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Aziz Akhannouch: zoom sur le parcours du chef de gouvernement désigné


Rédigé par Nizar Derdabi Dimanche 19 Septembre 2021

Au lendemain de la nomination par Sa Majesté le Roi Mohammed VI de Aziz Akhannouch en tant que chef du gouvernement, notre contributeur externe, Nizar Derdabi, spécialiste en veille stratégique, a soumis le parcours personnel, professionnel et politique de cette personnalité désormais centrale du paysage politique marocain au filtre analytique et scientifique de la “Due diligence”. Édifiant.



Récemment nommé par S.M le Roi Mohamed VI à la tête du nouveau gouvernement qui sera dirigé par le RNI, parti arrivé en tête des élections du 8 septembre, Aziz Akhannouch suscite la curiosité d’une partie de l’opinion publique marocain aussi bien pour sa réussite dans le monde des affaires que pour sa longévité dans la sphère politique nationale. Alors que les articles qui dressent un portrait de cette figure incontournable dans le paysage marocain s’enchaînent dans les médias nationaux et internationaux, cet article se propose de présenter une note biographique détaillée du nouveau chef du gouvernement au Maroc sur le modèle d’une enquête de Due Diligence. Sur la base d'informations recueillies en sources ouvertes (articles de presse et sites officiels d'entreprises ou organisations) cette note biographique, sans être exhaustive, essaye de traiter les aspects les plus importants de sa vie et de son parcours professionnel.

Origines :

Aziz Akhannouch est né en 1961 à Tafraout, une petite ville berbérophone de l'Anti-Atlas marocain située à 180 km au sud d'Agadir. Il fait ses études primaires et secondaires dans la ville de Casablanca. Bien que venant d’un milieu aisé il fait toute sa scolarité au lycée Imam Malik à Belvédère, loin de la bourgeoisie casablancaise. Après son baccalauréat, il effectue son cursus universitaire au Canada, à l'université francophone de Sherbrooke où il obtient un MBA (Master of Business Administration) en marketing de l'université de Sherbrooke-Canada en 1986. Pour donner de la consistance pratique à son diplôme, le jeune lauréat fera un stage dans l’ancien groupe pétrolier ELF (devenu Total Group).

Héritage familial :

Il retourne au Maroc au milieu des années 1990 et s'implique dans les affaires familiales, en reprenant le flambeau de son père. L’origine de sa fortune, Aziz Akhannouch la doit à son père Ahmed Oulhaj Akhannouch qui était propriétaire des premières stations-service au Maroc, à Casablanca. En effet, pour le récompenser de son passé de résistant, on lui a offert une licence pour la distribution des hydrocarbures après l’indépendance. C’est ainsi qu’il créa « Afriquia SMDC », première société marocaine de distribution d’hydrocarbures. Après les produits pétroliers, il commercialise aussi le gaz butane et Afriquia prend de l’ampleur.

 Parcours professionnel :

Dès son retour au pays, Aziz Akhannouch intègre la société Afriquia au titre de directeur général adjoint. Il y fourbit ses armes de jeune gestionnaire avide d'innovations et de performances. Après une période de latence sous l'œil attentif de son père, il met en application un plan de restructuration articulé autour de quatre pôles d’hydrocarbures : le carburant, les lubrifiants, les fluides et le gaz. Progressivement, Aziz Akhannouch investira des secteurs qu'il juge indispensables au rayonnement et à la diversification de ses activités entrepreneuriales. Ainsi, en 1996, Aziz Akhannouch investit entre autres, dans le secteur des médias et de l’information en rachetant le groupe de presse « Caractères » qui édite, entre autres, l’hebdomadaire « La Vie économique » ainsi que les mensuels « Femmes du Maroc », « Maisons du Maroc » ou « Nissaa Min Al Maghrib ». En 1999, le groupe investit dans les télécommunications en entrant dans le capital de Meditel, deuxième opérateur de télécoms du Maroc, en rachetant 10.5% de son capital, et en devenant son premier distributeur. Toujours en 1999, Aziz Akhannouch introduit en bourse deux de ses sociétés, Afriquia et Maroc Oxygène. Chemin faisant, le groupe a changé de nom. Il s'appelle Akwa, qui signifie "plus fort" en arabe. Toujours en quête de croissance et de développement pour son groupe, il rachète en 2005 « Somepi », une entreprise concurrente d'Afriquia SMDC pour la somme d’un milliard de dirhams (93 millions d’euros), financée en grande partie par la banque marocaine Attijariwafabank. Le nouvel ensemble pèse 12 milliards de DH. L’Etat ne voulait plus dépendre des distributeurs internationaux, il voulait créer un champion national des hydrocarbures, et Akwa a su se positionner et tant que tel. 

Famille Akhannouch :

Il est marié avec la femme d'affaires Salwa Idrissi Akhannouch, propriétaire de la holding Aksal (voir figure 5), et père de trois enfants. Salwa Idrissi, alias Madame Akhannouch, est issue d’une famille berbère qui a fait fortune dans le commerce du thé. Pourtant, elle a su réussir par elle-même en créant en 1993 sa société spécialisée dans la distribution de matériaux de revêtement et de parquet. Sous le nom « d’Aksal », sa société détient également les droits de franchise exclusifs de plusieurs grandes marques de prêt à porter au Maroc, dont Zara, Banana République, Pull & Bear, Massimo Dutti et Gap. Salwa Idrissi détient une participation de 50% dans le tour de table de « Morocco Mall » de Casablanca, l’un des plus grands centres commerciaux d’Afrique, où elle a lancé en octobre 2017 sa propre marque de cosmétiques « Yan & One ». The African Report, pendant anglophone de la publication panafricaine Jeune Afrique, a publié en marge de The CEO Forum , un classement des 50 femmes africaines les plus influentes dans le monde des affaires, où Salwa Idrissi Akhannouch arrive en tête des femmes marocaines (2e position en Afrique). 

Carrière politique :

Aziz Akhannouch décide d’embrasser une carrière politique au début des années 2000. Ainsi de 2003 à 2009, il est élu Président du Conseil de la région Souss-Massa-Drâa, sans appartenance politique mais avec déjà une visée gouvernementale pour certains observateurs. En 2007, Aziz Akhannouch est nommé par le Roi en tant que Ministre de l’Agriculture et de la Pêche Maritime en portant pour la première fois l’étiquette du parti du Rassemblement National des Indépendants (RNI). C’est ainsi que Akhannouch, qui a toujours été considéré comme un technocrate, a fait le choix d’intégrer le RNI. Bien qu’il n’ait jamais été quelqu’un de très engagé politiquement et n’a que très rarement assisté aux réunions du parti durant ses premières années au RNI. Une posture qui été perçue comme un manque d’engagement envers sa formation politique, et qui a été pointé du doigt cinq ans plus tard, quand Abdelilah Benkirane chef de file du Parti de la Justice et du Développement (PJD) s’est vu confier la tâche de former le premier gouvernement après la nouvelle Constitution de 2011. Ainsi, quelques jours avant l’annonce de la composition de l’exécutif, en janvier 2012, Akhannouch annonce par communiqué sa démission du RNI, l’abandon de son siège de député d’Agadir, qu’il vient à peine de remporter aux législatives, afin de pouvoir intégrer ce gouvernement de coalition dirigé par le PJD auquel son parti refuse d’intégrer, en rempilant au ministère de l’Agriculture. Lors des élections législatives de 2016, la formation islamiste renforce son score, devenant le premier parti politique marocain. Alors qu’il était « Ministre Apolitique » nommé par S.M le Roi, Akhannouch annonce au lendemain des résultats, qu'il revient au RNI. Après une crise politique de 5 mois, il parvient à imposer des personnalités de son parti à différents postes ministériels stratégiques et à garder le même portefeuille ministériel.

En vue des élection législatives de 2021, Aziz Akhannouch s’engage très tôt en affichant ses ambitions de remporter les élections générales. En 2019, il lance sa pré-campagne en organisant une grande tournée dans tout le Maroc, baptisée « 100 Villes, 100 Jours ».

Responsabilités :

Parallèlement à ses fonctions ministérielles, Mr Akhannouch a assumé plusieurs responsabilités associatives et managériales. Il est ainsi membre du bureau de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), Administrateur de la BMCE-Bank et Administrateur de la Fondation Academia. Il a également été administrateur de Bank Al Maghrib et a présidé le Groupement des Pétroliers du Maroc (GPM). En 1999, il a fait partie du Groupe de réflexion auprès de feu S.M le Roi Hassan II, communément appelé G14. Sur le plan associatif, Aziz est membre de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement et membre administrateur de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus. Il est également président de l’association du Concert pour la tolérance.

Akwa Group :

Créé il y a 62 ans (en 1959), le groupe Akwa s'est diversifié les quinze dernières années. Les divers services et produits offerts par Akwa Group sont répartis en 5 grands pôles d’activité :
· Pôle Carburants et Lubrifiants
· Pôle Gaz
· Pôle Fluides
· Pôle Développement
· Pôle Immobilier

Afriquia revendique le plus grand réseau de distribution de carburant au Maroc avec 560 stations-services. Le groupe dispose de la première capacité de stockage d’hydrocarbures au Maroc avec un volume de l'ordre de 980.000 m3. Il détient 35% des parts de marché des hydrocarbures. Depuis 3 ans, les stations Afriquia ont mené des actions de rebranding, avec un design résolument moderne et une nouvelle identité visuelle.


Partenariat avec Chevron :

Associés depuis 2006, Akwa Group et Chevron, leader mondial du pétrole et du gaz, ont dévoilé, le 27 novembre 2019, leur nouvelle stratégie pour l’Afrique. Le nouveau pacte de partenariat entre les deux groupes prévoit l’exportation des formules haut de gamme vers 14 pays en Afrique du Nord et de l’Ouest. Les deux groupes ont mobilisé des fonds colossaux, soit plus de 300 millions de dirhams, pour financer la réalisation d’une plate-forme de desserte des huiles de base de qualité premium vers l’Afrique.

Fortune :
S’il reste en tête des fortunes privées au Maroc, Aziz Akhannouch s’est adjugé la 1576ème place mondiale et la 12ème position en Afrique, avec 1,9 milliards de dollars au classement de 2021 établit par le magazine Forbes. Au début de la crise sanitaire en mars 2020, via sa société Afriquia filiale du groupe Akwa, il participe à hauteur d'un milliard de dirhams au Fonds de gestion de la pandémie du Coronavirus lancé à l'appel de S.M le Roi Mohammed VI.

Relations avec la presse :
Discret et peu disert dans les médias, il est propriétaire de nombreux journaux et réputé extrêmement soucieux de son image. En 2017, il attaque en justice 3 journalistes du site d'information « Badil.info » pour diffamation et publication de fausses informations.

Campagne de boycott : 
Au printemps 2018, le Maroc est secoué par un mouvement de boycott lancé contre les marques Danone, Sidi Ali et Afriquia. Ces 3 marques, leader sur trois produits de base – eau, lait et carburant –, sont accusées par une partie de la population de pratiquer des prix très élevés. Le mouvement est extrêmement suivi, entraînant des réactions de la part du gouvernement, et un manque à gagner important notamment pour Akwa Group.
Une autre polémique vient s’ajouter par la suite à cette campagne de boycott, lorsqu’un rapport parlementaire critique les marges excessives des distributeurs de carburants depuis la libéralisation des prix en 2015, en incluant le groupe Afriquia.