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Actu Maroc

Emploi : Un marché qui évolue à deux vitesses ! [INTÉGRAL]


Rédigé par Yassine ELALAMI Mardi 5 Août 2025

Au deuxième trimestre de 2025, le marché du travail enregistre une légère amélioration, malgré l’impact persistant de la sécheresse. Le chômage recule légèrement à 12,8%, mais reste élevé chez les jeunes, les diplômés et les femmes. Or, le monde rural reste la grande victime de la conjoncture. Eclairage.



Au-delà de l’inquiétude grandissante qu’elle suscite parmi les Marocains, la crise mondiale assombrit leurs perspectives d’un redressement du marché du travail. Dans une conjoncture morose, marquée par une inflation variante et une sécheresse prolongée, de nombreuses entreprises et commerces peinent à maintenir leur activité, exposant de plus en plus de travailleurs, jeunes ou moins jeunes, notamment dans les zones rurales, à l’inactivité. En témoignent les dernières données publiées par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur la situation du marché du travail au deuxième trimestre de 2025 qui dressent un constat préoccupant, notamment pour le monde rural, qui enregistre à lui seul une perte de 107.000 emplois.  «La question de l’emploi rural n’est pas nouvelle, mais elle s’est aggravée au fil des années sous l’effet des sécheresses répétées», note l’économiste Omar Kettani, professeur à l’Université Mohammed V-Agdal de Rabat, rappelant que la population rurale représente aujourd’hui moins de 40% de la population nationale, un recul dû à l’exode vers les villes. Ce phénomène, souligne-t-il, est en partie lié au modèle de développement adopté par le pays. Pendant longtemps, les politiques publiques se sont concentrées sur l’agriculture, négligeant d’autres secteurs porteurs et innovants. Faute de formation, d’infrastructures adéquates et de diversification économique, les populations rurales sont restées dépendantes des aléas climatiques pour subvenir à leurs besoins.

Dans ce contexte, le HCP constate un repli du taux d’activité, qui a baissé de 0,8 point pour s’établir à 43,4%. Cette évolution s’explique à la fois par la hausse de la population en âge de travailler et par une légère diminution de la population active. Ce recul est particulièrement marqué en milieu rural, où le taux d’activité est passé de 48% à 46,4%, contre une baisse beaucoup plus modérée en zone urbaine. Les femmes sont les plus touchées par cette dynamique, précise le HCP, qui note aussi une diminution du taux d’emploi national, désormais fixé à 37,9%.
 
Le chômage recule, pourtant… 

Malgré un contexte économique difficile, le marché de l’emploi a connu une légère embellie entre le deuxième trimestre de 2024 et celui de 2025, selon le HCP. Le nombre de chômeurs a diminué, une amélioration attribuée en grande partie à une reprise plus marquée dans les zones rurales. En milieu urbain, le recul reste plus modeste, mais contribue tout de même à la tendance nationale à la baisse. Ainsi, le taux de chômage a légèrement reculé, aussi bien en ville qu’à la campagne, s’établissant à 12,8% au niveau national. Toutefois, si la situation des hommes s’est globalement améliorée, celle des femmes s’est nettement détériorée, accentuant les inégalités entre les sexes sur le marché du travail.

L’analyse par tranche d’âge montre également des contrastes, du fait que les jeunes adultes, en particulier ceux âgés de 25 à 34 ans, restent durement touchés par le chômage, tandis que les autres catégories, notamment les personnes de 45 ans et plus, bénéficient d’une amélioration relative de leur situation.

Pour l’économiste Omar Kettani, une baisse durable du chômage nécessite une croissance économique soutenue, de l’ordre de 6 à 7% par an. Or, la structure actuelle des investissements, fortement capitalistique, limite la création d’emplois à grande échelle. Selon lui, il est peu réaliste d’espérer absorber chaque année les 200.000 nouveaux demandeurs d’emploi. Il plaide donc pour une approche plus sociale dans la mise en œuvre des politiques publiques, en veillant à mieux inclure les zones rurales, les jeunes sans emploi ni formation (NEET), ainsi que les diplômés en difficulté d’insertion professionnelle.
 
Fossé abyssal entre les régions

Les données du Haut-Commissariat au Plan viennent appuyer les propos tenus par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans Son discours du Trône, où le Souverain a mis en garde contre les disparités territoriales persistantes, malgré les efforts déployés par l’État. «Il est regrettable de voir que certaines zones, surtout en milieu rural, endurent encore des formes de pauvreté et de précarité, du fait du manque d’infrastructures et d’équipements de base», a souligné le discours Royal. Une telle situation ne correspond en rien à la vision de ce que doit être le Maroc d’aujourd’hui. «Elle ne donne pas non plus la pleine mesure des efforts que Nous déployons pour renforcer le développement social et réaliser la justice spatiale», a averti SM le Roi. Car oui, une grande partie des actifs marocains âgés de 15 ans et plus est concentrée dans cinq grandes régions. Casablanca-Settat arrive toujours et largement en tête, suivie de Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. À elles seules, ces régions regroupent plus de 70% de la population active du pays.

Par ailleurs, quatre régions affichent des taux d’activité supérieurs à la moyenne nationale, qui s’établit à 43,4%. Il s’agit de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (47,9%), des régions du Sud (46,6%), de Casablanca-Settat (45,4%) et de Marrakech-Safi (43,9%). À l’opposé, certaines régions comme Béni Mellal-Khénifra, Drâa-Tafilalet, Souss-Massa et l’Oriental présentent les taux d’activité les plus faibles, autour de 40%. En ce qui concerne le chômage, cinq régions concentrent également l’essentiel des personnes sans emploi, Casablanca-Settat étant la plus touchée, suivie de Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra, l’Oriental et Tanger-Tétouan-Al Hoceima.

Les taux de chômage les plus élevés sont relevés dans les régions du Sud (25,7%) et de l’Oriental (21,1%), bien au-dessus de la moyenne nationale de 12,8%. Deux autres régions dépassent aussi cette moyenne : Fès-Meknès (16,2%) et Casablanca-Settat (14,7%). En revanche, des zones comme Drâa-Tafilalet (6,4%), Marrakech-Safi (7,5%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (8,9%) affichent des niveaux de chômage nettement plus bas. Cet état des lieux explique les instructions Royales en vue d’engager un véritable sursaut en matière de mise à niveau globale des territoires et de réduction des disparités sociales et spatiales. Il appelle ainsi à dépasser les schémas classiques du développement social pour adopter une approche fondée sur le développement territorial intégré (voir encadré).
 
Yassine ELALAMI
 

Trois questions à Mehdi El Fakir : « Il faut professionnaliser l’agriculture pour inverser la perte d’emplois ruraux »

Expert-comptable et analyste économique, Mehdi El Fakir a répondu à nos questions.
Expert-comptable et analyste économique, Mehdi El Fakir a répondu à nos questions.
  • Le recul du chômage est-il réellement un indicateur positif, compte tenu de la hausse du sous-emploi ?
     
D’un point de vue strictement économique, la baisse du taux de chômage constitue un indicateur positif dans la mesure où elle reflète une certaine dynamique du marché du travail. Cela dit, il ne faut pas négliger le contexte : nous sommes en période estivale, une saison traditionnellement marquée par un sursaut conjoncturel d’emplois, notamment dans les secteurs du tourisme, de l’événementiel ou encore de l’agriculture. Cette embellie reste donc temporaire et ne traduit pas une baisse structurelle du chômage. Cela dit, elle permet une insertion, même ponctuelle, de nombreux jeunes, qu’ils soient qualifiés ou non, ce qui demeure en soi un signal encourageant. Il est toutefois essentiel de distinguer entre emplois saisonniers et emplois durables : s’agit-il d’un frémissement conjoncturel ou d’une véritable tendance portée par une croissance économique pérenne ? C’est à ce niveau qu’il faut approfondir l’analyse.
 
  • Comment expliquer la forte baisse du taux d’activité féminine et la montée du chômage chez les femmes ?
     
Il s’agit là d’un indicateur particulièrement préoccupant. Cette dégradation témoigne d’un dysfonctionnement profond dans l’insertion économique des femmes. Parmi les explications possibles, figure en première ligne l’impact prolongé de la sécheresse sur l’activité agricole. Ce secteur, fortement pourvoyeur d’emplois pour les femmes en milieu rural, a connu un déclin sévère au cours des dernières années, affectant directement leurs perspectives d’emploi. Or, nous savons que les femmes sont fortement impliquées dans les chaînes agricoles, que ce soit dans la culture, la cueillette ou la transformation artisanale. Sept années consécutives de stress hydrique ont compromis ces activités, réduisant d’autant les opportunités de travail pour les femmes. À cela s’ajoutent des facteurs sociétaux : en période de crise, ce sont bien souvent les femmes qui subissent en premier lieu les effets des restrictions économiques. On assiste donc à une double peine : celle d’un secteur en crise et celle d’un environnement social peu propice à leur maintien dans l’emploi.
 
  • Quelles mesures pourraient permettre de stopper l’hémorragie d’emplois en milieu rural, notamment dans le secteur agricole ?
     
Il est urgent de repenser le modèle agricole actuel à travers une stratégie de professionnalisation à grande échelle. Il faut sortir d’un modèle dépendant des aléas climatiques, notamment de la pluviométrie, et aller vers une agriculture résiliente, structurée et orientée vers la valeur ajoutée. Cela passe par plusieurs leviers : garantir l’accès à l’eau, former les agriculteurs, encourager la création de coopératives ou d’entreprises agricoles, et considérer ces acteurs comme de véritables agents économiques. L’objectif est de transformer l’agriculture de subsistance en un secteur professionnel, générateur de revenus durables. Une telle stratégie permettrait de sécuriser l’emploi en milieu rural et d’ancrer les populations dans des dynamiques économiques pérennes, au lieu de les laisser dépendantes des cycles climatiques et de la précarité.

Développement territorial : 4 piliers de la nouvelle feuille de route Royale

SM le Roi Mohammed VI a appelé le gouvernement à élaborer une nouvelle génération de programmes de développement territorial fondés sur la valorisation des spécificités locales, la consolidation de la régionalisation avancée et le principe de complémentarité et de solidarité entre les entités territoriales. Ces programmes doivent pouvoir compter sur la mutualisation des efforts de tous les acteurs et sur leur articulation autour de priorités clairement définies et de projets générateurs d’impacts réels, couvrant notamment la promotion de l’emploi à travers la valorisation des potentialités économiques régionales et l’instauration d’un climat favorable à l’entrepreneuriat et à l’investissement local ; le renforcement des services sociaux de base, plus particulièrement l’éducation et l’enseignement, ainsi que les soins de santé, de manière à préserver la dignité des citoyens et à instaurer la justice spatiale ; l’adoption d’un modèle de gestion proactive et durable des ressources en eau, au regard de l’aggravation du stress hydrique et du changement climatique ; enfin, le lancement des projets de mise à niveau territoriale intégrée, en totale résonance avec les mégaprojets en chantier à l’échelle du pays.

Sous-emploi : La courbe haussière se maintient

Le volume des actifs occupés en situation de sous-emploi s’est accru entre le deuxième trimestre de 2024 et celui de 2025 de 1.042.000 à 1.147.000 personnes au niveau national, de 552.000 à 635.000 personnes en milieu urbain et de 490.000 à 512.000 en milieu rural. 

Ainsi, le taux de sous-emploi est passé de 9,6% à 10,6% au niveau national, de 8,3% à 9,4% en milieu urbain et de 11,6% à 12,4% en milieu rural.

S’agissant du volume de la population active occupée en situation de sous-emploi en termes de nombre d’heures travaillées, il est passé de 583.000 à 602.000 personnes au niveau national. Le taux correspondant est passé de 5,4% à 5,5%. 

La population active occupée en situation de sous-emploi en termes d’insuffisance du revenu ou d’inadéquation entre formation et emploi exercé est passée de 459.000 à 545.000 personnes au niveau national. Le taux correspondant s’est accru de 4,2% à 5%.







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