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Aménagement durable du littoral : Le CESE appelle à une dynamique d’urbanisation maîtrisée


Rédigé par Omar ASSIF Mercredi 5 Octobre 2022

Plusieurs dysfonctionnements entravent la mise en place d’une vision d’aménagement urbain durable du littoral national. Le CESE a livré son diagnostic et ses recommandations.



Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ? C’est la question à laquelle le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s’est attelé à répondre à travers une auto-saisine dont le résultat a été présenté jeudi dernier à Tanger. Fruit d’une approche participative, la perspective livrée par le Conseil a d’abord tenté de diagnostiquer les problématiques dont souffre cet écosystème aussi précieux que vulnérable. «Le littoral subit, de manière croissante, plusieurs pressions dues, notamment, à une urbanisation non-maîtrisée menaçant son équilibre écologique, et obérant sa contribution à un développement durable et résilient», souligne le CESE.

La mise en place d’un cadre juridique et institutionnel conforme aux engagements internationaux du Royaume, «n’a pas eu, à ce jour, d’impacts significatifs sur l’aménagement et le développement durable du littoral, en raison notamment du caractère pléthorique de l’arsenal législatif et réglementaire et d’un niveau insuffisant de cohérence entre les textes relatifs au littoral et les instruments et documents d’urbanisme», estime le Conseil.

Gouvernance peu performante

Accueillant plus de la moitié de la population et représentant un important pôle d’attraction pour différentes infrastructures et activités économiques, le littoral marocain fait par ailleurs l’objet d’une gouvernance «complexe et peu performante» en raison de la multiplicité des intervenants concernés. Cette situation est illustrée par la problématique «majeure» de la mobilisation du foncier littoral qui entrave le processus de planification urbaine.

« En effet, le foncier, particulièrement fragmenté sur cet espace, ne se prête guère à des opérations intégrées et pourtant valorisantes pour les investissements réalisés», souligne la même source. «Il en résulte un littoral qui se caractérise par une occupation abusive de certaines de ses parties, un étalement urbain peu contrôlé, notamment sur les rivages, ainsi que l’accélération de nombreux phénomènes : pollution, érosion côtière, surexploitation et exploitation illicite des ressources (pillage du sable), altération des paysages, etc. », alerte le CESE.

Les pistes de solution

Pour corriger cette situation, le Conseil «plaide pour un aménagement durable du littoral dans le sens d’une urbanisation maîtrisée assurant un équilibre entre le développement, la préservation et la valorisation de cet écosystème». Pour atteindre ces objectifs, le CESE a émis plusieurs recommandations dont la mise en oeuvre devrait se faire dans le cadre «d’une vision globale et concertée, socle d’une planification urbaine du territoire, innovante et adaptée».

Ainsi, le Conseil estime nécessaire de veiller à la bonne application des dispositions de la loi 81.12 relative au littoral, et d’assurer son effectivité, notamment par la mise en oeuvre des instruments de planification spécifiques au littoral en vigueur (PNL) et la confection de ceux non-encore élaborés à ce jour (schémas régionaux du littoral). Dans le même élan, les parties prenantes devraient «assurer une articulation optimale entre les documents d’urbanisme (SNAT, SRAT, SDAU, PA), les programmes territoriaux (PDR, PAC, etc.) et les politiques sectorielles, d’une part, et la loi sur le littoral, d’autre part».

Gestion intégrée du littoral

Le CESE recommande, par ailleurs, d’accorder aux communes plus de prérogatives décisionnelles en matière d’aménagement de leur territoire, de planification urbaine et d’élaboration des documents d’urbanisme. Le Conseil appelle aussi à repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales (en vue de renforcer la coordination interinstitutionnelle) et à mettre en place une nouvelle génération de documents d’urbanisme, conçus sur la base d’une démarche s’appuyant sur une approche scientifique de gestion intégrée du littoral, soucieuse d’impliquer la société civile et la population dans toutes les étapes du processus.

De même, parmi les priorités énumérées par le Conseil : « l’assainissement de la situation des constructions situées dans le domaine public maritime ou dans la bande des 100 m interdite à la construction» ainsi que «la mise en place de mécanismes de financement innovants et durables pour faciliter la mise en oeuvre des documents d’urbanisme et d’aménagement du territoire».



Omar ASSIF

Repères

Un cadre juridique étoffé
Le cadre juridique relatif au littoral national a été étoffé ces dernières années à travers différents textes et références normatives. L’on citera l’exemple de l’adoption de la loi 81-12 sur le littoral en 2015 qui a complété les dispositions légales relatives à l’urbanisme et l’environnement et qui a également introduit les principes de «gestion intégrée du littoral». Il convient aussi de mentionner le décret n° 2.21.965 portant approbation du Plan National du Littoral (PNL) prévu par la loi 81.12 et adopté en 2022.
 
Un pilier de l’économie bleu
Le littoral est considéré comme une composante majeure de l’économie bleue dont le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a vivement souligné l’importance. A l’instar d’autres secteurs à fort potentiel, le NMD recommande la mise en place d’une task-force dédiée à l’économie bleue, mandatée au plus haut niveau et incluant des représentants des sphères publiques et privées, avec pour mission de lever les contraintes qui entravent l’essor d’un secteur qui combine développement et protection des écosystèmes marins et littoraux.

L'info...Graphie

Aménagement durable du littoral : Le CESE appelle à une dynamique d’urbanisation maîtrisée

Elaboration


Une approche participative pour diagnostiquer les maux du littoral
 
Pour élaborer son avis sur l’aménagement et l’urbanisation du littoral, le CESE a sollicité, du 11 au 24 mai 2022, la contribution des citoyen(ne)s à travers sa plateforme «ouchariko.ma». «Le nombre d’interactions avec le sujet est de 16.281, dont 528 répondants au sondage. Ces interactions font ressortir globalement la perception des citoyen(e)s par rapport aux défis et aux enjeux du littoral, ainsi que les perspectives pour mettre en oeuvre un aménagement durable et une urbanisation harmonieuse des zones côtières du Maroc».

Les résultats du sondage montrent qu’une grande majorité des participants (85%) est insatisfaite de l’état d’aménagement et d’urbanisation du littoral national. Intégrés dans son avis intitulé «Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral? », ces résultats ont permis d’enrichir la réflexion et les recommandations dont la mise en oeuvre permettra «d’atténuer significativement les pressions croissantes sur cet écosystème vulnérable, de renforcer la résilience de ce milieu et de promouvoir l’effectivité des droits environnementaux ».
 

Rencontre


Vers une refonte du mode d’aménagement du littoral ?
 
Organisée jeudi au complexe administratif et culturel des Habous à Tanger, la rencontre de présentation de l’avis «Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?» a été animée par Ahmed Reda Chami, président du CESE.

Cette rencontre de communication s’est déroulée en présence du wali de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Mohamed Mhidia, du gouverneur de la province de Fahs-Anjra, Abdelkhalek Marzouki, du président du Conseil régional, Omar Moro, du directeur général de l’Agence pour la promotion et le développement du Nord (APDN), Mounir El Bouyoussfi, et de représentants de secteurs gouvernementaux, d’établissements publics, de Conseils élus, d’organismes internationaux, d’établissements de recherche et de la société civile, ainsi que des chefs des services décentralisés et des membres du CESE.

«Le littoral au Maroc pose des problématiques liées au degré de prise en compte d’une approche durable dans la gestion de ce milieu naturel vulnérable, ainsi qu’à la pression anthropique accrue sur cet écosystème», a souligné Ahmed Reda Chami à cette occasion. Selon le CESE, l’intérêt de l’avis sur la dynamique d’urbanisation durable du littoral procède des enjeux actuels et futurs du littoral, lesquels appellent une refonte profonde du mode d’aménagement de ce territoire.

A noter que la rencontre a coïncidé avec la célébration à Tanger de la Journée du littoral méditerranéen et le lancement des travaux préparatifs pour l’élaboration du Schéma Régional du Littoral par le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable.
 

3 questions à Houcine Nibani, enseignant en génie du littoral


« Le vrai problème se pose dans la façon avec laquelle les parties prenantes pourraient réellement parvenir à appliquer ces recommandations »
 
Consultant auprès du Plan Bleu dans le cadre du Schéma Régional du Littoral de la région Tanger-Tétouan El Hoceima et enseignant en génie du littoral, Houcine Nibani répond à nos questions.
 
- Quelle est votre commentaire vis-à-vis de l’avis du CESE concernant les efforts à déployer pour aménager le littoral d’une manière durable ?

- L’avis du CESE a bien cerné les problématiques qui existent et ses recommandations sont logiques dans le sens où le travail d’analyse qui a été effectué vise à favoriser la mise en place d’un aménagement durable du littoral dans le cadre d’une urbanisation maîtrisée assurant un équilibre entre le développement, la préservation et la valorisation de cet écosystème. Cela dit, le vrai problème se pose dans la façon avec laquelle les parties prenantes pourraient parvenir réellement à appliquer ces recommandations.


- Quel est le cadre logique qui, selon vous, permettrait d’améliorer l’applicabilité de ces axes d’intervention prônés par le CESE?

- Je pense que chaque région devrait d’abord faire le diagnostic approfondi des menaces qui pèsent sur son littoral. À partir de là, il sera nécessaire de déterminer un but à long terme qui décrit la bande de l’équilibre à atteindre entre aménagement et sanctuarisation des espaces littoraux. Une fois que cette vision aura fait l’objet d’un consensus chiffré et atteignable, elle doit être contractualisée afin de devenir une norme contraignante. Cela pourrait par ailleurs se faire dans le cadre de l’élaboration des Schémas Régionaux du Littoral (SRL).


- Quelle est la meilleure approche méthodologique pour élaborer une feuille de route de ce genre ?

- Malheureusement, les approches écosystémiques qui sont les mieux adaptées à ce genre de problématique sont très peu appliquées au niveau mondial, par manque de maîtrise des outils «d’analyse systémique de durabilité prospective». Ce n’est qu’à travers une méthodologie de ce genre que le littoral pourra réellement faire l’objet d’une dynamique urbaine d’aménagement durable permettant de tirer le meilleur profit de ses valeurs ajoutées socio-économiques sans altérer ses services écosystémiques.

Nous sommes cependant en train de développer une approche de ce genre dans le cadre de l’élaboration du Schéma Régional du Littoral (SRL) pour la région de Tanger. J’espère que cette expérience pourra mettre en place un modèle méthodologique réplicable au niveau national.


Recueillis par O. A.