Cette année, le gouvernement s’est lancé dans la réforme de la TVA qui, rappelons-le, concerne particulièrement les pharmaciens d’officine plus que les autres professions, puisqu’elle a exonéré la totalité des médicaments. Une mesure saluée largement par les professionnels qui estiment que justice a été rendue aux citoyens. Taxer les patients a été longtemps perçu comme une anomalie, voire une aberration. Dans le but de réduire les prix des médicaments au moment où la couverture médicale se généralise, le gouvernement a décidé de supprimer la TVA, dont le taux de 7% a été réduit à néant.
En vigueur depuis le 1er janvier, date de la publication de l’arrêté n° 3250.23 du ministère de la Santé, relatif à la révision des prix des médicaments, au Bulletin Officiel, cette exonération semble prendre plus de temps que prévu dans son application. L’arrêté déroule une liste de 129 pages contenant 4377 médicaments exonérés.
En vigueur depuis le 1er janvier, date de la publication de l’arrêté n° 3250.23 du ministère de la Santé, relatif à la révision des prix des médicaments, au Bulletin Officiel, cette exonération semble prendre plus de temps que prévu dans son application. L’arrêté déroule une liste de 129 pages contenant 4377 médicaments exonérés.
Des prix inchangés en attendant la fin de la période transitoire !
En théorie, nombreux sont ceux qui ont cru, en allant en pharmacie, que les prix des médicaments baisseront sitôt que la loi entre en vigueur. Or, sur le terrain, plusieurs pharmaciens n’ont pas encore commencé à pratiquer les nouveaux tarifs. Plusieurs médicaments sont encore vendus dans les pharmacies à leurs prix inchangés, selon nos observations. Contacté par nos soins, le Secrétaire général de la Confédération des Syndicats des Pharmaciens du Maroc, Mohammed Amine Buozoubaâ, confirme que les prix n’ont pas encore été réduits à cause des stocks anciens existants qu’il convient de liquider avant d’appliquer les nouveaux tarifs. Selon notre interlocuteur, les pharmaciens disposent encore de quantités considérables dans leurs dépôts, mais, rassure-t-il, on va bientôt passer à l’étape suivante.
Le souci des stocks
En effet, les professionnels ont demandé à la fois au ministère de la Santé et à l’administration fiscale une période transitoire afin d’ajuster leurs stocks. Pour ce faire, les pharmaciens tentent actuellement de liquider le plus rapidement possible leurs anciens médicaments au prix TTC de sorte à éviter le risque de ruptures de stock en attendant l’arrivée des nouveaux arrivages avec les prix révisés. Entre-temps, les industries pharmaceutiques ont d’ores et déjà commencé l'étiquetage des produits en fonction des nouveaux prix exonérés de la TVA, nous explique M. Bouzoubaâ, rappelant que la période transitoire devrait durer jusqu’au 31 mars, selon ses prévisions. “L’enjeu de cette transition est d’assurer la disponibilité des médicaments”, précise-t-il.
Les craintes des pharmaciens
D’après les explications d’Abderrahim Derraji, membre du Syndicat des Pharmaciens de Casablanca, les pharmaciens ont besoin d’assez de temps pour liquider leurs stocks, sinon ils seront obligés de retourner les médicaments invendus à leurs fournisseurs. C’est là que résident leurs craintes. Ils redoutent d’être en incapacité de les retourner s’ils dépassent le délai convenu. Aussi y a-t-il une série de conditions qui compliquent le retour d’un médicament non-défectueux au fournisseur. En plus de la date de péremption qui ne doit pas être dépassée, les conditions de conservation doivent être vérifiées. A cela s’ajoutent plusieurs procédures écrites qui doivent être établies dans le cadre du traitement des retours. Autant d’obstacles qui découragent les pharmaciens à se débarrasser ainsi de leurs stocks.
Pour éviter d'éventuels malentendus, les apothicaires appellent à trouver des solutions pratiques au cas où des pharmaciens ne parviennent pas à écouler leurs stocks d’ici la fin du premier trimestre de 2024. Outre cela, il y a un autre scénario fort redouté, celui du rejet des dossiers de médicaments étiquetés avec la TVA par les organismes de prévoyance, à savoir la Caisse nationale de sécurité sociale et la CNOPS.
Quel impact sur les trésoreries ?
Par ailleurs, bien que saluée par les professionnels, la suppression de la TVA sur environ 95% des médicaments pourrait avoir un impact sur leur trésorerie. Sauf que cela ne concerne pas la totalité des pharmaciens. Mohammed Amine Bouzoubaâ explique que les petites et moyennes pharmacies sont les plus concernées, rappelant que celles en difficulté bénéficiaient, par le passé, d’une dérogation qui leur permettait de garder la TVA (voir plus de détails dans les trois questions).
En gros, selon les chiffres du syndicat des pharmaciens de Casablanca, l’impact de l’exonération fiscale sur le chiffre d’affaires est estimé à 5% au maximum. Quoique dérisoire, cette baisse pourrait impacter les petites officines au moment où la rentabilité des pharmaciens est en chute constante depuis des années suite à la baisse des marges. Cela fait longtemps que les pharmaciens d’officine se plaignent de la dégradation de leur situation financière, sachant que leurs revenus se sont amenuisés au fil de ces dernières années, comme en témoignent plusieurs rapports, dont celui du Conseil de la Concurrence (voir repères).
Rappelons qu’avant la Loi des Finances 2024, les médicaments étaient imposés, au titre de la TVA, à un taux de 7%, sauf une liste restreinte qui en était exonérée exceptionnellement. Étaient exonérés de la TVA à l’intérieur avec droit à déduction et à l’importation les médicaments anticancéreux, antiviraux des hépatites B et C, et ceux destinés au traitement du diabète, de l’asthme, des maladies cardio-vasculaires, du syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA), de la méningite, en plus des vaccins, des médicaments pour traiter la fertilité et la sclérose en plaques et les médicaments dont le prix fabricant hors taxe fixé par voie réglementaire dépasse 588 dirhams. Le reste, c’est-à-dire les matières premières, les produits entrant dans leur fabrication et les emballages non récupérables, bénéficient du taux réduit de 7% à l’intérieur et à l’importation.
Trois questions à Mohammed Amine Bouzoubaâ : « 70% des petites pharmacies étaient autorisées à ne pas restituer la TVA »
Mohammed Amine Bouzoubaâ, Secrétaire général de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, a répondu à nos questions.
- Dans quelle mesure les petites pharmacies s’estiment-elles impactées par l'exonération de la TVA ?
L’impact est évalué à 4% du chiffre d’affaires, selon les estimations de la Confédération des syndicats de pharmaciens d’officine du Maroc. Bien qu’en théorie la TVA soit neutre, c’est-à-dire payée par le consommateur, 70% de petits pharmaciens devraient s’adapter différemment à l'exonération de la TVA sur les prix des médicaments. Il convient de rappeler que 70% des petites pharmacies étaient autorisées à conserver la TVA et ne pas la restituer. Une sorte de dérogation pour cette catégorie en raison des difficultés financières dont elle souffre. C’est une dérogation prise à titre exceptionnel parce qu’on veille à ne pas accabler davantage les pharmaciens d’officine menacés de faillite.
- Que proposent les pharmaciens ?
Je rappelle que le manque à gagner en termes de chiffre d’affaires est de 4%, selon nos prévisions. Par conséquent, les pharmaciens concernés, dont le nombre est important surtout dans les régions éloignées, plaident pour une compensation. Je rappelle que tous les pharmaciens adhèrent à l’initiative de l’exonération de la TVA, qui demeure une mesure louable et salutaire pour le secteur vu qu’elle est de l’intérêt de tous. Nous revendiquons seulement que le ministère de tutelle veille à ce qu’elle soit appliquée de façon à ne pas impacter les professionnels dans la période transitoire et trouver une solution à ceux qui bénéficiaient avant du régime dérogatoire.
- Pensez-vous que l'exonération de la TVA aura un effet sur les prix qui entraînera une hausse, ne serait-ce que relative, sur la demande ?
À mon avis, il ne faut pas s’attendre à une forte baisse, puisque l’effet ne sera pas si grand qu’on puisse penser, vu qu’il y a eu déjà par le passé plusieurs baisses significatives des prix. Je rappelle que le décret ministériel de 2014 qui régularise les prix des médicaments a baissé les tarifs de 4500 sur 6000 avec des réductions estimées à 70%. Je rappelle aussi que la liste des prix réduits est renouvelée à titre quinquennal.
Recueillis par Anass MACHLOUKH
Ré-étiquetage : Un délai transitoire accordé aux industriels
A l’instar des pharmaciens, les laboratoires pharmaceutiques ont également un délai transitoire afin de réviser l’étiquetage des boîtes de médicaments en fonction des nouveaux prix exempts de la TVA. La tâche est plus difficile pour les stocks existants que pour les nouvelles commandes. Selon les industriels, les médicaments nouvellement produits sont étiquetés avec prix hors taxe. Par contre, les stocks existants nécessitent une période transitoire afin de les convertir à la nouvelle tarification. Pour sa part, une source au ministère de la Santé nous explique que le département de Khalid Ait Taleb est réceptif à l’idée d’accorder un délai transitoire afin que le ré-étiquetage se fasse sans impacter l’approvisionnement du marché national.
Rentabilité : La hantise des marges amenuisées
Cela fait des années que les pharmaciens se plaignent de leurs situations financières qui, selon eux, ne cessent de se dégrader d’année en année. Pour cause : une détérioration constante de leurs revenus au cours des années précédentes. Le Conseil de la Concurrence estime que le revenu mensuel des pharmacies, en moyenne générale, ne dépasse pas 4.000 dirhams. Une situation jugée inquiétante par les syndicats de la profession qui ont multiplié les actes de protestation au cours de l’année précédente. Pour rappel, dans une démarche collective, les syndicats des pharmaciens d’officine ont organisé plusieurs grèves entre mars et mai 2023 pour dénoncer la précarité dont souffrent les professionnels, une situation, pensent-ils, qui dure sous les yeux impuissants des autorités compétentes, notamment le ministère de la Santé.
En fait, quand on interroge les pharmaciens, dont le nombre s'élève à 12.000 à l’échelon national, sur leurs craintes, une réponse revient souvent dans leurs bouches : les marges, dont le mode de calcul actuel est considéré comme préjudiciable à la solvabilité des petites pharmacies. Ce débat refait surface à chaque fois que le ministère de tutelle procède à la révision des prix des médicaments.
Selon les estimations, la marge moyenne des pharmaciens est de 27%, sachant que les marges varient entre 29% et 33% en fonction des prix des médicaments de moins de 1000 dhs. Selon les pharmaciens, les marges sont plus problématiques pour les médicaments onéreux dont le prix dépasse 1000 dirhams. Là, on raisonne en termes de forfait. Le pharmacien perçoit une marge de 300 dirhams quand le médicament coûte entre 1000 et 3000 dirhams. Dès que les prix dépassent cette barre, les marges ne peuvent aller au-delà de 400 dirhams.
Rappelons que le prix du médicament est défini sur la base d’un benchmark avec sept pays. Quant aux marges du pharmacien d’officine et les forfaits, ils ont été fixés par le Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.
En fait, quand on interroge les pharmaciens, dont le nombre s'élève à 12.000 à l’échelon national, sur leurs craintes, une réponse revient souvent dans leurs bouches : les marges, dont le mode de calcul actuel est considéré comme préjudiciable à la solvabilité des petites pharmacies. Ce débat refait surface à chaque fois que le ministère de tutelle procède à la révision des prix des médicaments.
Selon les estimations, la marge moyenne des pharmaciens est de 27%, sachant que les marges varient entre 29% et 33% en fonction des prix des médicaments de moins de 1000 dhs. Selon les pharmaciens, les marges sont plus problématiques pour les médicaments onéreux dont le prix dépasse 1000 dirhams. Là, on raisonne en termes de forfait. Le pharmacien perçoit une marge de 300 dirhams quand le médicament coûte entre 1000 et 3000 dirhams. Dès que les prix dépassent cette barre, les marges ne peuvent aller au-delà de 400 dirhams.
Rappelons que le prix du médicament est défini sur la base d’un benchmark avec sept pays. Quant aux marges du pharmacien d’officine et les forfaits, ils ont été fixés par le Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.