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Commémoration : Me Boucetta, l’homme dont le parcours se confond avec celui de l’Istiqlal


Rédigé par Jamal Hajjam Jeudi 17 Février 2022

Il y a cinq ans, les Istiqlaliens pleuraient leur leader charismatique, Maître M’hamed Boucetta, dont la sagesse a forcé le respect des adversaires politiques avant les alliés, décédé le soir du vendredi 17 février 2017 à Rabat à l’âge de 92 ans et inhumé dimanche 19 février à Marrakech, sa ville natale.



Commémoration : Me Boucetta, l’homme dont le parcours se confond avec celui de l’Istiqlal
Celui qui a incarné, depuis 1974, année de prise de ses fonctions à la tête de l’Istiqlal jusqu’à son retrait volontaire de la scène politique en 1998, le porte-flambeau de la lutte pour la défense des constantes de la Nation et des principes et valeurs que l’Istiqlal porte et partage avec tous les Marocains, s’en est allé à un moment crucial de la vie de ce grand parti nationaliste.

Le successeur du Zaïm Allal El Fassi laisse derrière lui un patrimoine riche en hauts faits et en actions militantes menées avec abnégation au service de la promotion de l’Islam tolérant, du soutien à la monarchie constitutionnelle, de la défense de l’intégrité territoriale et de la consécration de la démocratie garante de progrès et de développement.

Militant nationaliste depuis son jeune âge, ténor du barreau, par deux fois bâtonnier, plusieurs fois ministre, son parcours, sa riche expérience et son charisme ont conféré à Me Boucetta la stature d’un homme d’Etat respecté, au patriotisme et à la clairvoyance unanimement salués. Sa sagesse reconnue et recherchée a souvent fait de lui un recours salutaire devant des situations de conflit ou de blocage, que ce soit au sein du Parti de l’Istiqlal ou touchant à la vie publique.

Le succès de sa délicate mission après sa nomination en 2003 par le roi Mohammed VI à la présidence de la Commission pour la révision de la Moudawana qui fut à l’origine du nouveau Code de la famille, au moment où la société, scindée en deux sur la question, menaçait d’implosion, en est une parfaite illustration.

Jusqu’à son décès, M’hamed Boucetta a su, grâce à son flegme, allier la conscience de soi et des autres, la tempérance, le discernement et la justice. Celui qui considérait que le seul art politique est de «savoir user de patience et de modération», avait fait de ces deux vertus un catalyseur de confiance et un outil stratégique de réalisation des objectifs. Ses actions décisives aux côtés de ses pairs de la direction historique de l’Istiqlal, appuyées sur les principes fondamentaux du parti, ont d’ailleurs toujours été pondérées.

Lorsqu’en 1977, alors que le parti comptabilisait 14 années successives d’opposition et que les élections législatives venaient de connaître une de ces falsifications dont seul le ministère de l’Intérieur marocain détenait le secret, le Parti de l’Istiqlal, sous la houlette de Me Boucetta, avait malgré tout pris la courageuse décision d’intégrer le gouvernement. Non pas par intérêt partisan, mais par souci de servir la cause première du pays.

Le Maroc venait en effet de récupérer ses provinces sahariennes par le biais de la Marche verte et Boucetta allait justement occuper le poste de ministre des Affaires étrangères pour se consacrer à la défense des intérêts du Maroc sur la scène internationale, particulièrement ceux liés à la question du Sahara.

Le même élan militant avait dicté, vers la fin des années 80, peu de temps après que l’Istiqlal ait regagné le banc de l’opposition, la mise en route d’une action commune avec l’autre grande force de l’opposition, l’USFP de Abderrahim Bouabid ; action qui donna par ailleurs lieu à la retentissante motion de censure de 1989. Ce travail commun avait emboîté le pas à une autre action commune, syndicale celle-là, qui était en cours entre l’UGTM et la CDT, deux centrales syndicales proches des deux formations politiques et instigatrices de la fameuse grève générale du 14 décembre 1990 qui a fortement impacté l’évolution politique du pays.

De l’action commune politico-syndicale entre l’Istiqlal et l’USFP allait naître la Koutla Démocratique planifiée par les directions des deux partis sous la conduite de M’hamed Boucetta et Abderrahim Bouabid et concrétisée ensuite, en 1992, avec le successeur de ce dernier, Abderrahman Youssoufi, aux côtés des leaders historiques de trois autres formations d’opposition.

Le travail laborieux mené par la Koutla visait en premier lieu la réalisation de réformes politiques et constitutionnelles profondes et structurantes. Deux révisions constitutionnelles simultanées (1992 et 1996) eurent lieu grâce aux pressions exercées, accompagnées d’une ouverture droit-de-l’homiste comme préalable à un règlement calme et serein du lourd dossier des années de plomb qui aboutira quelques années plus tard en début de règne de SM Mohammed VI.

Dans la foulée de cette dynamique enclenchée par le travail soutenu des leaders de la Koutla, feu Hassan II fit appel, en 1993, à Me Boucetta pour lui confier la direction d’un gouvernement d’alternance auquel le souverain garantissait une majorité parlementaire consensuelle. L’idée était séduisante mais lui manquait les garanties de l’efficience démocratique. Du coup, le projet ne vit pas le jour, Me Boucetta refusant de compter dans les rangs de l’équipe gouvernementale le falsificateur en chef des élections et le prévaricateur patenté de la vie politique, le ministre de l’Intérieur de l’époque Driss Basri que Hassan II voulait reconduire dans ses fonctions.

Droit dans ses bottes, cohérent et respectueux des principes éthiques et des engagements envers les siens et les alliés, Si M’hamed a naturellement estimé qu’on ne peut réussir la réforme et concrétiser le changement escompté avec les outils de la dépravation. Magistrale leçon d’honnêteté politique et de fidélité aux valeurs adressée autant au pouvoir qu’à l’ensemble de la classe politique.

Tel était Me M’hamed Boucetta que nous pleurons aujourd’hui à chaudes larmes : patriote convaincu, militant authentique, partenaire engagé et loyal, dirigeant déterminé et honnête, outre le côté humain de l’homme chez qui l’humour faisait aussi office de facilitateur et de bon introducteur en la matière, si délicate soit-elle. Ce sont des hommes politiques de cette trempe qui permettent aux formations politiques de peser lourdement et véritablement sur la scène, de se faire respecter et d’établir des alliances fondées sur les idées et vouées au triomphe des causes stratégiques.

Repose en paix grand sage.



Jamal HAJJAM

Biographie express


L’homme dont le parcours se confond avec celui du Parti de l’Istiqlal
 
Né en 1925 à Marrakech, après des études coraniques poussées dans la ville ocre et un enseignement secondaire à Rabat, M’hamed Boucetta, jeune bachelier aux convictions nationalistes, est envoyé en France aux débuts des années 40 du siècle dernier par ses pairs du Parti de l’Istiqlal pour y suivre des études juridiques.

A la Sorbonne, il obtient une licence en droit.

Il revient au Maroc avec une formation de juriste que le Parti saura mettre à profit. Avocat, il a été très actif lors des discussions pour l’indépendance et, par la suite, il a plaidé dans les grands procès politiques des années 60 et 70.

Après l’indépendance, le 12 mai 1958, il est nommé secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le gouvernement Balafrej, puis ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative dans le Conseil dirigé par S.M Mohammed V du 27 mai 1960 au 16 mai 1961. Il est reconduit au même poste sous le Roi Hassan II du 26 février 1961 au 2 juin 1961 dans le Conseil dirigé par Hassan II.

Du 2 juin 1961 au 5 janvier 1963, lors de la formation du second Conseil Hassan II, il est nommé ministre de la Justice. Du 10 octobre 1977 au 27 mars 1979, dans le gouvernement Osman II, il occupe le poste du ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères et de la Coopération, il est reconduit au même poste dans les gouvernements Maâti Bouabid I et II entre 1979 et 1983. Sous le gouvernement Lamrani III (entre 1983 et 1985), il devient ministre d’Etat.

En 1974, à la suite du décès de Allal El Fassi, Boucetta devient Secrétaire général de l’Istiqlal, poste qu’il gardera jusqu’à sa démission en 1998. Il sera succédé par Abbas El Fassi.

En janvier 2003, S.M le Roi Mohammed VI l’a nommé à la présidence de la Commission pour la révision de la Moudawana, et il est donc à l’origine du nouveau Code de la famille.

La même année, Me M’hamed Boucetta a été décoré par S.M Mohammed VI du Wissan Al Arch. Le 16 février 2012, il est décoré par l’ambassadeur de l’Etat palestinien au Maroc du cordon de l’ « Etoile d’Al Qods », lors d’une cérémonie organisée au siège de l’ambassade à Rabat.