Le roman policier et d’espionnage n’a jamais eu les faveurs des auteurs maghrébins. Si dans le roman policier, Driss Chraïbi est une sorte de précurseur avec «Un ami viendra vous voir », publié en 1967, il faudra attendre plusieurs années avant de le voir renouer avec le genre, mais de façon décalée… et prêtant à rire, avec sa série policière (et d’espionnage !) de l’Inspecteur Ali. Le ton est donné avec « Une enquête au pays » dès 1981, avec ces deux policiers qui mènent l’enquête « dans un petit village oublié au cœur du Haut-Atlas marocain », marqué déjà par un anachronisme car, en milieu rural, les enquêtes sont confiées à la gendarmerie et non à la police qui opère en milieu urbain.
« L’Inspecteur Ali » du même auteur qui sera publié 10 ans plus tard se confond allègrement avec Driss Chraïbi qui est loin d’endosser l’uniforme du policier, comme le montre ce résumé de l’éditeur « Le narrateur, Brahim, écrivain de son état, grand amoureux de sa jeune femme écossaise, revient dans son Maroc natal après bien des années passées en France. Brahim est devenu mondialement célèbre avec le personnage de l’inspecteur Ali, hâbleur et provocateur, aussi expert en résolution d’énigmes policières qu’en analyses pertinentes et inattendues au sujet de l’Islam. Mais pour le moment, Brahim prépare à El Jadida, au milieu des siens et de ses amis, la première visite de ses beaux-parents britanniques ».
« L’Inspecteur Ali à Trinity College » mène l’enquête sur la mort de la princesse Yasmina, sur la demande de Scotland Yard… mais Scotland Yard peut-il s’adresser directement à un policier étranger et l’inviter à mener l’enquête ? Cela reste, bien entendu à faire vérifier par… l’Inspecteur Ali, pour rester dans ce qui semble relever de l’invraisemblable ! Cet anachronisme se retrouve également dans « L’Inspecteur Ali et la CIA» qui est « convoqué par l’ambassade américaine de Casablanca » (tient l’ambassade Us n’est donc plus à Rabat?), comme si un policier, aussi efficace soit il, pouvait se mettre au service d’une puissance étrangère sans passer par la hiérarchie. Dans « L’homme qui venait du passé », l’Inspecteur Ali est « convoqué par une huile du gouvernement marocain » et non par ses supérieurs hiérarchiques pour lui confier la mission de découvrir l’identité d’un mort dans un riad à Marrakech…
Driss Chraïbi est loin d’être Miloudi Hamdouchi (auteur notamment de Nice Dream, Le chacal, Les griffes de la mort) qui savait ce qu’une enquête policière veut dire. Mais, bien entendu, il n’est pas exigé de l’auteur de romans policiers d’avoir été policier dans une autre vie.
Du côté du roman d’espionnage parsemé d’invraisemblances, Amine Jamaï est à égalité avec Driss Chraïbi, sinon fait mieux, avec l’humour en moins. Publié à compte d’auteur, la trilogie annonce, certes, la naissance d’un auteur du roman d’espionnage, mais malheureusement Amine Jamaï est loin de satisfaire aux exigences du genre dont la vraisemblance fait la force.
Malgré des approximations sur les missions des services (Steven tient plus de l’agent dormant que du retraité de la CIA, l’implication du commissaire Karim des renseignements généraux dans une enquête qui relève à proprement parler de la DST et de la DGED, ne semble pas aller de soi, en Angleterre la collaboration ne se fait pas avec le MI6 et le MI5 (équivalent de la DGED et de la DST, de la CIA et du FBI) mais avec Scotland Yard alors que les Russes, les Israëliens, les Français sont correctement représentés par le KGB, le Mossad et la Dgse, comme l’usage d’une carte de crédit du «Fonds des Nations Unies» fait désordre, sans parler, enfin, du général Khalil lui-même, des forces spéciales et non d’un quelconque service secret des armées - en somme un baroudeur comme a pu l’être Rambo - le grade en moins ! - et non James Bond, une sorte de Ras’tank - surnom du caporal-chef Hmida, personnage du roman et homme à tout faire du général - lâché dans la nature), le récit est cohérent et maîtrisé. « Le Général marocain, Arabmageddon », second titre après « Le général marocain, La conspiration des ombres », ne relève plus de l’accident du genre littéraire mais d’une démarche construite, consciente et assumée qui se vérifie encore dans «Conspiration à Alger ».
La fiction se nourrit de réalité
Et comment oublier la Uno qui se métamorphose en 4L quelques pages plus loin. Une lecture de révision du manuscrit par l’éditeur aurait empêché la métamorphose de la Uno en 4L.
Un travail de documentation sur les services secrets en général (en sources ouvertes, bien entendu !) aurait limité sinon empêché les approximations sur les missions de terrain. L’élimination (par Ras Tank - l’orthographe a changé d’une aventure à l’autre du Général !) de la « petite chinoise aux dents jaunes » alors que Khalil piquait un somme en « classe Business » dont il était voisin de siège, sans autre forme de procès que ce lapidaire « Kefta » de Ras Tank pour signifier qu’il l’avait éliminée ne tient pas… l’air !
La sécurité à bord des avions, l’espace réduit de la Business Class, par exemple, doivent rendre les choses un peu plus compliquées pour permettre - même à Ras Tank - de faire disparaître une personne formée pour tuer (on la voit à l’œuvre dans le roman !) avec autant de facilité et de désinvolture. A moins que ce ne soit par un tour de magie…
Diverses remarques peuvent encore être faites, comme une réunion du Conseil de Sécurité à Genève alors même que sa dernière réunion hors de New York remonterait à 2004, une façon de dire que ce n’est pas dans la tradition (à moins de justifier cette réunion) et une sorte d’écart par rapport à la réalité. Plus précisément, en 1946-47, deux réunions se sont déroulées en Europe, à Londres et à Paris, avant la construction du siège de l’ONU à New York. Deux autres réunions du Conseil de sécurité hors du siège des Nations Unies ont eu lieu, l’une à Addis Abeba en 1972, l’autre à Panama en 1973 et la dernière remonterait à 2004 à Nairobi, au Kenya. Ces différentes séances ont été organisées loin de New York à la demande des Etats Unis. En convoquer une réunion à Genève, par le Général Khalil en mission pour l’ONU, certes, paraît peu crédible… Ceci dit dans la fiction « fiction » rien n’est impossible !
« L’Inspecteur Ali » du même auteur qui sera publié 10 ans plus tard se confond allègrement avec Driss Chraïbi qui est loin d’endosser l’uniforme du policier, comme le montre ce résumé de l’éditeur « Le narrateur, Brahim, écrivain de son état, grand amoureux de sa jeune femme écossaise, revient dans son Maroc natal après bien des années passées en France. Brahim est devenu mondialement célèbre avec le personnage de l’inspecteur Ali, hâbleur et provocateur, aussi expert en résolution d’énigmes policières qu’en analyses pertinentes et inattendues au sujet de l’Islam. Mais pour le moment, Brahim prépare à El Jadida, au milieu des siens et de ses amis, la première visite de ses beaux-parents britanniques ».
« L’Inspecteur Ali à Trinity College » mène l’enquête sur la mort de la princesse Yasmina, sur la demande de Scotland Yard… mais Scotland Yard peut-il s’adresser directement à un policier étranger et l’inviter à mener l’enquête ? Cela reste, bien entendu à faire vérifier par… l’Inspecteur Ali, pour rester dans ce qui semble relever de l’invraisemblable ! Cet anachronisme se retrouve également dans « L’Inspecteur Ali et la CIA» qui est « convoqué par l’ambassade américaine de Casablanca » (tient l’ambassade Us n’est donc plus à Rabat?), comme si un policier, aussi efficace soit il, pouvait se mettre au service d’une puissance étrangère sans passer par la hiérarchie. Dans « L’homme qui venait du passé », l’Inspecteur Ali est « convoqué par une huile du gouvernement marocain » et non par ses supérieurs hiérarchiques pour lui confier la mission de découvrir l’identité d’un mort dans un riad à Marrakech…
Driss Chraïbi est loin d’être Miloudi Hamdouchi (auteur notamment de Nice Dream, Le chacal, Les griffes de la mort) qui savait ce qu’une enquête policière veut dire. Mais, bien entendu, il n’est pas exigé de l’auteur de romans policiers d’avoir été policier dans une autre vie.
Du côté du roman d’espionnage parsemé d’invraisemblances, Amine Jamaï est à égalité avec Driss Chraïbi, sinon fait mieux, avec l’humour en moins. Publié à compte d’auteur, la trilogie annonce, certes, la naissance d’un auteur du roman d’espionnage, mais malheureusement Amine Jamaï est loin de satisfaire aux exigences du genre dont la vraisemblance fait la force.
Malgré des approximations sur les missions des services (Steven tient plus de l’agent dormant que du retraité de la CIA, l’implication du commissaire Karim des renseignements généraux dans une enquête qui relève à proprement parler de la DST et de la DGED, ne semble pas aller de soi, en Angleterre la collaboration ne se fait pas avec le MI6 et le MI5 (équivalent de la DGED et de la DST, de la CIA et du FBI) mais avec Scotland Yard alors que les Russes, les Israëliens, les Français sont correctement représentés par le KGB, le Mossad et la Dgse, comme l’usage d’une carte de crédit du «Fonds des Nations Unies» fait désordre, sans parler, enfin, du général Khalil lui-même, des forces spéciales et non d’un quelconque service secret des armées - en somme un baroudeur comme a pu l’être Rambo - le grade en moins ! - et non James Bond, une sorte de Ras’tank - surnom du caporal-chef Hmida, personnage du roman et homme à tout faire du général - lâché dans la nature), le récit est cohérent et maîtrisé. « Le Général marocain, Arabmageddon », second titre après « Le général marocain, La conspiration des ombres », ne relève plus de l’accident du genre littéraire mais d’une démarche construite, consciente et assumée qui se vérifie encore dans «Conspiration à Alger ».
La fiction se nourrit de réalité
Et comment oublier la Uno qui se métamorphose en 4L quelques pages plus loin. Une lecture de révision du manuscrit par l’éditeur aurait empêché la métamorphose de la Uno en 4L.
Un travail de documentation sur les services secrets en général (en sources ouvertes, bien entendu !) aurait limité sinon empêché les approximations sur les missions de terrain. L’élimination (par Ras Tank - l’orthographe a changé d’une aventure à l’autre du Général !) de la « petite chinoise aux dents jaunes » alors que Khalil piquait un somme en « classe Business » dont il était voisin de siège, sans autre forme de procès que ce lapidaire « Kefta » de Ras Tank pour signifier qu’il l’avait éliminée ne tient pas… l’air !
La sécurité à bord des avions, l’espace réduit de la Business Class, par exemple, doivent rendre les choses un peu plus compliquées pour permettre - même à Ras Tank - de faire disparaître une personne formée pour tuer (on la voit à l’œuvre dans le roman !) avec autant de facilité et de désinvolture. A moins que ce ne soit par un tour de magie…
Diverses remarques peuvent encore être faites, comme une réunion du Conseil de Sécurité à Genève alors même que sa dernière réunion hors de New York remonterait à 2004, une façon de dire que ce n’est pas dans la tradition (à moins de justifier cette réunion) et une sorte d’écart par rapport à la réalité. Plus précisément, en 1946-47, deux réunions se sont déroulées en Europe, à Londres et à Paris, avant la construction du siège de l’ONU à New York. Deux autres réunions du Conseil de sécurité hors du siège des Nations Unies ont eu lieu, l’une à Addis Abeba en 1972, l’autre à Panama en 1973 et la dernière remonterait à 2004 à Nairobi, au Kenya. Ces différentes séances ont été organisées loin de New York à la demande des Etats Unis. En convoquer une réunion à Genève, par le Général Khalil en mission pour l’ONU, certes, paraît peu crédible… Ceci dit dans la fiction « fiction » rien n’est impossible !
Abdallah BENSMAÏN