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Ahmed Lahlimi : « La crise a fait perdre au Maroc deux ans et demie de croissance »


Rédigé par Anass Machloukh Vendredi 15 Juillet 2022

Le Haut-Commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, a dit les choses telles qu’elles sont en évoquant l’état de l’économie nationale et les perspectives du futur. Les crises successives subies par le Royaume lui ont fait perdre deux années et demi de croissance. Face aux perspectives « pessimistes » des deux prochaines années, un changement de paradigme est plus que jamais nécessaire. Le patron du HCP plaide pour la répartition des richesses et une « révolution morale » dans la gestion des fonds publics ainsi qu’un nouveau modèle agricole.




C’est un diagnostic inquiétant qu’a fait le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi de l’état de l’économie nationale. Ce dernier s’est montré pessimiste lors de la présentation des perspectives économiques des deux prochaines années. En effet, la crise du Covid-19 et les effets de l’inflation ont été tellement durs que leurs conséquences ont fait perdre au Maroc deux années et demie de croissance. Le patron du HCP a livré un constat encore plus alarmant. Selon lui, le Royaume a perdu trois ans de lutte contre la pauvreté. La crise actuelle, fruit d’une conjonction de plusieurs calamités (covid-19, inflation mondiale, guerre en Ukraine…) a réduit à néant tous les efforts consentis par le Maroc pour la réduction des inégalités sociales.
 
« L’impact de la crise sur les classes riches est beaucoup moins important que sur les classes moyennes et populaires. Ces trois dernières années ont effacé tous les efforts de réduction des inégalités au fil des deux dernières décennies », a regretté M. Lahlimi, soulignant que notre pays est revenu au niveau des inégalités des années 2000. Selon lui, les 20% les plus riches n’ont pas autant pâti de l’inflation actuelle que les 20% les plus pauvres. Ces derniers ont dû réduire leurs dépenses vu la hausse des produits de première nécessité.
 
1,3% de croissance en 2022, 3,7% en 2023
 
Concernant les perspectives des années 2022 et 2023, les chiffres du HCP différent de ceux de Bank-Al-Maghrib. La pandémie, rappelons-le, a provoqué une récession de 7,1% en 2020, le pays a été capable de compenser les pertes l’année suivante en réalisant une croissance de 7,9%, selon les chiffres de la même institution. En 2022, la croissance devrait chuter à 1,3%, à cause de la sécheresse qui réduit drastiquement la production agricole, dont la valeur ajoutée chutera de 13,5%, avant de connaître un léger rafraîchissement en 2023 (+11,8). Le déficit commercial ne manquerait pas de se creuser de -17, 9% en 2022, à cause de la hausse de la facture des matières premières importées de l’étranger. À quoi s’ajoute une dégradation des finances publiques, le HCP prévoit un déficit budgétaire de 5,5% à la fin de l’année courante. Ceci est dû à la hausse des dépenses de compensation et d’investissement de l’Etat, qui augmenteront respectivement de 11% et 8,5% en 2022 et 2023. Ceci aura certainement un impact sur l’endettement, sachant que la dette publique devrait s’accroître pour passer à 83,3% du PIB au lieu de 82,5% en 2021. Ici, il convient de noter que l’endettement du trésor devrait atteindre 70,4% du PIB, l’endettement extérieur de l’Etat restera stabilisé à 23,6%, soit un niveau supérieur à la moyenne observée entre 2014 et 2019. Tous ces éléments susmentionnés devraient pousser le besoin de financement à 4,4% du PIB en 2022 au lieu de 2,3% l’année précédente.
 
En 2023, la croissance devrait s’améliorer et se situer à 3,7%, avec une campagne agricole jugée moyenne et une inflation moins sévère qu’aujourd’hui (O,8% au lieu de 4,9% en 2022). Le déficit budgétaire, le déficit commercial, et le besoin de financement resteront à des niveaux similaires à ceux enregistrés en 2022.
 
Les maux de l’économie marocaine !
 
Face aux chamboulements de l’économie mondialisée, le Maroc demeure fragile et fort vulnérable. À entendre l’allocution du patron du HCP, on se rend vite compte que l’économie nationale souffre de trois maux principaux, à savoir une dépendance excessive de l’agriculture, la corruption et l’inefficacité de l’investissement, trop timide pour propulser la machine de la croissance. En ce qui concerne l’agriculture, l’économie en dépend trop à tel point que la croissance dépend toujours de la récolte. « Quand l’agriculture va bien, l’économie se porte bien avec une croissance d’environ 4%, mais quand elle va mal, aussitôt la croissance chute à 1% », a expliqué l’ex ministre socialiste, appelant de ses vœux à une rupture avec le modèle agricole actuel pour aboutir à un modèle plus résilient, capable de garantir la sécurité alimentaire nationale que le modèle des grandes exploitations modernes ne peut faire. Lahlimi a préconisé la promotion des exploitations familiales et le soutien au petit agriculteur. « Les grands se débrouillent très bien », a-t-il nuancé, appelant à stopper l’hémorragie des agriculteurs vers les métropoles.
 
Pour une rupture basée sur « l’exemplarité morale »
 
Compte tenu de ce la conjoncture difficile et des aléas de l’économie mondiale, que faire pour se préparer aux perspectives moroses qui s’annoncent ? « À des problèmes structurels, il faut répondre par des solutions structurelles, tranche le « boss » du HCP, qui appelle de ses vœux à un véritable changement des politiques publiques, dans le sens de justice sociale et la répartition des richesses. En somme, pour que le Maroc sorte plus fort de la crise actuelle, Ahmed Lahlimi a livré une recette basée essentiellement sur la révolution de l’investissement dont l’efficacité reste limitée. Force est de rappeler que le Maroc investit près de 30% de son PIB sans être capable de générer une croissance digne d’un pays qui aspire à faire « un décollage économique », à l’instar des pays émergents. À cet égard, Lahlimi évoque les effets ravageurs de la corruption, d’où son appel à « l’exemplarité morale », seule garante d’une gestion rationnelle des fonds publics. En parlant de l’investissement, Ahmed Lahlimi s’est insurgé contre la mentalité qui consiste à parier uniquement les capitaux étrangers sans encourager le capital marocain à investir de façon plus conséquente. Le patron du HCP a cité un ambassadeur du Royaume-Uni qui lui avait dit une fois que les investisseurs britanniques ne viendront investir au Maroc que lorsqu’ils verront que « les Marocains investissent eux-mêmes dans leur propre pays ». Lahlimi s’est plaint également de la rigidité de l’Administration et les dysfonctionnements de la concurrence dans les marchés. Toutefois, il s’est montré confiant dans les bienfaits de la nouvelle Charte de l’Investissement, adoptée, jeudi, lors du Conseil des ministres.

En somme, Ahmed Lahlimi a plaidé pour un véritable « Etat providence ». La sortie de crise est, selon lui, strictement liée à l’application pure et simple du Nouveau modèle de Développement.








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