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Dialogue interreligieux : Toumliline, la Mecque marocaine de la tolérance


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 8 Juin 2022

La 5ème édition des « Rencontres Internationales de Toumliline » a marqué une nouvelle étape vers le renouveau du fameux « esprit de Toumliline ». Récit d’une expérience humaine inédite.



Dialogue interreligieux : Toumliline, la Mecque marocaine de la tolérance
Certains endroits sont habités par un « esprit » que l’Histoire leur a insufflé. L’un de ces endroits est niché à quelques kilomètres de la ville d’Azrou, au raz d’une colline boisée du Moyen Atlas. Làhaut, se trouvent encore les vestiges d’un monastère bénédictin qui a vu le jour en 1952, et qui durant la sombre période coloniale a rayonné par ses vibrations d’harmonie, de vivre-ensemble et de partage. Ce site est aujourd’hui le symbole d’un idéal à rétablir, et le lieu de constructions à réhabiliter. Toumliline est de nos jours, également, l’épithète d’un événement culturel qui célèbre cette année sa cinquième édition. Du 31 mai au 1er juin 2022, se sont ainsi déroulées les « Rencontres Internationales de Toumliline » qui ont pour principale vocation de « préserver et transmettre la mémoire pour ancrer l’Altérité ». La consécration du pluralisme et du dialogue interreligieux a fait du Maroc un modèle en matière de consolidation des valeurs de tolérance et du vivre-ensemble, ont convenu les participants à l’évènement.

Les moines de Toumliline

Pour comprendre ce que représente « l’esprit de Toumliline », il est nécessaire de connaître l’Histoire et les personnages du lieu. Pour résumer, Toumliline (« les pierres blanches » en Amazighe) a hébergé des moines qui ont tissé des liens profonds avec les populations locales et qui ont par la suite été autorisés à rester sur le territoire marocain après l’indépendance.

Entre 1952 et 1955, « les mouvements de jeunesse catholique au Maroc, les mouvements de scoutisme, ainsi que des familles catholiques pratiquantes fréquentaient le Monastère lors de célébrations religieuses. Par ce biais, les moines établirent des liens forts avec le groupe des « Français Libéraux », des chrétiens pratiquants dits « Libéraux », catholiques ou protestants, et favorables à l’indépendance du Maroc », souligne une synthèse historique de la Fondation Mémoire pour l’Avenir qui oeuvre pour la réhabilitation de Toumliline. « Ces « Français Libéraux » mirent les moines en relation avec le Mouvement National Marocain », poursuit la même source.

Confiance et partage

Le Fqih Mohammed Ben Larbi Alaoui, Président de l’Université Al Qarawiyine, « initia le RP Denis Martin, Prieur du Monastère, à l’Islam et ils nouèrent une solide amitié ». Le Fqih autorisa les habitants d’Azrou et de ses alentours à se faire soigner au dispensaire ouvert par les moines et à travailler dans les fermes construites en contrebas du monastère. Il permit également aux jeunes internes de venir séjourner au Monastère et d’être rejoints par les jeunes collégiens et lycéens d’Azrou le weekend et les jours de fête, pour accéder notamment à la bibliothèque.

C’est ainsi que Toumliline est devenu un lieu de formation, de rencontre et d’échange. Une vocation qui s’est d’autant plus confirmée en 1955, quand le Monastère devint le chef-lieu du dialogue intellectuel et interreligieux, impliquant notamment les membres des organismes de jeunesse et des organisations liées au Parti de l’Istiqlal qui avaient pour habitude de séjourner durant l’été dans la région. Une situation qui était par ailleurs assez mal perçue de la part des colonisateurs qui s’inquiétaient de voir s’installer pareilles affinités.

Rencontres internationales

Durant les années qui suivirent, l’expérience de dialogue interreligieux menée durant l’été 1955 s’est progressivement transformée en prenant une dimension internationale.

« Les organisateurs faisaient appel à la philosophie, aux sciences humaines, comme la sociologie, l’anthropologie, l’Histoire, le droit et l’économie, ou encore les sciences politiques, pour traiter des questions contemporaines à l’échelon du Maroc. Les organisateurs invitaient des intervenants d’organisations internationales, d’universités, du monde politique, syndical ou de la société civile, marocains, maghrébins, arabes, africains, européens, asiatiques ou nord-américains. Ils conviaient enfin des étudiants appartenant à des nationalités très diverses », précise la Fondation Mémoires pour l’Avenir.

Jusqu’en 1966, les rencontres de Toumliline ont pu se dérouler dans un contexte national pourtant assez complexe. La fin de l’expérience a été marquée en 1967 et le Monastère ferma ses portes définitivement en 1968. L’esprit de Toumliline ne s’est cependant jamais éteint, puisque nous le voyons de nos jours revivre, se consolider et prospérer.



Oussama ABAOUSS

Repères

Une convention pour Toumliline
Une convention de partenariat visant la réhabilitation et la valorisation du site de l’ancien monastère de Toumliline, situé dans le périmètre du Parc National d’Ifrane, a été signée en mars 2022, par le Département des Eaux et Forêts et la Fondation Mémoires pour l’Avenir (FMA). Cette convention vise à mettre en place une démarche pilote, commune et inclusive tournée vers la préservation de l’environnement et le développement d’un tourisme culturel qui valorise le patrimoine historique exceptionnel du site.
Les activités prévues à Toumliline
Porteuse du projet « Réinventer Toumliline », la Fondation Mémoires pour l’Avenir prévoit plusieurs activités et projets au niveau du site. C’est le cas notamment pour le projet « Chantiers Patrimoine » qui vise « une restauration du lieu par les jeunes de la région pour s’approprier leur patrimoine ». Ce projet mettra en place des formations diplômantes dédiées aux jeunes qui seront ainsi qualifiés aux métiers de la restauration et de rénovation des bâtiments anciens et de monuments historiques.

L'info...Graphie

Dialogue interreligieux : Toumliline, la Mecque marocaine de la tolérance

Discours Royal


« Le Maroc a été un pays précurseur en matière de dialogue interreligieux »
 
Intervenant durant la séance d’ouverture de la cinquième édition des Rencontres Internationales de Toumliline qui s’est déroulée du 31 mai au 1er juin 2022, Mme Aïcha Haddou, Directrice du centre « Ta’aruf Interfaith & Peacebuilding Research and Training Center » relevant de la Rabita, a rappelé le message adressé par SM le Roi Mohammed VI aux participants au Congrès sur « Les droits des minorités religieuses en terre d’Islam : Le cadre juridique et l’appel à l’action », organisé en 2016 à Marrakech et dans lequel le Souverain avait souligné que « le Maroc a été un pays précurseur en matière de dialogue interreligieux.

En effet, au lendemain de l’indépendance obtenue en 1956, il se tenait, chaque été au monastère de Toumliline - situé sur une montagne de la région de Fès et occupé anciennement par des moines bénédictins - un rassemblement d’intellectuels et de penseurs, notamment musulmans et chrétiens, auquel prenaient part des personnalités d’envergure comme le célèbre penseur chrétien Louis Massignon ».
 

Toumliline 2022


La continuité d’un dialogue entre Chrétiens et Musulmans
 
Les intervenants à la cinquième édition des Rencontres Internationales de Toumliline ont insisté sur la nécessité de « préserver la mémoire pour promouvoir le vivre-ensemble et l’ouverture sur l’Autre ».

Cette rencontre, organisée par la Rabita Mohammedia des Oulémas via son Centre Ta’aruf et la Fondation Mémoires pour l’Avenir, en partenariat avec l’Institut Catholique de Toulouse et la Fondation Futur 21, « se situe volontairement dans le sillage d’un dialogue ancien et profond établi entre la religion musulmane et la religion chrétienne, rythmé par des rencontres régulières entre les Chefs religieux, Amir el Mouminine et Sa Sainteté le Pape », souligne un communiqué des organisateurs.

« Cette réflexion sur le long terme s’appuie sur une reconnexion volontaire avec un passé commun interreligieux, les « Rencontres Internationales qui se sont tenues dans le Monastère bénédictin de Toumliline, de 1956 à 1966, lieux de débats oecuméniques et interreligieux, qui constituèrent les premiers espaces de débat, de dialogue et de formation citoyenne dans une Afrique en voie de décolonisation », poursuit la même source, ajoutant que « ces moments de dialogue étaient dans une altérité assumée, rassemblant des gens de différentes opinions et croyances, conscients de leurs différences et volontaires pour en débattre. C’est pour exprimer une continuité volontaire avec cet esprit d’hospitalité à l’Altérité que la Rabita Mohammedia des Oulémas via son Centre Ta’aruf et la Fondation Mémoires pour l’Avenir ont souhaité que cette rencontre se tienne en partie sur  le site de l’ancien monastère ».
 

3 questions à Jamaâ Baida


« L’exposition inédite sur Toumliline a connu un grand succès »
 
Historien, auteur de l’ouvrage « Il était une fois Toumliline » et directeur des Archives du Maroc, M. Jamaâ Baida répond à nos questions sur l’exposition dédiée aux moines de Toumliline.

- Comment vous est venue l’idée d’organiser une exposition puis d’écrire un livre sur Toumliline ?

- L’idée m’est venue lors de la préparation, en collaboration avec un historien et homme d’église qui s’appelle Vincent Féroldi, d’un ouvrage qui s’intitule « Présence chrétienne au Maroc, 19ème et 20ème siècles ». Lors du dépouillement des archives utilisées pour ce travail, mon attention a été attirée sur cette expérience unique (dans le monde arabo-musulman) du Monastère de Toumliline. Bien plus tard, lorsque je suis devenu directeur des Archives du Maroc et que j’ai eu accès à d’autres documents, j’ai pensé à monter une exposition sur Toumliline, surtout que celle-ci pouvait véhiculer des messages de tolérance et de vivre-ensemble.

- Les éléments exposés provenaient entièrement des Archives du Maroc ?

- Une partie provenait effectivement des Archives du Maroc, mais l’autre partie était issue de bases d’archives photographiques que j’avais pu collecter auprès de partenaires français, aux archives diplomatiques de Nantes notamment, ou encore dans un monastère à En-Calcat près de Toulouse. L’exposition inédite a connu un grand succès, puisqu’elle a d’abord été récupérée par l’Institut Français qui l’a faite pérégriner dans plusieurs régions du Maroc. Nous avons ensuite pu la délocaliser dans d’autres régions du royaume.

- L’exposition est-elle encore disponible aujourd’hui pour les personnes qui veulent la voir ?

- Après le succès qu’a connu l’exposition, qui était par ailleurs sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, je me suis dit qu’il fallait en pérenniser les éléments constituants en préparant un livre. C’est ainsi que j’ai écrit et publié en 2019 le livre « Il était une fois Toumliline » et qui a par la suite été traduit en anglais en 2021.

Édité chez «Croisée des Chemins», l’ouvrage est actuellement disponible dans les librairies. Cela dit, une partie du matériau archivistique que nous avions exploité dans cette exposition est utilisée actuellement par l’Ambassade du Maroc à Dublin, en Irlande, pour faire une exposition intitulée « Christianisme au Maroc : vivre-ensemble ».


Recueillis par O. A.

 








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