
Le travail fait-il le malheur de l’Homme ? La fin du travail rendrait-elle plus heureux ? C’est, en tout cas, ce que semble révéler la vague de désamour qui gagne de plus en plus de travailleurs pour leur milieu professionnel au Maroc mais aussi ailleurs. Leur souffrance demeure manifeste au point d’atteindre les réseaux sociaux où elle est abordée dans un ton ironique ou désabusé, alimentant l’humour autour du travail. Pour beaucoup de travailleurs, le job est devenu une charge quotidienne et une contrainte à laquelle il est presque impossible de s’échapper, particulièrement face à la cherté de la vie. Nombreux sont également ceux qui identifient le travail comme principale source de stress de la vie de tous les jours, notamment si l’on prend en compte les coulisses du travail, particulièrement, le chemin parcouru par chacun pour arriver à son bureau.
« Ma vie s’est effacée depuis que j’ai rejoint une nouvelle entreprise, dans l’espoir de relever de nouveaux challenges. Le seul défi que je suis réellement amené à relever, aujourd’hui, c’est de travailler de 8h à 18h, voire au-delà, sans réussir à trouver du temps pour moi ni pour ma petite famille », nous confie Marouane.
Outre la charge de travail, le jeune homme souligne le parcours du combattant que représente son trajet quotidien. « Entre les transports journaliers et les heures supplémentaires, parfois imposées implicitement pour rattraper le travail accumulé, mon nouveau poste me coûte ma vie sans pour autant avoir d’autre choix à part le chômage », ajoute-il.
« Ma vie s’est effacée depuis que j’ai rejoint une nouvelle entreprise, dans l’espoir de relever de nouveaux challenges. Le seul défi que je suis réellement amené à relever, aujourd’hui, c’est de travailler de 8h à 18h, voire au-delà, sans réussir à trouver du temps pour moi ni pour ma petite famille », nous confie Marouane.
Outre la charge de travail, le jeune homme souligne le parcours du combattant que représente son trajet quotidien. « Entre les transports journaliers et les heures supplémentaires, parfois imposées implicitement pour rattraper le travail accumulé, mon nouveau poste me coûte ma vie sans pour autant avoir d’autre choix à part le chômage », ajoute-il.
Tendance passagère ou symptôme profond ?
Pour de nombreux travailleurs comme Marouane, l’épanouissement au travail relève davantage du mythe, car, disent-ils, « on ne peut pas être heureux au travail et s’épanouir pleinement quand il ne reste plus de place pour notre vie personnelle, particulièrement, en été». Or, c’est justement durant cette période estivale que la souffrance des salariés tend à s’intensifier. Alors que beaucoup de gens aspirent à ralentir le rythme pour profiter de l’été, les entreprises, elles, cherchent à maintenir une cadence soutenue, ce qui est perçu comme une charge par le collaborateur, fait observer Philippe Montant, directeur général de la plateforme ReKrute.
En plus de ce facteur passager, l’expert explique cette tendance au désamour du travail par une transformation profonde du rapport que nous entretenons, désormais, avec notre activité professionnelle. « Le travail n’est plus perçu comme un moyen pour se réaliser au vu de l’intérêt grandissant que la nouvelle génération de collaborateur accorde à la vie personnelle », indique notre interlocuteur.
Et d’ajouter: «Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui exercent un métier qu’ils n’ont pas vraiment choisi, uniquement pour gagner de l’argent dans un monde capitaliste. Cela alimente le mécontentement des salariés face à deux réalités distinctes: celle de ne pas aimer son métier, et celle de devoir l’exercer malgré tout pour subvenir à ses besoins, parfois au détriment de leur santé mentale », illustre le DG de ReKrute. En outre, l’expert soulève une prise de conscience concernant les évolutions des conditions de travail à l’échelle internationale, notamment la réduction du temps de travail à 7 heures par jour au lieu de 9 heures, qui sont vues comme un gain pour l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Quand une vague de mécontentement sert de moteur de changement
Ainsi, cette vague de mécontentement des travailleurs n’est, selon lui, qu’un moyen de faire entendre leur voix et de revendiquer des ajustements sociaux, notamment dans un contexte animé par le débat autour de la réforme du Code du travail. C’est là, d’ailleurs, que l’expert souligne que le télétravail entre en jeu, cette nouvelle approche qui s’impose comme une alternative pour réduire le fardeau sur les salariés. « Malgré que les Marocains apprécient la chaleur sociale au travail, ils affichent un intérêt particulier pour le travail à distance même partiel. C’est une approche très bénéfique pour les salariés dans la mesure où elle leur permet d’épargner des heures pour faire leur trajet quotidien vers leur entreprise et de retrouver leur vie tout en travaillant », explique Montant, expliquant la capacité de la nouvelle génération à introduire des changements majeurs liés au travail. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises, à travers le monde, ont adopté la semaine de quatre jours, comme en Islande, où les salariés travaillent trois heures de moins par semaine sans réduction de salaire. Cependant, cette approche reste difficile à mettre en place au Maroc, en raison des impératifs de rentabilité des entreprises, selon Montant. Pour lui, la pression sociale devrait conduire à une réduction du temps de travail, passant de six à cinq jours par semaine dans de nombreux secteurs, ainsi qu’à une diminution des journées de travail à sept ou sept heures et demie. « Si le pays parvient à concrétiser cette vision, ce serait une avancée sociale majeure, améliorant significativement le bien-être des salariés », insiste-t-il. En attendant que cette vision se concrétise, Dr Abdelhak Azdad, psychologue senior, insiste sur l’importance de combiner des pratiques à la fois individuelles et organisationnelles. Le mal-être au travail est, selon lui, une dynamique complexe, qui ne peut être attribuée uniquement à la responsabilité individuelle ou à celle de l’environnement. Ainsi, si les collaborateurs sont encouragés à adopter des pratiques de pleine conscience pour mieux gérer le stress et les émotions, l’environnement de travail, lui, doit favoriser la flexibilité. Il s’agit, notamment, de permettre aux salariés de mieux organiser leur emploi du temps et de concilier plus facilement vie professionnelle et vie personnelle.
Mina ELKHODARI