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Culture

A bâtons rompus avec la chanteuse Oum


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 12 Septembre 2021

L’auteure-compositrice-interprète, installée depuis quelque temps à Paris, continue son exploration de sons qui naissent et grandissent loin de toute édulcoration. Elle y tient avec force, le prouve au fil de ses créations jusqu’à ce nouveau concept dit «HALs». Elle nous parle de cette fraîche production, de sa nouvelle tournée, de ses préoccupations artistiques, taclant gentiment la soirée «Fête de la chanson à l’orientale» de France 2.



Oum avec son complice cubain M-Carlos / crédit photos : Cédric Matet
Oum avec son complice cubain M-Carlos / crédit photos : Cédric Matet
- Après des mois d’expectative due à la pandémie, vous reprenez la route pour plusieurs concerts européens (Genève, Montpellier, Timisoara, Varsovie…) Comment est né ce beau périple ?

- La tournée «Daba» a dû être suspendue en mars 2020 après avoir tout juste commencé, mais j’ai travaillé pendant toute cette période sans concerts sur un projet alternatif avec le saxophoniste M-Carlos.

HALs est le nom de ce concept duo-électro où nous proposons une exploration de sept états de l’être vécus depuis le début de la pandémie : La peur, la confusion, le désir, l’acceptation, le besoin d’expression, le rêve et l’empathie. Après plusieurs résidences de création dans des studios parisiens, puis à l’Institut du Monde Arabe et enfin au festival des Suds à Arles, nous sommes prêts à présenter ce nouveau répertoire. Et à présent que les salles rouvrent leurs portes et que les festivals reprennent leur programmation, c’est pour moi une chance de pouvoir retourner sur scène avec deux spectacles : «Daba», mon dernier album studio, et «HALs», création originale née dans le contexte pandémique actuel. Il faut rappeler que pour le premier, plusieurs concerts avaient été reportés et que de nouvelles dates s’ajoutent progressivement au planning de la tournée.


- Parlez-nous du concept de «HALs».

- Hal en arabe signifie état, situation, émotion. Le projet HALs est une pièce en sept actes. Chacun de ces actes est dédié à une émotion, une sensation, un état de l’être. Ce sont ces états que nous avons expérimentés depuis le début de la crise sanitaire mondiale et qui continuent de nous traverser, avec à chaque fois une intensité différente, un aspect inédit.

Ce sont des émotions que nous connaissons tous mais que nous redécouvrons depuis plusieurs mois, qui s’expriment en nous, et que nous exprimons consciemment ou inconsciemment, d’autant de manières nouvelles, dans l’espace intime, le milieu professionnel, social, digital... Pour chacun des sept actes de la pièce HALs, il y a un noyau composé d’un texte et d’une base musicale ou sonore, laissant le champ libre à différentes possibilités d’interprétation sur scène.

Ainsi, l’expression de ces sept états peut prendre des formes plus ou moins différentes comme c’est le cas en ce qui concerne notre propre ressenti quant à telle ou telle autre émotion qui se répète et se renouvelle en cette période atypique.

Les textes sont écrits en arabe dialectal marocain (darija) avec des intervalles dans plusieurs langues, français, anglais, espagnol… C’est un projet expérimental à travers lequel nous jouons le jeu de l’improvisation, et de la redécouverte de soi dans un contexte imprégné d’incertitudes mais où chacun doit trouver ses marques pour composer la suite.
 
J’ai arrêté de souffrir de ne pas savoir donner un genre à la musique que je fais »
 
- Maintenant que vous êtes installée en France, les voies s’ouvrent-elles plus facilement pour votre voix ?

- Pour que s’ouvrent les voies, je dirais qu’il faut beaucoup marcher. A Paris, il y a des musiciens du monde entier, et une véritable énergie créative, mais c’est aussi une ville dure où on doit rester en mouvement, chercher des opportunités, multiplier les rencontres et les échanges avec d’autres artistes. S’imprégner de cette effervescence culturelle puis explorer de nouveaux champs d’expression.

Bien que je sois arrivée ici dans une période compliquée où se sont enchaînés les confinements et les restrictions et où les lieux culturels ont été mis dans un coma artificiel, Paris vibre et reste inconditionnellement une ville qui a beaucoup à offrir quand on veut voir, apprendre, créer... travailler.
 
Paris est une ville dure où on doit rester en mouvement, chercher des opportunités…»

- De qui et de quelles origines se compose votre actuel combo ?

Mes compagnons de longue date - depuis «Soul of Morocco» en 2012 - sont : Yacir Rami, oudiste et compositeur marocain, et Damian Nueva bassiste et contrebassiste cubain. Le trompettiste français Camille Passeri, lui, est arrivé au début de la tournée de l’album «Zarabi». Et enfin Carlos Mejias, alias M-Carlos, saxophoniste cubain. Il est le dernier à avoir rejoint la famille pour la production de «Daba», et c’est aussi mon binôme dans «HALs».


- Vous continuez à ne vous plier à aucune contrainte de style. Vous poursuivez vos rêves comme vous les rêvassez…

Disons que j’ai arrêté de souffrir de ne pas savoir donner un genre à la musique que je fais. Le genre, ça limite. Il faut s’en libérer si on veut écouter qui nous sommes. Ce qui m’importe c’est de sentir qu’il y a une justesse, un alignement entre ce que je ressens, ce que j’écris, compose et chante.

La musique de chacun est comme une audio-identité. J’aime l’idée de construire sa propre identité au lieu de se contenter du patrimoine génético-historico-culturel. Et comme dans tout processus créatif, le changement fait partie du jeu, tout comme la diversité, la pluralité et l’expérimentation. La musique nous transforme, pour nous rapprocher de ce que nous sommes vraiment.


- Lors de la soirée de France 2 enregistrée à Marrakech et diffusée samedi dernier, l’oriental a été noyé dans des sauces trop exotiques. L’auteur-compositeur André Manoukian qui était aux commandes de cette nouba a brillé, de son côté, par des rafales d’approximations. Vous n’y avez, heureusement, pas pris part mais vous êtes en projet avec le musicien.

- J’ai vu passer quelques stories de cette soirée sur les réseaux. A vrai dire, je ne regarde pas la télévision. Sinon, je n’ai pas été invitée, et c’est très bien ainsi. D’abord parce que je ne me sens pas vraiment orientale et puis je ne suis pas très à l’aise avec ces concepts d’émissions plutôt orientalisantes. Mais je comprends qu’il y ait un public en France qui aime «voyager» à travers le petit écran avec un spectacle haut en couleurs. Personnellement, je préfère un bon live qui transpire et qui me propose la découverte plutôt que la revisite.

Par ailleurs, André Manoukian est un musicien que j’apprécie beaucoup. On s’est déjà rencontrés lors de concerts à la Maison de la radio, et je le retrouverai en novembre pour un bel évènement live où je jouerai avec mes musiciens l’adaptation en darija d’un acte de l’opéra de Henry Purcell «Dido’s Lament» ou «Mort de Didon».


- Que vous souhaitez-vous pour l’immédiat et pour les nombreuses années à venir ?

- Une bonne santé physique et mentale pour apprendre, voyager, écrire et chanter le plus longtemps possible.
 
J’aimerais atterrir tout de suite au Maroc, y faire la tournée de mes rêves »

- A quand une virée artistique marocaine ?

- J’aimerais atterrir tout de suite au Maroc, et y faire la tournée de mes rêves qui m’emmènera chanter pour et avec les miens, dans les petites et les grandes villes. J’attends ce jour depuis toujours.

 
Entretien réalisé par Anis HAJJAM

 



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