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Actu Maroc

Armement : Après le fiasco des Caesar, les FAR lorgnent la technologie française


Rédigé par Anass MACHLOUKH Vendredi 12 Décembre 2025

Les FAR ont renoué avec le groupe KNDS après l’échec du deuxième contrat des Caesar. La visite de Mohammed Berrid à Paris laisse augurer de nouveaux deals. Décryptage.



C’est l’heure du business. Après la réconciliation franco-marocaine en 2024, Rabat et Paris relancent leur coopération militaire. Les Français tentent de séduire davantage le Royaume. Le dialogue reprend au plus haut niveau. 

Le Général de corps d’armées, Inspecteur général des Forces Armées Royales, Mohammed Berrid, a effectué du 9 au 10 décembre une visite à Paris à la tête d’une délégation de haut niveau dans le cadre de la 23ème réunion de la Commission Militaire Mixte Maroco-Française.  Les militaires français lui ont réservé un accueil chaleureux avec tous les honneurs et le faste du protocole républicain. 

La légion d’honneur pour Mohammed Berrid

Son homologue français, le Chef d’Etat-major des Armées, le Général Fabien Mandon, lui a décerné, au nom de la république, l'insigne de la Légion d'honneur lors d’une cérémonie officielle. « La coopération de nos armées se développe dans de très nombreux domaines, y compris la formation de nos officiers. C'est la traduction d'un partenariat historique et riche, qui prend une dimension exceptionnelle grâce à la confiance réciproque », a déclaré le plus haut gradé français à cette occasion.  

"Nos forces construisent ensemble et dans tous les milieux une relation équilibrée, mutuellement bénéfique et qui participe au renforcement de notre sécurité", a-t-il ajouté. 

Des contrats en gestation ? 

Loin d’être une visite protocolaire, le déplacement de Mohammed Berrid à Paris porte plus sur le business. Il est parti en quête d’armement “Made in France”. Il a visité la filiale française du géant KNDS (appelée jadis Nexter), spécialiste de la défense terrestre. Un communiqué officiel de l’Etat-Major Général des Forces Armées Royales a évoqué “une visite d’exploration”. La délégation marocaine a jeté un coup d'œil sur les principales installations et ateliers techniques de l’entreprise. 

“Les échanges ont porté sur les solutions innovantes ainsi que la gamme de produits de combat et de capacités fabriqués par le groupe. A cette occasion, les deux parties ont abordé les discussions sur des sujets d’intérêt commun, notamment les facilités et les opportunités offertes en termes d’installation d’industrie de défense dans le Royaume”, précise la même source. 

En fait, il s’agit de scruter les joyaux du constructeur français, connu pour sa technologie de pointe dans plusieurs segments d’armement terrestre. 

Chars Leclerc, canons Caesar, véhicules blindés… C’est le foyer de plusieurs fleurons de l’industrie militaire française. Jusqu’à présent, il n’y a pas d’indices clairs sur ce que cherchent véritablement les stratèges des FAR. Tout ce qu’on sait, c’est que le Royaume est en cours de modernisation de ses capacités défensives à tous les niveaux, notamment terrestre. Les FAR continuent de booster leur artillerie, leur défense antiaérienne et leurs parcs de chars et de véhicules blindés d'infanterie. C’est là que KNDS est spécialisé. En témoigne sa vaste panoplie de produits tels que les VBCI, les Jaguar et les Serval. 

A cela s’ajoutent les systèmes de communication et ceux de guerre électronique. Des segments où les FAR investissent considérablement. “Le Maroc a cette capacité de choisir le best-of vu sa propension à parler avec tout le monde et à diversifier ses fournisseurs”, nous explique Xavier Tytelman, spécialiste de l’industrie militaire française dans une déclaration à « L’Opinion ». 


KNDS, le souvenir du fiasco des Caesar oublié !

Le Maroc renoue ainsi avec le géant français après l’échec du contrat d’achat d’un deuxième lot de canons Caesar qui avait viré au fiasco après avoir failli aboutir. 

Flashback. En 2020, le Maroc commande 36 unités du canon Caesar, réputé meilleur canon au monde, d’autant plus qu'il a fait ses preuves sur le front russo-ukrainien. Le contrat portait sur 36 pièces pour 170 millions d’euros, en plus de 30 millions d’euros de munitions. C’est ce que l’industrie française de défense produit de meilleur. KNDS en a vendu environ 800 exemplaires à travers le monde depuis sa conception. 

La livraison commence dès 2022. A ce moment-là, on parlait de game changer qui allait raffermir l’avant-garde de l’artillerie royale. Deux régiments en étaient équipés. Le Maroc comptait en faire une deuxième commande. Les discussions ont été engagées. 

Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Le projet a vite fait pschitt. Les FAR se sont tournées vers Israël. Un contrat d’achat des Canons Atmos 2000 a été annoncé. 36 pièces d’artillerie autotractée ont été commandées. Stupeur du côté de la presse française spécialisée qui en était restée bouche bée. Comment en est-on arrivé là alors que la commande était considérée acquise. Le Directeur Business Systems de KNDS, Alexandre Dupuy, a dévoilé ensuite les raisons de ce fiasco lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Tout a commencé avec un problème technique. 

Il y avait des dysfonctionnements dans quelques sous-ensembles hydrauliques des canons livrés aux FAR. Ils ont été observés dès le début de l’expérimentation. 

Les militaires marocains ont signalé le problème aux responsables de KNDS qui auraient réagi tardivement, à en croire les indiscrétions médiatiques. Puis, le problème a été réglé. Il fallait du temps parce qu'il s’agit de sous-ensemble produit par un sous-traitant. Cela a fait qu’il a fallu du temps pour identifier la racine du problème. À l’époque, le groupe était saturé par les nouvelles commandes passées par l’Etat français pour équiper l’Ukraine qui en avait terriblement besoin pour faire face à l’invasion russe. 

C’est à ce moment-là que le groupe israélien Elbit Systems est entré en ligne. Dès 2003, le géant israélien a fait une offre plus intéressante. C’est ce qu’avait fait la différence, selon Alexandre Dupuy, qui a minimisé pourtant le poids des problèmes techniques des Caesar dans le revirement du Maroc en faveur des Israéliens. 

En réalité, le contexte diplomatique jouait lui-aussi en faveur des Français. “Les contrats d’armements, c’est 50% de défense, 50% de géopolitique”, rappelle François Chauvancy, ancien Général de l’Armée française et consultant défense de LCI. Selon lui, la politique pèse lourd sur les choix d’armement. A l’époque, la crise entre Rabat et Paris battait son plein. Cependant, il serait trop présomptueux d’attribuer ce choix du Maroc seulement au contexte politique. Mais, on ne peut pas aborder les circonstances de l’échec d’un contrat aussi important que les Caesar sans le prendre en considération. 

La coopération militaire retrouve son dynamisme 

La réconciliation franco-marocaine en 2024 à la faveur de la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Emmanuel Macron a relancé la coopération militaire à un niveau supérieur, bien que celle-ci ne soit jamais interrompue même au pic de la crise diplomatique. Le Maroc sait bien faire la part des choses. 

Après la visite dite historique du président français à Rabat où Paris a raflé 10 milliards d’investissements, la France a recommencé à grimper dans la liste des fournisseurs du Royaume. 

De nouveaux contrats ont été annoncés récemment comme celui des hélicoptères Caracal dont le Maroc a commandé 10 unités auprès d’Airbus pour moderniser sa flotte vieillissante. Le contrat a été officialisé fin novembre. 

Par ailleurs, la coopération militaire franco-marocaine ne se borne plus au côté commercial. Elle s’étend désormais au volet industriel au moment où le Royaume cherche à monter en gamme dans son industrie de défense aujourd'hui embryonnaire mais prometteuse. Une alliance est déjà scellée en vertu de laquelle la France s’associe au Maroc pour l'accompagner dans ce chantier. Cela fait l’objet d’une commission mixte créée entre l'UM6P, la direction générale de l’Armement française et Naval Group. Celle-ci a vocation à établir une base industrielle et technologique de défense sur le sol marocain avec des projets communs pilotés conjointement. 







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