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Cluster Lalla Mimouna : Les responsables doivent rendre compte


Rédigé par Saâd JAFRI Jeudi 25 Juin 2020

Les milieux professionnels sont en train de payer un lourd tribut à l’épidémie du Coronavirus. L’apparition de foyers dans le Gharb et Tanger ne manquera pas de jeter une ombre sur la lueur d’espoir de sortie de crise qui pointe.



Cluster Lalla Mimouna : Les responsables doivent rendre compte
A moins de 24 heures du début du processus d’allégement du confinement annoncé le 19 juin, par les ministères de l’Intérieur et de la Santé, le Maroc continue de comptabiliser une centaine de cas par jour (349 nouveaux cas, dans la nuit de mardi à mercredi). Une flambée principalement due à l’apparition de nouveaux clusters dans les milieux professionnels. En plus des risques qu’encourent les habitants de la région, ce genre de scandale renseigne sur la gravité des conditions de travail des ouvriers agricoles en ces temps de crise et l’échec des autorités dans la veille sur le respect des mesures préventives dans le monde professionnel.

Le foyer le plus dangereux jamais affronté par le Maroc depuis le début de la pandémie est celui de «Lalla MMimouna». Il s’agit d’une exploitation agricole située à 30 km de Moulay Boussalham et à 80 km au Nord de Kénitra. En 72 heures seulement, ce cluster a enregistré plus de 700 cas positifs à la Covid-19, suscitant le doute, la crainte et la confusion dans les cœurs des Marocains, qui pensaient que le gouvernement avait la situation épidémiologique du pays sous contrôle. 

Un scénario pas du tout surprenant !

Néanmoins, un tel scénario était plus ou moins attendu, surtout que la saison de la récolte des fruits rouges bat son plein. Chaque année, en cette période, les exploitations agricoles boostent leurs productions (sans pour autant revoir les conditions de travail), pour répondre aux besoins de la demande nationale, mais aussi la forte demande à l’export. Cette année, suite aux dangers relatifs au Coronavirus, tout le monde s’attendait à un changement dans les habitudes des employeurs de ces unités de production. Mais il n’en fut rien ! Quotidiennement, des «travailleurs à la tâche», principalement des femmes, sont entassés dans des fourgonnettes (comme l’attestent plusieurs photos sur les réseaux sociaux) puis conduits dans les exploitations de fruits rouges, où la distanciation sociale est allégrement négligée. Hélas, les ouvrières agricoles ont souvent peur de dénoncer ces abus par peur d’expulsion. Mais même après la révolte de quelques femmes courageuses, il y a plus de deux mois sur une web tv locale, appelant les autorités sanitaires à venir checker les lieux, personne n’est intervenu. Résultat : le Maroc enregistre son plus grand cluster à un moment décisif de l’état d’urgence sanitaire.

Les responsables doivent rendre compte

Autre fait marquant dans cette affaire scandaleuse, est que le gouvernement n’a pas essayé d’éclairer l’opinion publique sur la situation. Un silence qui a été fortement contesté par plusieurs personnes, dont le parlementaire istiqlalien Lahcen Haddad, qui a demandé « la comparution des ministres de l’Agriculture, de l’Industrie, de la Santé et de l’Emploi devant le Parlement, pour répondre aux questions relatives à l’infection des ouvrières des fermes et de stations de conditionnement des fraises», pour déterminer les responsables dans cette affaire. Dans ce sens, le parquet de Kénitra a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire pour déterminer les infractions pénales ayant causé ces contaminations (voir repères). L’enquête vise également à déterminer les responsabilités afin de permettre de définir l’impact juridique adéquat. Affaire à suivre. 

Saâd JAFRI

3 questions à Lahcen Haddad

Lahcen Haddad
Lahcen Haddad
“ La confiance née chez les citoyens a été avortée à cause du silence ”

Le député istiqlalien n’a pas manqué d’exprimer son étonnement quant au silence des autorités au sujet de certains clusters épidémiologiques. Il appelle à plus de responsabilisation. 

- Quelles sont, selon vous, les raisons derrière l’apparition du foyer du Covid19 au niveau des usines de conditionnement de fraises dans la commune de Lalla Mimouna dans la région du Gharb ?
- Au début de cette histoire, une trentaine de cas d’infection au Covid-19 a été affirmée. Les premières femmes contaminées ont demandé d’effectuer un test de dépistage au Coronavirus, ce qui n’a pas été fait. Une autre raison importante est que ces femmes travaillent dans des conditions inhumaines, facilitant la propagation du virus. 
En plus, les normes sanitaires, publiées par le ministère de l’Industrie, n’ont pas été appliquées. 
Donc, il y a une responsabilité politique de la part des ministères concernés, notamment de l’Agriculture, de l’Industrie, de la Santé et de l’Intérieur. 

- Le martyre que subissent des ouvrières agricoles existe depuis longtemps. Que devrait faire le gouvernement pour éviter ces scénarii, qui se reproduisent dans différentes usines, comme celle de Renault Tanger ? 
- Le gouvernement doit assumer ses responsabilités. Il faut qu’il y ait des normes sanitaires très importantes, dont l’application doit être supervisée dans les unités industrielles. Les premières leçons ont été reçues : des cas d’infection ont été enregistrés dans des usines de Casablanca. 
Il fallait ensuite passer à l’étape suivante en appliquant des normes sanitaires très strictes.
Ce qui n’a pas été fait par le gouvernement.

-Quid de la communication des responsables gouvernementaux sur cette affaire ? 
- Leur communication est lamentable. Ils ne sont pas transparents sur ce point. Une bonne communication répond aux questions suivantes : où sont les failles ? Qui en est responsable ? Comment les dépasser ? Rien n’a été dit de la part des parties prenantes, en l’occurrence le ministère de l’Agriculture, de l’Industrie, de la Santé. Donc, il y a une mauvaise gestion de crise. La confiance née chez les citoyens a été avortée à cause du silence. 

Recueillis par S. J

Repères

Le parquet ouvre une enquête judiciaire
L’ouverture de cette investigation, qui a été confiée à la brigade nationale de la Gendarmerie Royale, a été ordonnée après avoir consulté l’enquête administrative effectuée sur cette affaire par la commission mixte des ministères de tutelle. L’enquête judiciaire s’assigne pour objectif de déterminer les infractions pénales ayant causé la contamination au Coronavirus de plusieurs employés agricoles, notamment la négligence, la non-prise des mesures nécessaires à leur protection ou le non-respect des lois et réglementations, en particulier les dispositions juridiques et organiques relatives aux mesures préventives et gestes barrières décidés par les autorités publiques durant l’état d’urgence sanitaire
Les cas contacts se manifestent
Protestant contre leur mise en quarantaine et le retard des résultats du test Covid-19, un nombre de cas contacts du cluster Lalla Maimouna résidant dans le quartier universitaire Al Massira de Kénitra, ont attaqué les autorités publiques en leur jetant des pierres. Certains ont même essayé de quitter le quartier en sautant par-dessus les murs. Il est à noter que d’autres protestations ont eu lieu dans la région. Les citoyens appellent à l’amélioration des conditions de vies des personnes en quarantaine, d’un côté, et à la transparence des autorités locales, d’un autre.