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Daoud Salmouni Zerhouni : « La loi sur la propriété intellectuelle est perfectible »


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 8 Octobre 2020

Au royaume, nombreuses sont les problématiques liées au droit de propriété intellectuelle. Un droit en pleine évolution qui n’a pas encore livré tout son potentiel



Daoud Salmouni Zerhouni
Daoud Salmouni Zerhouni
- A quel point la propriété intellectuelle a-t-elle été impactée par le confinement ?  
- Le confinement et l’impossibilité de se déplacer à l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC) ont ainsi été « l’épreuve du feu » des services en ligne de l’OMPIC. L’Office l’a passée avec brio. Les cabinets ont réussi à travailler presque normalement grâce au service en ligne de l’OMPIC. Ils ont su proposer efficacement des palliatifs à l’absence de certains services disponibles en ligne, notamment pour les procédures d’opposition, ou à certains bugs informatiques qui étaient inévitables, compte tenu de ces circonstances exceptionnelles. Nous avons d’ailleurs été très enviés par certains cabinets de pays voisins qui n’avaient pas les mêmes outils de travail.

- Donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de la propriété intellectuelle ?
- Le Maroc a assurément atteint un certain niveau dans le domaine de la propriété industrielle. Ce qui est aujourd’hui reconnu. A cet égard, nous devons beaucoup à l’énergie déployée par l’OMPIC. Lors de l’Assemblée Générale de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), tenue à Genève du 21 au 25 septembre 2020, la présidence a été dévolue au Maroc et assurée par M. Larbi Benrazzouk. Dans l’histoire de l’OMPI, c’est la deuxième fois seulement que l’Assemblée Générale est présidée par un pays africain et la toute première fois par un pays arabe. Donc, oui, le Maroc est très bien loti comparé à ses voisins. Mais il ne faudrait cependant pas interrompre les efforts pour une meilleure protection de la propriété intellectuelle et pour un fonctionnement encore plus efficace de l’OMPIC.

- Quelles seraient les améliorations à apporter ?​ 
-Il y en aurait plusieurs. En voici quelques-unes. Je parlais des services en ligne de l’OMPIC qui sont précieux pendant la pandémie mais qui peuvent encore être améliorés et développés. A titre d’exemple, la procédure d’opposition, qui consiste aujourd’hui en des échanges de courriels avec l’OMPIC. Si cela a l’avantage de ne pas tout bloquer à l’heure où les déplacements sont limités, une telle pratique n’est pas satisfaisante au regard de la sécurité des échanges qui devraient se faire à travers une plateforme sécurisée et gérée par l’OMPIC. Au-delà de cette dernière, une plus grande diffusion de la jurisprudence rendue par la Cour de Cassation en matière de propriété intellectuelle serait la bienvenue, car elle a un rôle essentiel : celui d’unifier la jurisprudence dans le royaume et d’être un phare pour les juges de fond.

En plus, et cela relève du législateur, une réforme d’une partie du contentieux de la propriété industrielle devrait, selon moi, être étudiée. Peut-être plus qu’une autre matière, le droit de la propriété intellectuelle nécessite de prêter un œil attentif à ce qui se fait ailleurs.

- Certaines personnes pensent que le droit marocain de la propriété industrielle n’est qu’un « copier – coller » du droit français ? L’affirmez-vous ?
- L’affirmer serait sans doute excessif. Notre loi n° 17-97 sur la propriété industrielle, l’héritière du Dahir de 1916, partage profondément les concepts et la philosophie du droit français de la propriété industrielle sans pour autant en être un calque. M. Adil El Maliki, ancien directeur de l’Office, avait affirmé lors de la célébration du centenaire du Dahir de 1916 qu’il « s’agit d’une loi marocaine et non d’une loi importée » et qu’ « en matière de propriété industrielle, le Maroc n’a jamais cherché à faire du copier-coller ». L’un des poids lourds de la profession de conseil en propriété industrielle au Maroc, le regretté El Mostafa Aksiman, avait d’ailleurs fermement dénoncé ces propos. D’ailleurs le nom même du rédacteur du projet du Dahir de 1916 est connu : il s’agit de Léon Adam qui était conseiller à laour d’appel de Rabat et qui n’a jamais fait mystère de son inspiration de la loi française. Les quelques rares ouvrages universitaires de référence en la matière indiquent à cet égard que le Dahir de 1916 est « très étroitement inspiré » de la loi française.

Ensuite, il serait faux de penser que le Maroc ne fait que suivre, en les subissant, les évolutions du droit français. Par exemple, en matière de marque, ce n’est que cette année que la France a abandonné l’exigence de représentation graphique pour déposer une marque. Or, la législation marocaine a depuis plusieurs années déjà supprimé cette condition, ouvrant ainsi, au moins en théorie, la voie aux dépôts de marques dites « non traditionnelles », comme les marques multimédias ou même « olfactives ». Voici un exemple où le Maroc a été en avance et précurseur.

Recueillis par
Safaa KSAANI 

Portrait : Une carrière très tôt orientée

Surpris d’entendre le ministre de l’Education Nationale se féliciter de « la fuite des cerveaux » marocains vers l’étranger, Me Daoud Selmouni Zerhouni décide coûte que coûte de rentrer au Maroc. S’agissant de son parcours universitaire, il a étudié le droit de la propriété intellectuelle dans de prestigieuses universités et instituts, à Strasbourg, à Paris et à Washington. Il a ensuite travaillé au sein de nombreux cabinets dont «K&L Gates », le cabinet fondé par William Henry Gates qui n’est autre que le père de Bill. Après dix années passées comme avocat au barreau de Paris, il a rejoint en octobre 2019, comme consultant, le cabinet du conseiller en propriété industrielle Mehdi Salmouni Zerhouni, son père, à Casablanca.

Sur la question du pourquoi Casablanca après Paris, il affirme que la transition a été très naturelle, pour deux raisons au moins. « En réalité, Paris constitue une place du droit importante sur la scène internationale et en particulier en droit de la propriété intellectuelle. Pour celui qui aime le raisonnement juridique, cet environnement est très enrichissant et il n’est pas si facile de le quitter. En plus, cela faisait plusieurs années que j’avais pour projet de revenir au Maroc pour exercer dans ce domaine. Il y a, évidemment, un très fort attachement que j’ai envers mon pays, mon enfance et mon adolescence passées ici, ainsi que les liens que j’ai conservés au Maroc. Sur le plan professionnel, le Maroc est un pays dynamique où les problématiques en droit de la propriété intellectuelle sont nombreuses. Assister à cette évolution, et tenter modestement d’en être acteur, est pour moi enthousiasmant », nous confie-t-il.

Tout cela a fait que l’évidence d’un retour au Maroc se faisait de plus en plus pressante. Mais au-delà de son cas particulier, il regrette que trop peu de jeunes marocains formés à l’étranger rentrent au Maroc et mettent à profit leurs compétences acquises dans les pays d’accueil. 

S. K.

Repères

​Une partie du contentieux reste à étudier
Le contentieux lié à la validité des titres de propriété industrielle est dévolu aux juridictions commerciales qui ont une compétence exclusive aux termes de la loi n° 17-97. « Or, les tribunaux de commerce sont saturés et le coût d’une action judiciaire est élevé pour nos entreprises », estime Me Daoud Selmouni Zerhouni. Confier à l’OMPIC le contentieux de la validité de certains titres de propriété industrielle, et en particulier de marques et de dessins et modèles industriels, serait une solution intéressante, selon lui. Ainsi, les tribunaux de commerce seraient allégés, le coût pour le justiciable serait moindre, les décisions seraient rendues plus rapidement et par des personnes spécialisées et les recettes de l’OMPIC augmentées par les taxes qu’il percevrait à ce titre. Cela aurait pour effet d’encourager le « nettoyage » des registres de l’OMPIC de titres de propriété industrielle qui ne méritent pas ou plus d’y figurer. Tel est, au demeurant, le système adopté avec succès par plusieurs autres pays.
L’UE, partenaire majeur du Maroc dans le droit de la propriété intellectuelle
Le « Plan d’action Maroc pour la mise en œuvre du statut avancé (2013-2017) » précise qu’en matière de propriété intellectuelle et industrielle, l’objectif consiste notamment à « assurer un rapprochement progressif vers le niveau de protection de l’UE ». Ce même document précise que « pour réaliser ces objectifs, le Maroc prendra en compte l’acquis UE existant ». Le Maroc a ainsi souverainement décidé de prendre à son compte « l’acquis communautaire ». « Evidemment, le Maroc n’y est pas soumis au même titre qu’un Etat membre de l’UE mais son statut avancé le place dans une situation qui n’est pas si éloignée de celle d’un pays candidat à l’UE ou d’un partenaire aussi privilégié que peut l’être la Confédération Helvétique », nous explique notre interlocuteur. 








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