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Banques et patronat désunis contre le coronavirus : Le Choc des Tycoons


Rédigé par Saâd JAFRI Lundi 30 Mars 2020

Dans le monde des affaires, il y avait de l’orage dans l’air ce week-end. La CGEM a pointé du doigt l’inaction des banques en cette période de crise. Une accusation qui a engendré une réaction virulente du GPBM. Détails.



Tensions et orage dans l'air
Tensions et orage dans l'air
Depuis le déclenchement de la crise du coronavirus, le secteur bancaire a constamment été mis à l’index. Principal reproche qui lui a été le plus souvent adressé, son manque d’interaction et d’empathie vis-à-vis des problèmes financiers des marocains, qu’ils soient des personnes physiques ou morales. Point nodal de ces reproches, l’inaction des banques ou plutôt leur atermoiement concernant la question cruciale de la suspension des échéances à propos de laquelle les banquiers ont fait montre de peu d’enthousiasme.

Dans les milieux des affaires, les témoignages sont nombreux à faire part d’une fermeté jugée déplacée des banques en matière de respect des délais. «Les Échos qui me parviennent d’un certain nombre de commerçants et de gérants de TPE, c’est que les banques leur ont signifié qu’elles n’accepteront aucun dépassement. Pire, certains grossistes qui avaient anticipé le mois de Ramadan en termes d’approvisionnement ont vu leurs chèques de garantie auprès des fournisseurs rejetés systématiquement, sans avis, ni demande d’explication», nous confiait jeudi, sous couvert d’anonymat, le patron d’une importante fiduciaire de la place.

En plus d’accuser les banques de ne pas jouer le jeu en faisant traîner le règlement des décomptes, notre interlocuteur dénonce même une certaine forme de profitation, comme on dit en langage créole, organisée et concertée entre les banques, publiques et privées, de ce contexte de crise. «Non seulement les demandes de report ou de gel des échéances sont refusées, mais certaines banques profitent de la situation pour augmenter leurs taux sous le prétexte, souvent injustifié de l’augmentation des risques. Il en est ainsi de cette importante entreprise de distribution de produits alimentaires dont l’activité n’encourt pourtant pas de risques significatifs, mais qui s’est vu malgré tout imposé un Libor (taux interbancaires) de 3,5% contre 1,5% en temps normal. Si ce n’est pas de l’abus, c’est quoi ?», s’indigne notre source.

Les banquiers sur la défensive

C’est dans ce contexte chargé et tendu qu’intervient la première communication du GPBM le 16 mars, dont l’objectif, inavoué, était selon nombre d’observateurs d’éteindre un feu de contestation généralisé du secteur entrepreneurial marocain, qui commençait à prendre sous l’amas des frustrations, retards et rejets bancaires cumulés depuis le début de la crise du coronavirus. Trois jours plus tard, les banques promettent de soutenir les ménages et les entreprises « en difficultés », notamment à travers le report d’échéances des crédits amortissables et la couverture des besoins en fonds de roulement des entreprises, nés de la situation induite par la crise sanitaire.

Quelques jours après cette déclaration, des échos circulant dans le monde des affaires, laissent entendre que les décisions actées ne sont pas appliquées. De nombreuses entreprises peinent à financer leur besoin en fonds de roulement, et les procédures de traitements des dossiers sont à la traine, suite à la vérification du cas par cas.

Bien que le GPBM, la CGEM et le ministère des Finances, travaillaient ensemble, le 26 mars, sur les dernières modalités pour l’opérationnalisation des engagements pris par les banques pour le report des échéances de crédits et l’octroi de crédits, Chakib Alj, président de la CGEM prend tout le monde de court et décide de faire cavalier seul. Dans un courrier adressé le même jour au GPBM, il décide d’épingler les pratiques des banquiers en cette période de crise. Le patron des patrons ne manque pas de soulever que les écarts entre lesmesures énoncées par le GPBM et la réalité du terrain sont abyssaux, mettant en péril de très nombreuses entreprises.

Sur un ton dénonciateur, M. Alj y souligne que le traitement au cas par cas des entreprises est en décalage avec la situation de crise actuelle, appelant ainsi, à mettre en place le dispositif prévu avec la CCG à un niveau suffisant pour rétablir un sentiment de sécurité parmi les entreprises.

Le clash des hommes d’affaires

La réponse du secteur bancaire est aussi rapide que virulente. Dans une lettre qui restera sans doute dans les annales, Othman Benjelloun, président de la GPBM et son vice-président délégué, Mohamed El Kettani, dénoncent les attaques et les allégations contre le secteur bancaire, les qualifiant de « dénuées » de tout fondement.

Et comme si cela ne suffisait pas, le GPBM publie dans la même soirée du 27 mars, un communiqué annonçant une batterie de mesures d’appui avec effet presque immédiat au profit des entreprises et surtout des ménages, sous-entendant ainsi que l’attaque du patron des patrons contre les banques était non seulement précipitée, mais inutile, puisque les mesures énoncées par le GPBM étaient déjà dans le pipe au moment où il rédigeait sa lettre. Chose que Chakib Alj ne pouvait certainement ignorer.

Quoiqu’il en soit et au-delà de cette querelle de tycoons, dans son communiqué le GPBM annonce des mesures qui reviennent in petto et même publiquement depuis le début de la crise du coronavirus. Plusieurs instances telles que l’ASMEX (exportateurs) et d’autres les ayant énumérées dans leurs longues listes de doléances. Ces mesures dont l’opérationnalisation débute lundi 30 mars, concernent le report sur demande expresse formulée aux banques des échéances des crédits amortissables et de leasing jusqu’au 30 juin 2020 au profit des ménages et des entreprises directement affectés par le Covid-19, sans frais ni pénalités. Elles annoncent également de généreuses lignes de crédits additionnels à un taux égal au taux de refinancement de Bank Al Maghrib, à peine majoré de 200 points de base.

La semaine qui débute servira donc de révélateur. Jusqu’au 6 du mois d’avril, date du la mise en oeuvre des mesures étatiques au profit des ménages annoncées par le CVE, les regards resteront rivés sur les banques dont la moindre entorse ou promesse non tenue sera scrutée à la loupe et amplifiée.

Saâd JAFRI










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