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International

Algérie : Grossière manipulation des déclarations d’un haut responsable américain en visite à Alger


Rédigé par Hichem ABOUD Lundi 11 Décembre 2023

Sa visite complètement ignorée et passée sous silence tant par les officiels que par les médias algériens, Joshua Harris, le Secrétaire adjoint du département d'État américain chargé des Affaires du Proche-Orient a été surpris de voir ses déclarations faites à un média électronique algérien déformées à un point où on avait tendance à lire les propos d’un responsable du Polisario.



Arrivé à Alger le 6 décembre dernier pour une série de consultations avec les l’Algérie et le Maroc pour régler le vieux conflit entre les deux pays qui dure depuis près d’un demi-siècle, Joshua Harris a été reçu par Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères. Sans plus. D’habitude, des officiels de moindre importance sont reçus en grande pompe par le président de la république. Il est vrai que l’objet de la visite du diplomate américain semble déranger les officiels algériens. Pour la première fois, la première puissance mondiale avec laquelle ils enregistrent avec satisfaction un sensible rapprochement, se mêle d’une affaire que le régime algérien considère comme vitale pour sa survie.

Une gêne que reflète parfaitement le silence qui a entouré la visite du diplomate américain. Aucun média n’en a soufflé mot. Même le portail électronique du ministère des affaires étrangères a ignoré la rencontre du ministre avec l’envoyé spécial américain. Pour maquiller le silence médiatique, les autorités algériennes ont présenté à Joshua Harris, le responsable d’un site électronique, « l’Algérie Maintenant », inconnu de l’opinion publique et financé par deux organismes publics (l’Agence Nationale de l’Edition et de la Publicité et l’opérateur public de téléphonie mobile MOBILIS). Un site éditant en arabe et agissant dans un total anonymat. Ni adresse de siège, ni registre de commerce ni signatures de journalistes connus. Pas de numéro de téléphone et pas d’adresse électronique, non plus. Un site que de nombreux journalistes algériens attribuent la paternité aux services de renseignements de la Direction Générale de la sécurité Extérieure.

Bien que, la quasi-totalité des organes de la presse algérienne qu’ils soient du secteur public ou privé sont sous les ordres des services de renseignements, c’est un site d’information inconnu qu’on présente au diplomate américain pour un entretien exclusif. Et pour cause. La prouesse que va réaliser le directeur de ce média aucun autre des plus inféodés n’aurait acceptée. Déformation totale des propos de l’envoyé spécial américain. A un point où l’on croit qu’il s’agit du porte-parole du Polisario qui parle. A titre d’exemple, ce fameux média met dans la bouche du diplomate américain une énormité du genre « Il n'y a pas de raccourci pour résoudre le problème, si ce n'est l’appui des Nations unies à soutenir le peuple sahraoui afin qu'il ait le droit à l’autodétermination ». Ou cet autre spécimen de déformation « La solution politique permanente est, pour moi, de permettre au peuple du Sahara occidental de prendre une décision appropriée concernant son avenir. Notre politique est claire et notre position est claire avec le gouvernement algérien, selon laquelle toute initiative de solution doit venir des Sahraouis eux-mêmes car elle concerne le peuple sahraoui »

Malheureusement pour ce média qui a décroché la timbale d’une interview avec un haut responsable de l’administration US, l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Alger a publié la version authentique. Une version dans laquelle on ne trouve nulle trace de référendum, de peuple sahraoui ou d’autodétermination.

« Les Etats-Unis souhaitent une solution politique durable et digne au Sahara occidental. Nous envisageons sérieusement d’utiliser notre influence pour permettre un processus politique réussi à l’ONU. Une résolution facilitée par l’ONU se fait attendre depuis longtemps. Les envoyés précédents de l’ONU ont essayé de nombreuses voies différentes, mais malheureusement jusqu’à présent, ces efforts n’ont pas abouti », ce passage qui n’arrange guère les affaires du régime algérien a sauté dans la version de « l’Algérie maintenant ». Tout comme cet autre passage « Les Etats-Unis considèrent la proposition d’autonomie du Maroc comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental ».

Cependant, le passage le plus fort de l’entretien accordé par Joshua Harris à cet énigmatique site d’information concerne la mise en garde faite à l’Algérie par les USA concernant les récentes attaques du Polisario contre des cibles civiles au Maroc, notamment dans la ville d’Asmara. A ce propos, il a déclaré sans ambages « tout ciblage de civils est totalement inacceptable. Il est donc plus que jamais urgent de mettre en place un processus politique pour empêcher une nouvelle escalade. Les Etats-Unis sont très concentrés sur la création des conditions permettant au processus politique d'aboutir finalement à du mouvement ».
Ce qui est remarquable dans les propos du diplomate américain à aucun moment, il n’a cité le Polisario. Ce qui signifie que pour la Maison Blanche, les protagonistes dans la tension qui menace la sécurité régionale sont le Maroc et l’Algérie. Nulle place à une autre partie dans le conflit. Chose que le régime algérien a, toujours, réfuté en allant jusqu’à considérer la rupture des relations diplomatiques et la fermeture des frontières terrestres et aériennes étrangères au dossier sahraoui. Un conflit que beaucoup d’opposants algériens considèrent comme vital pour le régime d’Alger.

Si le soutien au Polisario reposait, au début du conflit au milieu des années 70, sur la base du principe cher à l’Algérie, celui du droit à l’autodétermination des peuples, cinquante ans plus tard, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et les données ont totalement changé. Entre autres donnée qu’on considère comme désuète, celle du référendum pour l’autodétermination. Ce référendum concernait 74.000 personnes originaires de l’ancienne colonie espagnole, dont les noms étaient fixés sur une liste arrêtée par les autorités coloniales de l’époque. 48 ans plus tard, des 74.000 personnes concernées il n’en reste pas beaucoup de monde. L’horloge biologique a eu raison d’un grand nombre d’entre eux et la guerre engagée par le Polisario en a englouti des milliers d’autres.

L’autre donnée qui a rendu caduc le référendum est le brassage des populations qu’a connu cette région et les nombreuses réalisations socio-économiques et culturelles qui ont fait de Saguiet El Hamra et le Rio de Oro un véritable pôle de développement dont est fier le royaume marocain.

Faut-il rappeler qu’au moment où le Maroc menait une véritable guerre contre le sous-développement et la pauvreté de cette région, le Polisario était paralysé par l’arrêt du soutien que lui apportait une Algérie engluée dans une sanglante guerre civile. Ce n’est qu’avec l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune, « imposé par les généraux d’une armée qui a volé le hirak du peuple qui a chassé du pouvoir Bouteflika et ses hommes » que le régime algérien a relancé la tension entre les deux pays jusqu’à rompre les relations diplomatiques et fermer les frontières aériennes. Un président mal élu et par conséquent en déficit de légitimité populaire soutenu par une armée dénoncée régulièrement par une population qui réclame à qui voudrait l’entendre « un Etat civil et non pas militaire ». C’est ce qui a poussé les nouveaux dirigeants à trouver dans le conflit algéro-marocain le danger externe qui nécessite la sacro-sainte union entre le peuple et les gouvernants contre l’ennemi étranger. Un ennemi étranger auquel les généraux ont ajouté un ennemi interne qualifié de terroriste. Un terrorisme d’un autre genre. Des mouvements d’oppositions et des personnalités indépendantes qui crient tout haut ce que pense le peuple tout bas parce qu’il est réprimé et interdit de s’exprimer librement.

Le règlement du conflit algéro-marocain, selon de nombreux observateurs pourrait constituer le déclic tant attendu par le peuple algérien pour mettre un terme au régime militaire qui cèdera la place à un Etat de droit tant rêvé par les Algériens.



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