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Arganier: Un héritage naturel menacé par la forte demande du marché international [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Mercredi 10 Mai 2023

Aujourd’hui mercredi, l’Assemblée Générale des Nations Unies célèbre la Journée internationale de l’Arganier. Une espèce considérée comme «l’arbre de vie» depuis des siècles par les populations du Sud, mais qui est, aujourd’hui, exposée à plusieurs dangers.



Arbre forestier, fruitier, multi-centenaire, emblématique et surtout endémique, l’Arganier  célèbre pour la troisième fois sa Journée internationale. Le choix de la date du 10 mai n’est pas fortuite puisqu’elle est inspirée du cycle de maturation du fruit de l’Arganier, le fameux « Affiach ».
 
Ce nouveau rendez-vous dans l’agenda des Journées internationales visera ainsi à célébrer l’arganier « en tant que vecteur de réalisation du développement durable, sur les plans socio-économique, écologique, culturel, culinaire et médicinal, au niveau national et à l’échelle internationale ».
 
Dans ce sens, il est à noter que la Résolution onusienne adoptée en 2021 en faveur de cet arbre ancestral, reconnaît la contribution colossale du secteur de l’Arganier dans la mise en œuvre des 17 objectifs de l’agenda 2030 et la réalisation du développement durable dans ses trois dimensions : économique, sociale et environnementale. Elle met également en valeur les nombreux usages de l’huile d’Argane, en particulier dans la médecine traditionnelle, complémentaire et dans les industries culinaires et cosmétiques. Parmi les valeurs et retombées positives de l’Arganier, le texte de proclamation de la Journée mondiale cite également l’autonomisation financière et l’émancipation de la femme dans le milieu rural. Grâce au rôle que joue l’Arganier en faveur des populations locales, le Maroc livre ainsi un véritable cas d’école en matière d’économie solidaire, d’éradication de la pauvreté et de développement humain à travers le soutien et la promotion du rôle des coopératives et autres formes d’organisations agricoles actives dans le secteur.
 
Générateur de richesse
 
Aujourd’hui, la filière de l’Arganier c’est un chiffre d’affaires annuel de 1,2 milliard de dirhams, c’est plus de 45.000 emplois féminins directs, et c’est aussi 25.000 points de vente partout dans le Maroc, d’Oujda à Boujdour, en passant par Berkane, Fès, Marrakech, sans oublier les capitales économique et administrative du pays. C’est dire que cette espèce rare et endémique, qui n’existe à l’état naturel nulle part ailleurs qu’au Maroc, est un vrai vecteur de développement social, économique et touristique. Des atouts qui viennent s’ajouter à la préservation de la biodiversité, à la conservation de l’équilibre de la nature et à la lutte contre les changements climatiques.
 
En effet, l’Arganier se distingue par ses modes et pratiques agro-forestières durables et résilientes qui assurent la viabilité des systèmes de production alimentaire, la préservation de la diversité biologique et l’adaptation et la mitigation des effets des changements climatiques.
 
Ainsi, Lahcen Kenny, Enseignant-Chercheur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan-II (IAV), nous explique que «l’arganier est un excellent vecteur d’atténuation du changement climatique, surtout qu’il est complètement résilient face à la sécheresse». C’est ainsi que le Maroc et l’Organisation des Nations Unies ont décidé de célébrer la deuxième édition de la Journée Internationale de l’Arganier, sous le thème «L’arganier, symbole de résilience». Une manifestation qui serait un moment de mobilisation nationale et internationale autour de cet arbre endémique et de son écosystème ancestral.
 
Un patrimoine menacé !
 
«Au cours des années, le volume des récoltes a énormément baissé», se désole Fatna, qui fait de l’arganier son métier depuis plus de trois décennies. Des baisses dues aux effets du changement climatique, aux cultures intensives et aux pressions croissantes sur la ressource. «Aujourd’hui, la demande à l’international est élevée, mais il faut absolument veiller à ce que cette dynamique d’ouverture sur le monde n’impacte pas les acquis locaux, notamment sur le côté culturel, social et économique», alerte Lahcen Kenny.
 
Sur le plan national, ces arbres s’étalent sur une superficie dépassant 800.000 hectares (ha) répartis sur les trois régions de Souss-Massa, Marrakech-Safi et Guelmim-Oued Noun. Dans ce même sens, il est prévu que la plantation de l’arganier agricole soit portée à 50.000 ha à l’horizon 2030 dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de développement du secteur de l’arganier, encadré depuis 2011.
 
Ces efforts fournis par le Royaume, terre d’origine de l’arganier, afin de le préserver et le développer, suscitent, néanmoins, l’intérêt des investisseurs étrangers, menaçant ainsi les producteurs locaux. «Il ne faut ménager aucun effort pour la valorisation de l’arganier, et ce, dans une logique 100% nationale», recommande Mohamed Bouhrist, président de la commune rurale de Taghazout, notant qu’il ne faut pas attendre des fonds étrangers pour passer à la vitesse supérieure.
 
«Aujourd’hui, le Maroc est pleinement lancé dans la promotion du Made in Morocco, et l’arganier est une espèce unique qui pourrait donner une vraie valeur ajoutée au pays dans ce sens», insiste-t-il.
 
Offrant ses feuilles pour les chèvres montagnardes, ses fleurs aux abeilles, ses fruits pour les plaisirs gastronomiques et cosmétiques de l’Homme, l’arganier ne peut être qualifié que de généreux, qu,i depuis des siècles, a été «l’arbre de vie» pour les populations du Sud. D’où la nécessité d’accompagner la stratégie nationale de la plantation de l’arganier, par une stratégie de régulation commerciale, pour éviter tout dérapage.
 
Souhail AMRABI

 

3 questions à Lahcen Kenny, Enseignant-Chercheur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan-II (IAV)

« L’arganier a été valorisé sous d’autres cieux, le Maroc a pu acquérir une bonne clientèle, désormais, l’heure est à la régulation »

- Quel rôle peut jouer l’Arganier dans un contexte de changement climatique ?
 
- Le changement climatique est, aujourd’hui, une réalité. Le Maroc, à l’instar de plusieurs autres pays, dispose d’une stratégie nationale pour lutter contre le changement climatique. Celle-ci est déclinée en deux composantes. La composante atténuation et la composante adaptation. Cela dit, il est à noter que la forêt de l’arganier pourrait aider considérablement à la réussite et à la consolidation de cette stratégie.
 
Premièrement, du fait que cette espèce occupe une superficie de 830.000 hectares qui contribuent à la fixation du CO² et à la séquestration du carbone dans le sol. Il s’agit donc d’un excellent vecteur d’atténuation du changement climatique, surtout que l’arganier est complètement résilient face à la sécheresse, en témoignent des arbres qui ont déjà subi cinq ans de sécheresse, mais qui, aujourd’hui, arrivent toujours à porter des fruits.
 
 
- L’Arganier a-t-il d’autres usages utiles à part les utilisations alimentaires, médicinales et cosmétiques ?
 
- En plus des points que vous avez mentionnés, l’arganier a un usage fourrager pour les animaux. Il a également un usage énergétique du fait que la coque, après le concassage, est utilisée pour le chauffage.
 
L’arganier a également un usage agricole. Les terres sous les forêts de l’arganier sont prometteuses pour la production céréalière et des fruits, car elles sont pleines de matières organiques. A cela s’ajoute la dimension culturelle autour de l’arganier, sans oublier la dimension sociale. Par exemple, durant la phase de concassage, les femmes parlent de leurs problèmes de famille. Une sorte de thérapie de groupe.
 
 
- Ces dernières années, l’arganier est très demandé à l’international. Cette forte demande ne menace-t-elle pas sa culture au Maroc ?
 
- Il faut absolument veiller à ce que cette dynamique d’ouverture à l’international n’impacte pas les acquis locaux, notamment concernant le côté culturel, social et économique. L’arganier a été valorisé sous d’autres cieux, le Maroc a pu acquérir une bonne clientèle, désormais, l’heure est à la régulation. Il faut donc se mettre à table et réfléchir sur un développement durable. Il y a des modèles à suivre, des pays qui ont pris des mesures courageuses pour préserver les écosystèmes et nous devons faire pareil, car si on ne fait rien, on risque le dérapage.

Arganiculture : six nouvelles variétés d’Arganier à haut rendement

Il permettra par ailleurs de renforcer l’organisation professionnelle des producteurs de la filière de l’Arganier « agricole », la conservation des sols et la protection contre l’érosion et l’ensablement. Le programme ambitionne également d’atteindre un rendement en fruit d’Arganier de 6 tonnes par hectare en année de croisière et une augmentation de la production de la province de 2.436 tonnes par an.

Pour augmenter la production d’huile d’Argane sans mettre à mal la forêt naturelle de l’arganier, le Maroc a entamé un programme de développement de l’arganiculture sur une superficie de 10.000 ha à l’horizon 2022. Ce programme, lancé par S.M. le Roi Mohammed VI en février 2020, s’étale sur la période 2021-2024. Il devrait profiter à 89 bénéficiaires, dont 19 femmes et 11 jeunes. Estimé à 8,8 millions de dirhams, ce projet a également pour objectif d’améliorer le revenu des bénéficiaires pour atteindre près de 24.000 DH/ha et créer près de 20.300 journées de travail/an.

Pour réussir à atteindre les objectifs de rendement, plusieurs variétés ont été sélectionnées au sein de l’arganeraie en raison de leur productivité et de leur qualité. Ainsi, six nouvelles variétés d’Arganier ont été développées et inscrites au catalogue officiel de l’Institut National de Recherche Agronomique. Une variété pollinisatrice performante est également en cours d’inscription. Ces nouvelles variétés permettront de réaliser de meilleures performances agronomiques au niveau du rendement et de la qualité, surtout pour les huiles d’Argane.

 

Réserve de biosphère de l’arganeraie

Le 8 décembre 1998, l’arganeraie a été déclarée par l’UNESCO première Réserve de Biosphère du Maroc sur une superficie de 2,5 millions d’hectares environ. Elle concerne les provinces et préfectures d’Agadir-Ida Outanane, Inzeguane-Aït Melloul, Chtouka-Aït Baha, Taroudant, Tiznit et Essaouira. Les principaux objectifs de la création de cette réserve sont : la préservation des ressources biologiques de valeurs paysagères et culturelles, le maintien de l’équilibre des écosystèmes et la contribution au développement local et régional. Suite à un projet de Résolution présenté par le Maroc, lors de la 195ème Session du Conseil exécutif de l’UNESCO en octobre 2014, l’élément «l’Argan, pratiques et savoir-faire liés à l’arganier» a été inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette inscription a eu lieu dans le cadre de la 9ème session du comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui s’est déroulée au siège de l’UNESCO à Paris, du 24 au 28 novembre 2014.

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