Longtemps laissée-pour-compte dans les débats agricoles, la petite et moyenne agriculture familiale (PMAF) se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. Bien qu’elle soit fragmentée, peu mécanisée et mal connectée aux marchés, elle n’en demeure pas moins un pilier des zones rurales, assurant la sécurité alimentaire de millions de foyers. Indispensable à l’équilibre de ces territoires, elle peine toutefois à se faire entendre dans les grandes stratégies agricoles, étouffée par des priorités plus visibles.
Conscient de l’importance de ce potentiel encore largement en jachère, le Conseil Economique, Social et Environnemental a présenté, mercredi à Rabat, un avis consacré à ce modèle agricole. Ce rapport examine les défis majeurs auxquels il est confronté et propose des recommandations concrètes pour renforcer sa viabilité économique tout en optimisant ses fonctions sociales et environnementales. Le CESE y plaide pour une reconnaissance pleine de ce modèle agricole, en tant que levier stratégique des politiques rurales et agricoles du Royaume, au service d’un développement durable, équitable et inclusif.
Fruit d’une démarche participative, cet avis repose sur un dialogue approfondi entre les composantes du Conseil, des auditions menées auprès des parties prenantes, une mission de terrain dans la province d’Essaouira, ainsi que sur les contributions recueillies via la plateforme citoyenne «ouchariko.ma» et les réseaux sociaux.
D’après les constats du Conseil, les exploitations familiales représentent près de 70% des unités agricoles au Maroc, mais demeurent largement marginalisées dans les politiques publiques, notamment en matière de financement, d’appui technique et d’accompagnement. Le Plan Maroc Vert ne leur a consacré que moins de 15% des investissements, bien qu’elles soient les principales actrices de l’agriculture solidaire.
Conscient de l’importance de ce potentiel encore largement en jachère, le Conseil Economique, Social et Environnemental a présenté, mercredi à Rabat, un avis consacré à ce modèle agricole. Ce rapport examine les défis majeurs auxquels il est confronté et propose des recommandations concrètes pour renforcer sa viabilité économique tout en optimisant ses fonctions sociales et environnementales. Le CESE y plaide pour une reconnaissance pleine de ce modèle agricole, en tant que levier stratégique des politiques rurales et agricoles du Royaume, au service d’un développement durable, équitable et inclusif.
Fruit d’une démarche participative, cet avis repose sur un dialogue approfondi entre les composantes du Conseil, des auditions menées auprès des parties prenantes, une mission de terrain dans la province d’Essaouira, ainsi que sur les contributions recueillies via la plateforme citoyenne «ouchariko.ma» et les réseaux sociaux.
D’après les constats du Conseil, les exploitations familiales représentent près de 70% des unités agricoles au Maroc, mais demeurent largement marginalisées dans les politiques publiques, notamment en matière de financement, d’appui technique et d’accompagnement. Le Plan Maroc Vert ne leur a consacré que moins de 15% des investissements, bien qu’elles soient les principales actrices de l’agriculture solidaire.
L'agroécologie à l'échelle
Pour le CESE, le temps est venu de hisser la promotion des PMAF au rang de priorité nationale. Dans cette optique, il émet une série de recommandations visant à accompagner la transition vers un modèle agricole plus résilient. L'une des pierres angulaires de cette transition repose sur la généralisation des pratiques agroécologiques : diversification et rotation des cultures, gestion optimisée de l’eau, et promotion de cultures économes en ressources comme le safran ou l’arganier, en articulation avec les espèces traditionnelles qui forgent l’identité agricole des régions. Ce changement de cap suppose également une mobilisation de l’innovation, une revalorisation des savoir-faire locaux, ainsi qu’une refonte de la gouvernance foncière pour répondre au morcellement croissant des terres.
La coopérative, levier de croissance
Au centre de cette stratégie se trouve la nécessité de structurer les exploitations familiales en coopératives ou en groupements économiques. Une telle organisation permettrait de mutualiser les moyens de production, de renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs et de faciliter leur insertion dans des chaînes de valeur plus équitables. Parallèlement, le développement territorial repose sur la création d’unités de transformation de proximité, vecteurs de dynamisme économique rural et de consolidation des circuits courts.
Soutenir les éleveurs locaux
Le CESE souligne aussi l’importance de soutenir l’élevage local à travers la valorisation des races autochtones et l’adoption de croisements adaptés, appuyés par un conseil agricole renforcé et des dispositifs de financement mieux ciblés. Enfin, il plaide pour une reconnaissance pleine et entière des services environnementaux rendus par l’agriculture familiale, à intégrer dans les politiques publiques via des mécanismes incitatifs favorisant la préservation des ressources naturelles.
Dans le cadre de la gestion de l’eau, le président du CESE, Abdelkader Amara, a rappelé que cette problématique dépasse les frontières nationales. Approché par «L’Opinion», il a ainsi suggéré l’adoption de cultures alternatives comme solution pour faire face à la rareté de l’eau. En outre, il a souligné que la PMAF doit avoir accès à l'eau de manière équitable, à l’instar des grandes exploitations agricoles, en mettant en place des mécanismes permettant un partage juste des ressources hydriques.
Sur un autre aspect, Abderrahmane Kandila, rapporteur de l’avis, a mis en évidence que les exploitations de moins de cinq hectares génèrent 29% de la valeur ajoutée agricole nationale et a souligné l'importance des filières spécialisées, telles que l’agriculture biologique et les produits de terroir, pour dynamiser l’économie rurale.
Mariem LEMRAJNI
Avis d’expert : « Il faut créer un système de commercialisation rentable pour les produits des petits agriculteurs »
Interrogé par «L’Opinion» sur l’accompagnement de la petite et moyenne agriculture familiale, Lahoucine Hissem, Ingénieur-Conseiller en Éco-développement, a proposé des pistes pour exploiter les mécanismes de soutien et dynamiser les activités des petits agriculteurs. Selon lui, il est crucial de mettre en place un système de commercialisation intégré de leurs produits qui soit rémunérateur, à l’image du système lait où les agriculteurs sont partie prenante de la collecte, de la transformation et de la distribution à travers une société mutualiste dont ils détiennent des parts. Ainsi, toute la valeur ajoutée leur revient, et les consommateurs en profitent également avec des prix sans intermédiaires ni spéculation.
Il souligne aussi l’importance d’un système de financement et d’incitation mieux adapté, avec des taux d’intérêt bonifiés correspondant à leurs capacités de remboursement, ainsi qu’un financement intégré couvrant tous les facteurs de production.
En outre, il recommande un système d’incitation orienté vers des actions structurantes durables, telles que les aménagements fonciers, les brisevents, les constructions rurales, les bâtiments d’élevage, de stockage, l’arboriculture, etc. Il est essentiel de s’assurer que la contribution effective de l’agriculteur soit proportionnelle à ses capacités. Il recommande également d’éviter les subventions à 100%, car ce qui est gratuit perd de sa valeur et ne suscite ensuite aucune considération.
Il a également précisé que face aux effets du changement climatique au Maroc, qui entraînent une réduction des précipitations de 20 à 30% et une augmentation des températures de 2 à 3°C, il est essentiel de généraliser les brisevents et de planter des haies autour des parcelles agricoles. Ces mesures permettent de réduire les pertes en eau de 20%, d’atténuer les variations de température et d’augmenter les rendements agricoles de 20%. Ainsi, la réhabilitation écologique à grande échelle aiderait le Maroc à mieux faire face au changement climatique.
Il souligne aussi l’importance d’un système de financement et d’incitation mieux adapté, avec des taux d’intérêt bonifiés correspondant à leurs capacités de remboursement, ainsi qu’un financement intégré couvrant tous les facteurs de production.
En outre, il recommande un système d’incitation orienté vers des actions structurantes durables, telles que les aménagements fonciers, les brisevents, les constructions rurales, les bâtiments d’élevage, de stockage, l’arboriculture, etc. Il est essentiel de s’assurer que la contribution effective de l’agriculteur soit proportionnelle à ses capacités. Il recommande également d’éviter les subventions à 100%, car ce qui est gratuit perd de sa valeur et ne suscite ensuite aucune considération.
Il a également précisé que face aux effets du changement climatique au Maroc, qui entraînent une réduction des précipitations de 20 à 30% et une augmentation des températures de 2 à 3°C, il est essentiel de généraliser les brisevents et de planter des haies autour des parcelles agricoles. Ces mesures permettent de réduire les pertes en eau de 20%, d’atténuer les variations de température et d’augmenter les rendements agricoles de 20%. Ainsi, la réhabilitation écologique à grande échelle aiderait le Maroc à mieux faire face au changement climatique.
Statut des terres agricoles : Le dilemme du foncier
La question de l’accès au foncier représente un défi croissant pour la petite et moyenne agriculture familiale. Certes, des efforts ont été consentis pour clarifier et régulariser le statut des terres agricoles, mais de nombreux défis demeurent. Parmi ceux-ci, il y a lieu de citer :
la multiplicité des intervenants, la diversité des statuts juridiques et l’insuffisance de mécanismes efficaces de coordination territorialisée en matière d’action foncière ;
le manque d’immatriculation: environ 88 % des terres de la petite agriculture ne sont pas immatriculées.
Il s’agit soit de melk non-immatriculés, soit de terres collectives, qui ne disposent donc pas des garanties nécessaires pour accéder au crédit bancaire. Cette situation fragilise cette forme d’agriculture;
le morcellement des terres agricoles, dû à la succession et à la division des parcelles, ce qui réduit la taille moyenne des exploitations et impacte la productivité ;
le fait que d’environ 66 % des exploitations de moins de 5 ha sont en indivision, exposant cette population à des conditions particulièrement précaires.
le manque d’immatriculation: environ 88 % des terres de la petite agriculture ne sont pas immatriculées.
Il s’agit soit de melk non-immatriculés, soit de terres collectives, qui ne disposent donc pas des garanties nécessaires pour accéder au crédit bancaire. Cette situation fragilise cette forme d’agriculture;
le morcellement des terres agricoles, dû à la succession et à la division des parcelles, ce qui réduit la taille moyenne des exploitations et impacte la productivité ;
le fait que d’environ 66 % des exploitations de moins de 5 ha sont en indivision, exposant cette population à des conditions particulièrement précaires.
Agriculture : Une assurance imparfaite face aux risques climatiques
Face aux aléas climatiques, aux maladies et à l’instabilité des prix, le secteur agricole et les agriculteurs reste fortement à risque. Pour y répondre, l’assurance agricole, portée par la Mutuelle agricole marocaine d’assurance (MAMDA) et soutenue par l’État, tente de limiter les pertes. Actuellement, 1 million d’hectares de surfaces agricoles utiles (SAU) sont couverts. L’objectif est ambitieux visant à atteindre 2,2 millions d’hectares assurés d’ici 2030. Ce dispositif propose une couverture multirisque climatique pour les principales cultures (céréales, légumineuses, oléagineux, arboriculture), mais exclut les cultures maraîchères. La sécheresse, à elle seule, représente 41 % des risques impactant le chiffre d’affaires du secteur.
L’indemnisation, cependant, n’est déclenchée que si une commune est déclarée sinistrée par le ministère de l’Agriculture. Ce statut dépend d’un rendement observé inférieur à la moyenne des dix dernières années. Une commission mixte évalue alors les pertes sur un échantillon représentatif. Si le rendement estimé dépasse le seuil de référence, aucun dédommagement n’est prévu.
Les limites les plus saillantes de ce mécanisme concernent la couverture partielle, des critères d’indemnisation peu individualisés, mécanisme qui manque d’informations pour les petits exploitants. Autant de défis à relever pour rendre l’assurance agricole plus inclusive et efficace dans un contexte de dérèglement climatique croissant.
L’indemnisation, cependant, n’est déclenchée que si une commune est déclarée sinistrée par le ministère de l’Agriculture. Ce statut dépend d’un rendement observé inférieur à la moyenne des dix dernières années. Une commission mixte évalue alors les pertes sur un échantillon représentatif. Si le rendement estimé dépasse le seuil de référence, aucun dédommagement n’est prévu.
Les limites les plus saillantes de ce mécanisme concernent la couverture partielle, des critères d’indemnisation peu individualisés, mécanisme qui manque d’informations pour les petits exploitants. Autant de défis à relever pour rendre l’assurance agricole plus inclusive et efficace dans un contexte de dérèglement climatique croissant.