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Filière dattière : La domination des dattes algériennes bientôt concurrencée par le made in Maroc


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 13 Avril 2022

Riche de près de 475 variétés de dattes, le Royaume commence à récolter les fruits de son investissement - plutôt tardif - dans le développement phoénicicole.




Les dattes de toutes les formes et couleurs se retrouvent à nouveau pendant le mois du Ramadan en denrée privilégiée sur les tables du Ftour. Cette année, les dattes ont également fait l’actualité, quelques jours avant le début du mois sacré, quand des rumeurs ont circulé à propos de la dangerosité présumée de certaines variétés importées d’Algérie.

Contacté par nos soins, M. Hamid Chrif, vice-président de la Fédération nationale des producteurs de dattes, a réfuté ces rumeurs soulignant que « les autorités sanitaires marocaines suivent de près la qualité de tous les produits alimentaires importés, notamment les dattes ». Un petit tour dans les marchés de la capitale nous a par ailleurs confirmé que l’appel au boycott des variétés ciblées par les rumeurs n’était manifestement pas efficace puisque les dattes en question continuent à avoir du succès auprès des consommateurs marocains, notamment à cause de leur prix substantiellement plus bas que celui des variétés produites localement.

Deglet Nour « made in Morocco » ?

Sur le podium des dattes importées les plus populaires, la variété « Deglet Nour », produite principalement en Tunisie et en Algérie, s’accapare une place de choix. Au vu des conditions climatiques et environnementales qui sont quasiment similaires dans les zones oasiennes des pays du Maghreb, la question que certains se posent est « pourquoi cette variété n’est pas produite localement ? ».

Pour M. Mohamed Belhassan, fondateur et ex-président de la Fédération interprofessionnelle marocaines des dattes, cette variété existe bel et bien dans le Royaume, mais en quantités très réduites. « Lors de mes prospections à travers le pays, j’ai trouvé des producteurs dans la région de Figuig qui ont cette variété, mais le nom qu’ils lui donnent est différent. On l’appelle El Assiane (désobéissance en arabe, NDLR) parce que le palmier qui la produit est difficile à viabiliser durant ses premières années. Les quantités produites sont très réduites, ce qui explique l’absence d’une production nationale de cette variété », souligne notre interlocuteur.

Le pays des 474 variétés

Au vu des quelques centaines de tonnes de dattes que le Maroc exporte chaque année qui sont bien loin des volumes exportés par la Tunisie ou l’Algérie, il est possible de croire que notre pays n’a pas le même potentiel phoénicicole que les autres pays de la région. Une théorie rapidement balayée par M. Mohamed Belhassan.

« Les études qui ont été réalisées par l’INRA ont démontré que la richesse phoénicicole est très importante. Il existe près de 474 variétés différentes de dattes au Maroc. Ce grand nombre permet par ailleurs d’avoir une résistance vis-à-vis des ravageurs et des maladies du palmier-dattier. D’autres pays qui ont tout misé sur une seule variété pourraient subir de grands dégâts si leurs palmiers étaient attaqués par une maladie puisqu’ils n’ont pas une diversité suffisante pour avoir la résistance nécessaire », explique la même source.

« Depuis Figuig jusqu’à Tata, la production des variétés nationales se décline différemment, selon les conditions locales. Chaque région offre son lot de variétés qui, parfois, ne s’épanouissent que dans leurs oasis d’origine», poursuit le professionnel.

Export et prix des variétés

« Dans les pays producteurs de la variété Deglet Nour, les efforts pour développer la production ont été consentis dès la période coloniale. Contrairement à d’autres pays qui n’ont pas d’autres choix que d’investir dans la phoéniciculture, le Maroc a d’abord priorisé d’autres filières, notamment celles des fruits et légumes », contextualise M. Belhassan. La création de l’ANDZOA et l’inclusion de la filière dans le Plan Maroc Vert a cependant marqué un tournant décisif pour développer la production de dattes au Maroc.

« Actuellement, les fruits des efforts commencent à voir le jour et je pense que les volumes de dattes marocaines dédiées à l’export vont rapidement augmenter dans deux ou trois années », souligne notre interlocuteur. Quid des prix des variétés locales ? « Le prix élevé des variétés locales s’explique par deux facteurs : d’abord, elles sont d’une très grande qualité alors que leurs quantités sont encore limitées. Deuxièmement, les dattes importées font rarement partie du segment « haut de gamme » », conclu la même source. Une donne qui pourrait rapidement changer lorsque la production nationale permettra une pleine autosuffisance de cette denrée.



Oussama ABAOUSS

Repères

1er importateur des dattes tunisiennes
Le Royaume est le premier marché au niveau international pour les dattes tunisiennes. Dans un communiqué diffusé par le groupement interprofessionnel tunisien des dattes (GID), on apprend que pendant la période qui s’est étalée depuis le 1er octobre 2020 au 15 mars 2021, le Maroc s’est maintenu comme le premier importateur de dattes tunisiennes avec un volume total de près de 20.700 tonnes. La même source précise que ce volume équivaut au quart de la quantité totale de dattes tunisiennes exportée à l’étranger.
 

Mejhoul, Boufeggous et Najda
Si les autres pays du Maghreb ont fait le pari de développer la variété Deglet Nour, le Royaume semble pour sa part privilégier la variété Mejhoul dont la production au niveau mondial est actuellement dominée par Israël et les Etats-Unis. La production phoénicicole du Maroc qui se fait dans le cadre du Plan Maroc Vert met ainsi le Majhoul au coeur de sa production en plus de deux autres variétés : Boufeggous et Najda. Ce parti-pris se justifie principalement par le potentiel important de valorisation à l’export de ces 3 variétés.


L'info...Graphie


Production


La montée en puissance de la filière phoénicicole marocaine
 
Royaume ne fait pas encore figure de leader régional dans la production de dattes, il n’en demeure pas moins 12ème au niveau mondial dans ce domaine. Le palmier-dattier occupe au Maroc une superficie de l’ordre de 63.000 hectares, pour un effectif total de plus de 5 millions de pieds, ce qui, selon le ministère de l’Agriculture, « représente 4,8% du patrimoine phoénicicole mondial ».

Cet effectif est implanté principalement le long des vallées du Ziz et du Drâa. « En 2019, la filière a enregistré un chiffre d’affaires de 1,87 milliard de dirhams, une valeur ajoutée de 1,31 milliard de dirhams et a contribué à la création de 3,06 millions jour de travail ».

Durant la campagne 2020-2021, la production nationale a enregistré le volume record de 147.000 tonnes, dépassant ainsi le record de 2019-2020 qui a plafonné à 143.000 tonnes. Cette augmentation, dont les spécialistes prédisent un maintien de la tendance haussière, s’explique par l’entrée en production de l’ensemble des palmiers-dattiers qui ont été plantés dans le cadre du Plan Maroc Vert.
 

Coopération


Première campagne promotionnelle dédiée aux dattes marocaines
 
L’Agence pour le Développement Agricole (ADA) en partenariat avec l’Agence Belge pour le Développement (ENABEL) ont lancé la première campagne promotionnelle des dattes produites au Maroc durant la période de Chaâbane-Ramadan 1443 pour « promouvoir les dattes marocaines, inciter les consommateurs à l’achat et dynamiser leurs ventes pendant cette période de forte consommation afin d’améliorer les revenus des producteurs de cette filière ».

Cette initiative a mis en avant ce produit noble dans 10 magasins de la grande distribution à Casablanca, Rabat, Témara, Tanger, Marrakech, Agadir, Essaouira, Kénitra et Mohammedia. Selon un communiqué de l’ADA, « cette action a pour particularité la mise en place d’unités réfrigérées pour conserver les dattes dans de bonnes conditions. Aussi, des animatrices et des street-marketeurs sont déployés dans tous ces points de vente pour informer la clientèle sur la qualité spécifique et les vertus des dattes marocaines, ainsi que des jeux tombolas permettant de faire gagner aux consommateurs des paniers de produits du terroir chaque semaine ».

La campagne promotionnelle dédiée aux dattes marocaines ainsi que toutes les actualités des produits du terroir marocain, « sont diffusées sur les pages Facebook et Instagram « Terroir du Maroc By ADA » », informe la même source qui précise par ailleurs que « ce partenariat entre les deux Agences va continuer avec de nouvelles actions permettant de développer davantage la filière phoénicicole et d’accroître ainsi la demande en ce produit à l’échelle nationale et internationale ».
 

3 questions à Hamid Cherif, vice-président de FIMADATTES


« Je ne pense pas qu’il y ait une compétition entre les dattes produites localement et celles qui sont importées »
 
Vice-président de la Fédération interprofessionnelle marocaine des dattes (FIMADATTES), M. Hamid Cherif répond à nos questions sur la consommation des dattes au Maroc.


- Les Marocains sont-ils de grands consommateurs de dattes?

- Il y a quelques décennies, la consommation de dattes au Maroc n’était pas très importante comparativement avec d’autres pays producteurs. Cela dit, cette donne a changé depuis quelques années. En témoignent les quantités importantes de dattes que notre pays doit importer depuis l’étranger pour compléter l’offre en produits locaux et satisfaire la demande nationale.


- Les variétés marocaines sont-elles prisées par les consommateurs marocains pendant le Ramadan en dépit de leurs prix souvent plus élevés que ceux des dattes importées ?

- Les variétés de dattes qui sont produites au niveau national arrivent sur le marché à partir du mois d’août. Elles ont du succès auprès des consommateurs locaux puisque les quantités écoulées à partir de cette période sont importantes. Quand arrive le mois sacré, on ne retrouve plus que des quantités limitées surtout de la variété Jihel (qui coûte entre 30 et 40 dirhams) et de la variété « Boufeggouss » qui est également de première qualité (entre 60 et 70 dirhams). Grâce aux dattes importées, on arrive cependant à satisfaire la demande locale et à diversifier l’offre de produits.


- Existe-t-il une compétition entre les dattes importées et celles produites localement ?

- Je tiens d’abord à préciser que notre pays dispose d’un marché ouvert et de consommateurs qui choisissent par eux-mêmes les produits qu’ils veulent consommer. D’autre part, je ne pense pas qu’il y ait une compétition entre les dattes produites localement et celles qui sont importées. Ces dernières se positionnent globalement dans des segments de prix différents. Les deux types de produits finissent par trouver leurs acquéreurs.

Recueillis par O. A.

 








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