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Régions

Des vents favorables pour la Blockchain à Dakhla


Rédigé par La rédaction le Jeudi 6 Février 2020

La région de Dakhla est connue pour être l’un des épicentres mondiaux du kitesurf. Depuis 10 ans, elle accueille chaque année l’une des étapes du championnat mondial de ce sport, rendez-vous incontournable des championnes et des champions internationaux. Bientôt, le vent de la région pourrait animer bien plus que les figures acrobatiques des surfeurs



Par Younes Haffane Consultant en Stratégie et en Transformation Digitale

Des vents favorables pour la Blockchain à Dakhla
En effet, Soluna, une startup américaine, vient d’annoncer la création d’un data center dédié à la monnaie numérique à Dakhla, fonctionnant à l’énergie éolienne. Cette startup se donne pour mission d’alimenter la technologie de la Blockchain, utilisée comme infrastructure pour les monnaies digitales telles que le Bitcoin ou l’Etherium, en énergie propre et renouvelable. Une annonce accueillie à bras ouverts par les spécialistes des monnaies cryptographiques et par les partisans d’une économie plus verte.
La future ferme éolienne sera dotée d’une capacité de 900 MW (en comparaison, le complexe de Noor Ouarzazate a une capacité de 582 MW), dans un horizon de 5 ans, pour un investissement global estimé aux environs de $2 milliards.

La phase initiale prévoit l’installation d’une capacité de 36 MW pour un investissement de $100 millions, sécurisé par Soluna et le fonds d’investissement Brookstone Partners. La startup devra ensuite mobiliser les fonds nécessaires auprès d’investisseurs institutionnels pour compléter la réalisation des autres tranches du projet.

Il faut croire que le créneau est plutôt bien choisi : la consommation en électricité pour le bitcoin, au niveau mondial, est estimée à 74 TWh annuellement (équivalent à la consommation du Venezuela), et l’empreinte carbone est estimée à 35 Mt de CO2 par an (l’équivalent de l’empreinte du Denmark). Pour le moment, la majorité des centres de calcul sont hébergés dans les zones froides de la planète, comme l’Islande, le Canada, les pays nordiques ou la Russie, là où le coût de refroidissement des serveurs est plus bas. Pour comprendre l’enjeu de ce type d’installations, il convient de rappeler brièvement comment la Blockchain fonctionne et pourquoi elle est considérée comme une technologie très énergivore.

A la base, la Blockchain est une modélisation du principe de la confiance. Elle permet aux membres d’une communauté de lister des informations (données, transactions, événements, interactions …) dans une sorte de journal, sans avoir recours à des organes de contrôle ou à des tiers de confiance. Tous les membres ont une copie de ce journal et peuvent parcourir à tout moment l’ensemble des informations depuis sa création. Ces informations sont stockées sous forme de blocs organisés en chaîne du plus ancien au plus récent. Chaque bloc contient en plus un « code d’intégrité » calculé à partir des blocs précédents de sorte à empêcher toute manipulation frauduleuse (un changement malicieux d’une information au sein de l’un des blocs serait automatiquement détecté au niveau des blocs suivants car les codes d’intégrité seraient désynchronisés).

Certains membres de ce réseau sont responsables de l’ajout d’un nouveau bloc à la chaine (les mineurs). Dans le cas du bitcoin, les mineurs rentrent en compétition pour valider l’information contenue dans le nouveau bloc, par exemple pour vérifier qu’un compte contient assez de fonds pour une opération de débit. Ensuite, ils doivent trouver la clé (une suite de 0 et de 1) d’une énigme mathématique qui ne peut être résolue qu’en essayant plusieurs clés à l’aveugle, jusqu’à trouver la bonne (force brute). Le premier mineur à trouver la solution publie la clé au sein du réseau et le nouveau bloc est rajouté à la chaine. Il est rémunéré pour son travail en bitcoins (12.5 BTC ou l’équivalent de $116,000 en ce moment).

C’est justement l’utilisation simultanée de la force brute par plusieurs mineurs qui fait de la Blockchain, et du Bitcoin en particulier, l’une des technologies les plus énergivores de nos jours.

Dans ce contexte, le nouveau projet éolien de Dakhla est donc une bonne nouvelle pour la communauté Blockchain. Sur papier, le projet est aussi aligné avec la stratégie nationale des énergies renouvelables qui vise, d’une part, à atteindre 52% de capacité installée provenant de sources renouvelables à horizon de 2030 et, d’autre part, à encourager la réalisation de projets renouvelables par le privé (Loi 13-09). S’il n’est pas encore clair si la vente d’électricité au réseau national fait partie du business model de la ferme éolienne, il faudrait prévoir une solution fiable au problème d’intermittence (le vent ne souffle pas en continu) à base de batteries, d’infrastructures de stockage, par approvisionnement direct depuis le réseau, ou autre.

Sur une note plus importante, il est primordial de s’assurer qu’un projet d’une telle envergure puisse profiter à la région au moins sur trois niveaux :
 
  1. Sur le plan du capital humain, le projet devra bénéficier aux ressources humaines locales en termes de savoir et de savoir-faire dans la réalisation de projets éoliens, dans les solutions de stockage et dans les nouvelles technologies. Cela passera par des formations sponsorisées par les sociétés de projet et par le transfert de connaissance durant les différentes tranches du projet ;
  2. Sur le plan de l’intégration industrielle, le projet devra mobiliser le tissu des PME industrielles et numériques locales durant toutes les phases du projet (construction, maintenance, facility management, gestion des infrastructures numériques …). Les appels d’offres devraient donc être conçus pour réserver une partie des prestations aux petites entreprises locales ;
  3. Sur le plan du développement local, le projet devra contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations locales à travers la création d’emplois, mais aussi de nouvelles infrastructures (routes, écoles, installations électriques …) dans le voisinage immédiat du projet.

Il n’y a que l’alignement du sens économique, de la technologie et du développement humain qui pourrait faire de ce projet un succès durable et un modèle à dupliquer au Maroc et en Afrique. Ces trois dimensions doivent déjà prévaloir lors du premier projet de 36 MW, pour mobiliser et embarquer les acteurs publics et privés sur le long terme. Comme pour les startups, si le projet fait ses preuves sur une petite échelle et montre sa viabilité économique, il sera ensuite plus facile de lever les fonds nécessaires pour passer à l’échelle supérieure.

Le succès sera-t-il au rendez-vous ? Le vent nous soufflera la réponse bientôt. Affaire à suivre !







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