux adaptées aux réalités climatiques locales ? à l’instar des légumineuses, olivier en pluvial, arganier, cactus... Autant de filières porteuses, à la fois résilientes et économiquement prometteuses.
En matière de régulation, les experts plaident pour une montée en puissance de la « police de l’eau ». Celle-ci devrait élargir son champ d’action à la gendarmerie, et s’appuyer sur un système national de télésurveillance des forages, capable de détecter en temps réel les prélèvements illicites ou excessifs. Parallèlement, la mise en place de contrats de nappe associant usagers, agences de bassin et collectivités territoriales permettrait d’instaurer une gouvernance partagée autour de ressources souterraines menacées. Ces contrats devraient définir des quotas de prélèvement, des calendriers de recharge, ainsi que des sanctions automatiques en cas de non-respect des engagements. A cela s’ajoute l’intégration de l’empreinte eau comme critère déterminant dans toute décision d’investissement public ou privé. Cela implique qu’aucun projet industriel, touristique ou agricole ne puisse voir le jour sans avoir démontré sa compatibilité avec la contrainte hydrique locale. C’est une condition essentielle pour internaliser le coût environnemental de l’eau et aligner le développement sur les capacités réelles des territoires.
Le rapport souligne l’impératif d’ancrer durablement une culture de la sobriété hydrique dans les mentalités, à travers l’éducation, la sensibilisation et la formation professionnelle. L’eau ne peut plus être considérée comme une ressource abondante et gratuite. Elle devient un bien stratégique, rare, et devant être géré collectivement avec rigueur et responsabilité. L’IMIS appelle, in fine, à créer un observatoire académique «Nexus eau-énergie-agriculture-écosystèmes » pour consolider la recherche interdisciplinaire, mutualiser les bases de données et former la nouvelle génération d’ingénieurs hydrologues et d’économistes de l’eau.
Vers plus de sobriété hydrique
L’IMIS insiste en outre sur l’accélération du dessalement et de la réutilisation des eaux usées pour atteindre, à l’horizon 2030, un milliard de mètres cubes d’eau non conventionnelle, financée par des obligations vertes et des partenariats public-privé. Ces projets, à fort enjeu stratégique, devraient être soutenus par des mécanismes innovants de financement, combinant obligations vertes et partenariats public-privé, afin d’assurer leur viabilité économique et leur pérennité opérationnelle. Mais cette transition ne peut se limiter à l’infrastructure. Elle doit s’accompagner d’une reprogrammation profonde des incitations agricoles. L’IMIS recommande ainsi d’indexer les aides non plus sur la superficie cultivée, mais sur la valeur ajoutée par mètre cube d’eau utilisé. Une telle réforme permettrait de réorienter les pratiques agricoles vers des cultures sobres en eau et mieux adaptées aux réalités climatiques locales ? à l’instar des légumineuses, olivier en pluvial, arganier, cactus... Autant de filières porteuses, à la fois résilientes et économiquement prometteuses.
En matière de régulation, les experts plaident pour une montée en puissance de la « police de l’eau ». Celle-ci devrait élargir son champ d’action à la gendarmerie, et s’appuyer sur un système national de télésurveillance des forages, capable de détecter en temps réel les prélèvements illicites ou excessifs. Parallèlement, la mise en place de contrats de nappe associant usagers, agences de bassin et collectivités territoriales permettrait d’instaurer une gouvernance partagée autour de ressources souterraines menacées. Ces contrats devraient définir des quotas de prélèvement, des calendriers de recharge, ainsi que des sanctions automatiques en cas de non-respect des engagements. A cela s’ajoute l’intégration de l’empreinte eau comme critère déterminant dans toute décision d’investissement public ou privé. Cela implique qu’aucun projet industriel, touristique ou agricole ne puisse voir le jour sans avoir démontré sa compatibilité avec la contrainte hydrique locale. C’est une condition essentielle pour internaliser le coût environnemental de l’eau et aligner le développement sur les capacités réelles des territoires.
Le rapport souligne l’impératif d’ancrer durablement une culture de la sobriété hydrique dans les mentalités, à travers l’éducation, la sensibilisation et la formation professionnelle. L’eau ne peut plus être considérée comme une ressource abondante et gratuite. Elle devient un bien stratégique, rare, et devant être géré collectivement avec rigueur et responsabilité. L’IMIS appelle, in fine, à créer un observatoire académique «Nexus eau-énergie-agriculture-écosystèmes » pour consolider la recherche interdisciplinaire, mutualiser les bases de données et former la nouvelle génération d’ingénieurs hydrologues et d’économistes de l’eau.
Benchmark : Quatre leçons transversales à tirer…
Pour dégager des enseignements comparables et applicables, le rapport analyse trois cas d’école sélectionnés pour leurs contrastes géographiques et institutionnels. La Jordanie, pays le plus aride du monde après le Koweït, a misé sur une régulation stricte de la demande, la réutilisation des eaux usées qui couvre désormais plus de 15% des besoins agricoles, et un prix de l’eau progressif qui subventionne le premier mètre cube domestique mais renchérit fortement les volumes élevés. L’Espagne, confrontée à une sécheresse structurelle dans son Sud-Est, a progressivement transféré la gouvernance vers les «confederaciones hidrográficas », imposé des volumes plafonds par bassin et développé la plus grande capacité de dessalement d’Europe adossée à un mix énergétique renouvelable. Le Chili, enfin, a fait le choix d’allouer des droits d’eau négociables dès les années 1980, stimulant l’efficacité à court terme mais creusant les inégalités territoriales, ce qui pousse aujourd’hui le pays à réviser son Code des eaux pour rétablir un quota écologique minimum. Quatre leçons transversales émergent : primo, la donnée partagée est le socle d’une gouvernance crédible; secundo, le passage d’une politique « tout-offre» à un pilotage de la demande suppose un prix-signal lisible et des compensations ciblées pour les plus vulnérables; tertio, la diversification vers l’eau non conventionnelle (dessalement, réutilisation) n’a d’effet systémique que si la demande est simultanément compressée; enfin, les dispositifs de régulation doivent être territorialisés pour refléter la variabilité climatique.
Situation mondiale : Une crise structurelle à tous les niveaux
La demande mondiale en eau douce continue d’augmenter d’environ 1% par an, en raison du développement socio-économique et de l’évolution des régimes de consommation. L’agriculture à elle seule capte plus de 70% des prélèvements, loin devant les usages domestiques et industriels. Cette dynamique, combinée à une croissance démographique rapide, exacerbe les tensions sur les ressources hydriques. Selon les projections des Nations Unies, en 2030, la demande en eau dépassera de 40% l’offre disponible à l’horizon 2030, un déséquilibre susceptible de menacer des millions de vies, alors que chaque minute, cinq personnes décèdent dans le monde faute d’accès à une eau potable sécurisée. Cette crise hydrique mondiale appelle une réponse collective, coordonnée et structurelle. Elle constitue désormais un risque systémique au même titre que le changement climatique ou les instabilités géopolitiques.