En effet, des réunions de médiation ont été tenues, début juin, avec les représentants des étudiants en médecine en présence du ministre porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas. Ces réunions ont été consacrées à la présentation des propositions gouvernementales visant à trouver une issue à la crise qui sévit depuis plus de 7 mois au sein des Facultés de médecine.
Le gouvernement a proposé aux étudiants de ramener la durée de la formation à 6 ans, avec une 7ème année facultative. Cette initiative a généré plus d'inquiétude que d'approbation parmi les étudiants, conduisant à un vote défavorable de 51%.
"Pour prolonger son cursus jusqu'à une septième année, le gouvernement exige une demande qui sera soumise par la suite à l’approbation de l'administration, en fonction des besoins plutôt que du choix de l'étudiant concerné. Nous rejetons fermement cette approche, car elle transforme l'ensemble de la réforme en une obligation déguisée en option", a déclaré un représentant des étudiants.
Vendredi dernier, une nouvelle réunion ministérielle a été tenue en présence du ministère de la Santé, du ministère de l’Enseignement supérieur, du porte-parole du gouvernement, des doyens des Facultés de médecine et de la Commission nationale des étudiants en médecine. Le gouvernement a ainsi exprimé une série d’engagements comprenant des incitations matérielles et professionnelles au profit des futures blouses blanches, sans toutefois signer un procès-verbal à ce propos. De quoi semer le doute parmi les étudiants qui ne veulent pas céder sans accords finaux fixant les modalités de reprogrammation des cours et déterminant le sort des étudiants suspendus à la suite des grèves.
A l’issue de cette réunion, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a organisé une conférence de presse où il a annoncé le 26 juin date d’ouverture de la session du printemps des examens dont la session de rattrapage se tiendra avant la fin du mois d’août.
Théoriquement, le gouvernement estime que le dossier est clos et que les étudiants peuvent retourner dans les classes, du moment qu’il a exprimé ses engagements concernant l’ensemble des aspects du nouveau système de formation médicale. Cependant, la majorité des étudiants qui veulent être rassurés au maximum exigent, comme déjà exprimé, la signature d’un Procès-verbal clair à ce propos, en tant que condition sine qua non pour la levée du boycott et la reprise normale de la formation.
“Le gouvernement nous appelle à passer les examens, pour sauver l’année universitaire, avant d’apporter des réponses effectives et non des promesses à nos doléances. Nous ne pouvons pas franchir cette étape en l’absence d’un PV clair qui comprend, notamment, les détails de la mise à jour du cahier pédagogique national pour le diplôme de Docteur en médecine, ainsi que le sort des étudiants suspendus pour avoir boycotté les examens et les stages pratiques”, précisent les étudiants en médecine.
Outre cela, les étudiants ne semblent pas encore prêts à passer les examens alors qu’ils ont boycotté les cours et les travaux pratiques pendant près de 7 mois. “Au moins cinq promotions, à l'exception des étudiants des sixième et septième années, ont vécu une année blanche sans suivre de formation ni de stage. Comment peut-on aujourd’hui passer les examens dans de telles conditions?”, se demandent les étudiants grévistes.
Sur ce sujet, le gouvernement a annoncé avoir décidé la révision des sanctions prononcées à l’encontre des étudiants grévistes et l’annulation de la note zéro qui leur avait été attribuée. Ces étudiants auront, ainsi, l’occasion de rectifier leurs notes lors de la session de rattrapage prévue en septembre prochain, selon Baitas. Bien que cette mesure ait été saluée par les étudiants, ces derniers s’interrogent sur le sort toujours “flou” des étudiants grévistes après les examens. Lesquels subissent des mesures de suspension de plus d’un an.
“En tant qu’étudiant suspendu pour une durée d’un an et demi, je n’ai pas de visibilité sur le sort de ma carrière de médecin après la passation des examens lors de la session de rattrapage. Il faut que le gouvernement soit plus clair là-dessus”, appelle un étudiant gréviste qui a été suspendu par l’administration de sa Faculté.
S’agissant du nouveau système de formation médicale, il ne concerne que la nouvelle promotion des étudiants entrants dans les Facultés de médecine. A ce propos, Mustapha Baitas a annoncé que le cahier des charges pédagogiques national, tant revendiqué par les grévistes, pour le diplôme de Docteur en médecine sera adopté puis publié par arrêté ministériel.
Bien que le ministère reste discret sur la 7ème année facultative, les étudiants sont toujours intransigeants quant à la fixation des modalités de déroulement de cette année. “Ce fameux cahier pédagogique devrait nous en dire plus sur la 7ème année facultative et ses avantages pour l’étudiant”, exigent les étudiants qui affirment vouloir être rassurés au maximum sur leur avenir académique et professionnel.
Au-delà des modalités de déroulement de la formation médicale, les étudiants sont clairement soucieux de l’impact de la réduction de la durée de formation sur la valeur du diplôme de Docteur en médecine, au niveau national et international. Ce sujet constitue un véritable casse-tête pour les futures blouses blanches, et ce, malgré l’engagement du gouvernement à garantir la qualité de la formation, comme affirmé par Mustapha Baitas.
“Rien ne nous garantit que la valeur du diplôme restera la même, sachant que plusieurs étudiants désirent poursuivre leur cursus à l’international”, s'inquiète une étudiante en 3ème année médecine.
Interrogés à ce sujet, les professionnels du domaine médical reconnaissent la possibilité que la réduction de la durée de formation à 6 ans puisse affecter la perception des futurs médecins marocains à l'étranger, et, par conséquent, leurs perspectives professionnelles à l'international.
Sur le plan académique, “cette mesure pourrait influencer l'avenir académique des étudiants marocains qui envisagent de poursuivre leurs études à l'étranger après avoir complété leur formation initiale”, selon Dr Jaâfar Heikel, professeur en médecine et docteur en économie de la santé. Raison pour laquelle il est crucial, d’après lui, de garantir que les normes académiques au Maroc restent en ligne avec les standards internationaux afin de maintenir la reconnaissance mondiale des qualifications médicales marocaines, parallèlement à la refonte du système de santé en cours.
En termes de carrière, certes, les médecins marocains jouissent d'une reconnaissance internationale pour leurs compétences théoriques et pratiques, notamment en Europe, en Amérique du Nord, ainsi que dans certains pays asiatiques et du Golfe, mais les spécialistes appellent à une évaluation de cette perception dans le futur ainsi que les possibilités d'accueil à l'étranger qui vont se profiler pour les médecins marocains.
Pour sa part, Dr Tayeb Hamdi, expert en politiques de santé, souligne l’absence de normes internationales strictes concernant la durée des études en médecine. En témoigne l’expérience de plusieurs pays, notamment les États-Unis où un médecin peut obtenir son diplôme de Docteur en quatre ans, mais il doit encore suivre quatre années supplémentaires pour obtenir un PhD, et aussi l’Europe où le parcours est souvent de six ans ou plus.
Aux yeux de l’expert, le débat doit aller au-delà du nombre d'années pour toucher la qualité de la formation médicale en fonction du besoin des hôpitaux publics en matière de spécialités et de personnel médical en général.
Tayeb Hamdi a souligné qu'il est crucial de ne pas compromettre la qualité au profit de la quantité. “Former des médecins généralistes et spécialistes compétents est indispensable pour garantir un système de santé équilibré et efficace", a-t-il déclaré, mettant en avant l'importance d'un engagement envers une formation approfondie et spécialisée.
Malgré la réaffirmation de cet engagement par le porte-parole de l'Exécutif, cela n'a cependant pas apaisé les inquiétudes des futurs médecins qui constituent la pierre angulaire d’un système de santé performant, tel que voulu par le Royaume. Ces derniers s’attachent clairement à une 7ème année, à condition qu’elle soit édictée dans le diplôme obtenu avec des avantages sur le plan de carrière.
3 questions à Jaâfar Heikel “Il faudra évaluer dans le futur si l’image de nos médecins restera inchangée après la réforme du système de formation”
- La réduction de la durée de la formation médicale de 7 à 6 ans pourrait-elle affecter la perception du niveau des futurs médecins en comparaison avec les standards internationaux ?
Réduire la durée de la formation médicale de 7 à 6 ans pourrait influencer la perception du niveau des futurs médecins par rapport aux standards internationaux. Actuellement, le modèle au Maroc nécessite généralement 8,2 années pour obtenir un diplôme de médecine, en incluant la thèse. Avec l'adoption du système LMD, un doctorat national au Maroc exige 8 ans d'études. Bien que certains domaines exigent 8 années pour un doctorat, il est crucial de déterminer la durée nécessaire pour former efficacement des médecins qualifiés. En somme, la décision appartient aux autorités marocaines, tout en considérant les standards mondiaux en médecine moderne.
- Pensez-vous que les opportunités de formation à l'étranger pour les futurs médecins resteront inchangées après la réduction de la durée des études médicales ?
La réduction de la durée des études médicales de 7 à 6 ans ne devrait pas affecter significativement les opportunités de formation à l'étranger pour les futurs médecins marocains. Actuellement, les médecins marocains jouissent d'une reconnaissance internationale pour leurs compétences théoriques et pratiques, notamment en Europe, en Amérique du Nord, ainsi que dans certains pays asiatiques et du Golfe. Il faudra évaluer dans le futur si cette perception reste inchangée et si les possibilités d'accueil à l'étranger demeurent les mêmes. Pour les étudiants marocains en médecine, l'objectif n'est pas seulement de pouvoir partir à l'étranger mais aussi de pouvoir bénéficier d'échanges et d'expériences internationales, tout en contribuant au système de santé national.
Cette réforme s'inscrit dans un cadre plus large de refonte du système de santé, visant à optimiser l'accès aux services de santé et à améliorer la qualité des formations médicales, tout en répondant aux besoins nationaux et internationaux.
- Les médecins marocains respecteront-ils les standards internationaux requis pour participer et intervenir dans des congrès internationaux de médecine après cette réduction de la durée de formation ?
Il est crucial de considérer que ni les étudiants ni les institutions n'ont nécessairement raison dans ce débat. Trouver une plateforme optimale est primordial, alignée avec les besoins nationaux de réforme du système de santé et des études médicales, ainsi que du développement socio-économique et humain du Maroc.
La réduction des études médicales de 7 à 6 ans est une composante d'une réforme plus large incluant la formation des professionnels de santé pour soutenir le statut émergent du Maroc en tant que hub sanitaire. Il est essentiel d'éviter une année blanche et de répondre aux doléances légitimes des étudiants pour des études médicales de qualité et adaptées. La formation devrait intégrer des cycles préparatoires en sciences biologiques avant de commencer les études médicales pour mieux préparer les étudiants sur le plan théorique et pratique, alignant ainsi le système éducatif sur les meilleures pratiques internationales et renforçant la réputation du médecin marocain.
Pédagogie : Vers un programme axé sur le numérique
Le nouveau système de formation qui sera adopté repose sur des modalités pédagogiques innovantes et diversifiées axées sur l’apprentissage numérique, la stimulation à travers l’ensemble des Facultés, et intégrant l’enseignement à distance en tant que complément à l’enseignement en présentiel.
Par ailleurs, des cours spécifiques seront inclus au programme permettant aux étudiants de développer des compétences dans les domaines du numérique, de l’Intelligence Artificielle, de la télémédecine, de la médecine familiale, de la simulation, des compétences de vie et de travail, ainsi que des langues étrangères en adéquation avec les évolutions de la pratique médicale à l’échelle mondiale.
Engagement : Le gouvernement soutient les futurs médecins
Les engagements pris par le gouvernement concernent notamment les compensations financières pour les étudiants en médecine, pharmacie et dentisterie. Ces réformes visent à améliorer les conditions d'étude et à garantir une formation de qualité, tout en offrant un soutien financier accru aux étudiants.
L'une des mesures phares de ces réformes est l'augmentation des indemnités pour les stages hospitaliers obligatoires. Les étudiants en médecine, pharmacie et dentisterie, inscrits en troisième, quatrième, cinquième et sixième années, verront leurs indemnités augmentées. Cette augmentation est destinée à mieux reconnaître les efforts et l'engagement des étudiants durant leurs périodes de formation pratique, en leur offrant un soutien financier accru pour leurs stages hospitaliers, essentiels à leur apprentissage et à leur future carrière professionnelle. En plus de compenser les étudiants pour leur temps et leurs efforts, ces indemnités accrues visent à motiver les étudiants à s'investir pleinement dans leurs stages, ce qui est crucial pour leur développement professionnel.
Une autre mesure importante concerne l'augmentation du nombre de thèses pouvant être supervisées simultanément par chaque enseignant-chercheur. Cette décision a été prise en réponse à l'augmentation du nombre d'étudiants dans les Facultés de médecine. Actuellement, avec plus d'étudiants entrant dans les programmes de médecine, il est essentiel de s'assurer que chaque étudiant puisse recevoir une supervision adéquate pour sa thèse.