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Bilal Bourkha: « Anticiper la crise de confiance dans le secteur touristique »


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Jeudi 6 Mai 2021

Le marketing territorial est un levier d’adaptation du tourisme national. Face à Covid-19, ce secteur devrait s’adapter pour réussir une relance économiquement viable. A ce sujet, le bilan de l’activité en 2020 interpelle tous les acteurs. Explications avec M. Bilal Bourkha, Professeur de Stratégie et Marketing à l’ENCG-Université Mohammed Premier d’Oujda.



Bilal Bourkha: « Anticiper la crise de confiance dans le secteur touristique »
Les résultats à fin 2020 des arrivées touristiques sont connus désormais : un repli de 78,5%. Quelle analyse faites-vous de ces chiffres ?

Je ne suis pas surpris par ce chiffre et encore moins parmi les plus optimistes à cause de Coronavirus. Je pourrais même qualifier l’année 2020 de « la pire de l’histoire du tourisme dans notre pays ».Quand vous dites « repli de 78,5% » à quelqu’un, probablement il ne va pas comprendre l’ampleur ou la gravité de la situation. C’est encore toujours mieux de parler « argent ». En la matière, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a déclaré, en janvier, que la crise sanitaire, liée à Covid-19, a coûté au secteur touristique, à l’échelle mondiale, l’équivalent d’un peu plus de 1,3 billion de dollars de revenus. Ce chiffre fait froid dans le dos. Il montre aussi que cette pandémie est plus grave qu’une crise économique et financière si on compare 2020 par rapport aux pertes enregistrées en 2009 à cause de la crise des Subprimes. Même pour cette année, je ne suis pas optimiste étant donné que nous parlons de troisième vague dans plusieurs pays et qui sait ce que ce virus nous cache encore avec ses variantes et sa capacité à se transformer. Il faut être conscient que la crise est loin d’être terminée. Si 2020 est une année de crise, 2021 sera une année de crise de confiance qui peut avoir des effets négatifs encore plus graves.

Justement, vous avez participé à un webinaire sur l’Innovation au service du développement du territorial où il a été aussi question de marketing territorial et de tourisme durable. Quelles perspectives pour les régions à l’heure de Covid-19 ?

La diversification du portefeuille économique est un déterminant du développement territorial. Un manque de diversification économique est souvent associé à une faiblesse accrue aux menaces externes qui peuvent nuire aux perspectives de croissance économique. Dans le cas d’un secteur d’activité spécifique, qui présente une part du PIB importante d’un pays, cela crée des défis en termes d’exposition aux chocs spécifiques au secteur, tels que les événements météorologiques dans l’agriculture ou les chocs soudains des prix des minéraux, ou la crise de Subprimes dans le secteur des bâtiments et construction, ou encore actuellement le secteur du tourisme avec Covid-19. Je veux dire que les pays qui se basent sur un seul ou deux secteurs peuvent se retrouver en difficulté face à une menace externe. Ce principe est valable aussi pour les régions.

Par exemple au Maroc, Marrakech, la première destination touristique du Royaume, a énormément souffert des conséquences de cette crise sanitaire plus que Tanger puisque cette ville du Nord a réussi ces 15 dernières années à diversifier ses activités économiques. Autrement dit, de quoi est-il question ? Les professionnels du tourisme, les associations, l’office national, les élus, la wilaya de chaque région doivent montrer une volonté pour ce que je peux appeler « une reprise responsable des activités ». Le principe est d’accepter que la crise est loin d’être terminée et qu’il faut vivre avec le virus pour redémarrer tout l’écosystème de ce secteur d’activité, bien sûr, avec le respect des gestes barrières et des protocoles sanitaires. Il faut redonner confiance aux voyageurs en misant sur de nouvelles certifications de sécurité et d’hygiène, sur des applications permettant d’informer les visiteurs et sur des campagnes de promotion du tourisme interne sans oublier le rôle des associations du tourisme.


Également, les professionnels sont invités à se réinventer et d’innover de nouveaux concepts et programmes à travers de nouvelles offres plus créatives, sociales, collaboratives et d’adapter le secteur aux réalités futures. En un mot, il faut encourager l’innovation et l’investissement dans le secteur.

Peut-on parler, dans ces conditions, de l’incertitude puisque l’on est loin encore de la mobilité totale ?

C’est vrai que cette démarche n’aura aucune valeur sans la levée des restrictions des déplacements et le rétablissement de la confiance des voyageurs. Dans cet environnement risqué, il faut faire des choix et le Maroc a fait le sien. Il a sacrifié la reprise économique face aux incertitudes sanitaires.

En tant que gestionnaire, je peux imaginer la situation comme c’est le cas ces derniers jours.
En effet, plusieurs pays ont publié un programme de levée des restrictions vers un déconfinement total. J’ai bien dit un « programme » alors que chez nous, le gouvernement décide à la dernière minute.

Je vous laisse imaginer cette situation de double crise, crise sanitaire et crise de confiance entre les professionnels et le gouvernement. Je ne juge pas la qualité ni le sens des décisions prises par l’exécutif mais uniquement le timing. Ne pas prévoir ni donner le temps aux professionnels de se préparer, soit pour la fermeture soit pour l’ouverture, crée le doute et l’incertitude








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