L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

​Tanger Med : La décarbonation à marche forcée [INTÉGRAL]


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 23 Septembre 2025

L’intégration des ports dans le système européen d’échange de quotas d’émission de CO2 a placé Tanger Med sous pression. Et pour cause : cette réglementation ne concerne pas seulement les ports européens, mais également ceux situés à moins de 300 milles nautiques des côtes du continent. Pour ne pas perdre en attractivité, le hub marocain s’est lancé dans une véritable course contre la montre pour se décarboner.



Le hub marocain s’est lancé dans une véritable course contre la montre pour se décarboner.
Le hub marocain s’est lancé dans une véritable course contre la montre pour se décarboner.
Le port Tanger Med risque-t-il de perdre son statut de leader continental et méditerranéen ? Depuis l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations européennes sur les émissions carbone du transport maritime, le hub marocain se retrouve sous pression. Faute d’une adaptation rapide, sa compétitivité pourrait en pâtir.

La mesure la plus lourde de conséquences est l’ETS (Emissions Trading System) maritime. Depuis le 1er janvier 2024, le transport maritime est intégré au système européen d’échange de quotas d’émission. Concrètement, tout navire qui fait escale dans un port de l’Union Européenne (UE) doit désormais s’acquitter de droits correspondant à ses émissions de CO2, non seulement durant la navigation, mais aussi pendant son séjour à quai. Initialement, ce système devait concerner uniquement les porte-conteneurs assurant des voyages commerciaux intra-européens, au départ et/ou à l’arrivée d’un port de l’UE. Mais la Commission Européenne a décidé d’élargir son champ d’application aux hubs de transbordement situés à moins de 300 milles nautiques des côtes européennes.

Deux ports sont directement visés par cette disposition : Tanger Med au Maroc et Port-Saïd en Égypte. L’argument avancé par Bruxelles est d’empêcher que les armateurs ne contournent le dispositif en déplaçant leurs opérations vers des ports voisins de l’Europe, qui deviendraient automatiquement plus compétitifs.
 

Pressions européennes

Pour Tanger Med, la peine est double : non seulement le port ne bénéficie pas des mécanismes de compensation prévus par l’UE, ce qui lui aurait permis de réduire son coût carbone, mais il doit en plus, pour rester attractif, dédommager les armateurs du surcoût occasionné par les escales.

Si Tanger Med Port Authority, l’organisme en charge de la gestion du complexe portuaire, n’a pas communiqué le montant des pertes engendrées par cette pratique, plusieurs sources proches du dossier, consultées par nos soins, estiment qu’elles s’élèveraient à environ 300 millions de dirhams annuellement. Ce coût inclurait, outre les dispositions de l’ETS, d’autres normes écologiques entrées en vigueur parallèlement, notamment le règlement FuelEU Maritime, applicable depuis cette année, qui impose des pénalités financières aux navires qui ne respectent pas les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES), le but étant d’encourager l’utilisation de carburants renouvelables et bas-carbone.

Ce dossier, particulièrement sensible, puisqu’il pénalise notre économie et freine le dynamisme de nos ports, serait, selon nos informations, directement supervisé par le ministère des Affaires étrangères, qui l’aurait inscrit en bonne place à l’ordre du jour des négociations entre le Royaume et la Commission Européenne, aux côtés d’autres sujets tels que les accords de pêche et agricole, ou encore l’immigration.
 

La course à l’énergie verte
 
Les charges liées aux normes écologiques risquent encore de s’alourdir dans les prochaines années, puisque les États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI), institution des Nations Unies spécialisée dans la réglementation du transport maritime, devraient se réunir en octobre prochain pour adopter une taxe mondiale sur les émissions du secteur, avec une entrée en vigueur programmée pour fin 2027.

Sous la pression de ces nouvelles normes, Tanger Med n’a eu d’autre choix que d’investir massivement dans la transition énergétique de ses installations. Le complexe portuaire a ainsi lancé un ambitieux plan de 2 milliards de dirhams dans le but d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2030. “Notre plan de décarbonation repose sur deux objectifs. Le premier est de réduire, d’ici 2030, les émissions directes de nos filiales. Le second consiste à accompagner nos clients, qu’il s’agisse des opérateurs portuaires, des concessionnaires, des compagnies maritimes ou des industriels installés sur nos plateformes, dans leur propre transition”, nous explique Amine Benyessef, directeur de la décarbonation du groupe Tanger Med.

Depuis décembre 2024, le port de Tanger Med est alimenté entièrement en énergie verte grâce à des contrats d’achat d’électricité (PPA) conclus avec des développeurs nationaux. Pour compléter cet approvisionnement décarboné, le groupe mise également sur l’autoproduction, à travers un système photovoltaïque installé sur le toit du bâtiment Tanger Med Port Center (1,3 MW), un autre sur les toitures des hangars d’importation (2 MW), ainsi qu’un parc éolien situé dans la zone logistique portuaire (15 MW).

Pour la première fois en Afrique, nous allons développer un parc solaire photovoltaïque flottant sur le réservoir du barrage Oued Rmel, à proximité du complexe portuaire Tanger Med”, nous annonce Amine Benyessef. Couvrant une superficie de 8 hectares et doté d’une capacité de production de 13 MW, ce projet permettra à la fois de générer de l’électricité verte et de réduire l’évaporation de l’eau dans le barrage. Il est actuellement en construction et sa mise en service est prévue courant cette année.
 

Just-in-Time
 
Pour réduire le bilan carbone des navires lors des escales, encore faut-il les alimenter en électricité verte lorsqu’ils sont à quai. C’est pourquoi Tanger Med propose, depuis cette année, une solution d’alimentation électrique à quai (Onshore Power Supply, OPS) pour le terminal TC4, qui devrait être étendue à l’ensemble des terminaux à conteneurs d’ici 2029.

Un autre levier pour réduire l’empreinte carbone, et donc les surcoûts imposés par l’UE, consiste à optimiser le parcours des navires afin que les temps d’attente n’augmentent pas leur consommation de carburant et, par conséquent, leurs émissions de GES.

Tanger Med a ainsi adopté le mécanisme du “Just-in-Time”, qui repose sur des créneaux horaires convenus entre l’armateur et le terminal. Grâce à ce dispositif, les retards moyens liés aux priorités de manœuvre et aux services nautiques ont diminué de 47%, les opérations de mouillage ont reculé de 70%, et les émissions de carbone au sein du port ont été réduites de 10.000 tonnes par an.
 

Carburants alternatifs
 
Le recours aux nouveaux carburants, qu’ils soient alternatifs ou verts, est également une solution clé pour réduire les émissions et, par conséquent, les taxes associées”, poursuit le directeur de la décarbonation du groupe Tanger Med.

Un projet pilote est en cours de développement pour mettre en service quatre camions qui fonctionnent à l’hydrogène, avec une station de ravitaillement et un approvisionnement en hydrogène vert. L’hydrogène vert, ainsi que d’autres carburants synthétiques et durables, comme l’ammoniac ou le méthanol, sont également à l’étude pour être utilisés dans le transport portuaire et maritime.

 

3 questions à Amine Benyessef : “Pour éviter les surcoûts, l’investissement dans des infrastructures adaptées est incontournable”

Directeur de la décarbonation du groupe Tanger Med, Amine Benyessef a répondu à nos questions en marge du TOC Africa 2025, qui s’est tenu à Tanger les 17 et 18 septembre.
Directeur de la décarbonation du groupe Tanger Med, Amine Benyessef a répondu à nos questions en marge du TOC Africa 2025, qui s’est tenu à Tanger les 17 et 18 septembre.
  • Pourquoi la décarbonation est-elle devenue un enjeu central pour un port comme Tanger Med ?
     
La décarbonation est aujourd’hui un enjeu crucial pour les ports, et plus encore pour les ports de transbordement positionnés sur les grandes routes du commerce international. C’est une question directement liée à leur compétitivité. À l’échelle européenne, plusieurs taxes sont déjà entrées en vigueur, comme l’ETS maritime depuis janvier 2024 ou encore le FuelEU en ce début d’année. Concrètement, un navire qui fait escale à Tanger Med doit désormais payer des taxes sur ses émissions, aussi bien durant la navigation que lors de son séjour à quai. À cela s’ajoute une taxe internationale portée par l’Organisation maritime internationale (OMI), qui devrait être adoptée en octobre et entrer en vigueur fin 2027. Elle sera progressive, avec un seuil d’émissions à respecter. Les armateurs conformes ne paieront rien, mais ceux qui le dépasseront devront s’acquitter de pénalités, seuil qui sera relevé chaque année pour accélérer la réduction des émissions.
 
  • Comment Tanger Med se prépare-t-il à cette nouvelle donne ?
 
Pour éviter ces surcoûts, l’investissement dans des infrastructures adaptées est incontournable. Tanger Med a déjà équipé une partie de ses terminaux d’un système d’alimentation électrique à quai (Onshore Power Supply, OPS) et prévoit de généraliser ce dispositif dans les années à venir. Le recours à de nouveaux carburants, alternatifs ou verts, fait aussi partie des solutions clés pour réduire les émissions et, par conséquent, les taxes associées. L’idée est simple : plus les navires émettent, plus ils paient, donc le rôle du port est de leur offrir les moyens techniques pour se conformer aux nouvelles exigences.
 
- Quelles sont les principales mesures incluses dans le plan de décarbonation de Tanger Med ?
 
Le plan repose sur deux objectifs : réduire, d’ici 2030, les émissions directes des filiales et accompagner les clients dans leur propre transition, qu’il s’agisse des opérateurs portuaires, des concessionnaires, des compagnies maritimes ou des industriels. Ce programme, doté de 2 milliards de dirhams, s’articule autour de projets structurants, tels qu’un parc solaire flottant qui permettra à la fois de produire de l’électricité verte et de limiter l’évaporation des barrages, l’autoproduction d’énergie pour alimenter les navires à l’escale, la généralisation du Shore Power d’ici 2029, et l’optimisation des escales grâce au Port Call Optimization, qui ajuste la vitesse des navires pour réduire leur consommation et leurs émissions, avec un potentiel d’économie de plus de 10.000 tonnes de CO₂ par an. À cela s’ajoute un volet économie circulaire avec un centre de tri opérationnel dès la fin de cette année, capable de traiter 29.000 tonnes de déchets issus du complexe et des zones industrielles. La valorisation de ces déchets contribue directement à l’amélioration du bilan carbone des produits fabriqués sur place.
 
Recueillis par Soufiane CHAHID
 

TOC Africa : Tanger accueille la seconde édition

Les 17 et 18 septembre s’est tenue à Tanger la deuxième édition de TOC Africa (Terminal Operations Conference), en présence de représentants des autorités portuaires, d’industriels et d’acteurs du secteur maritime et logistique venus d’Afrique et du reste du monde.

Organisé par Tanger Med, en partenariat avec TOC Worldwide, cet événement revient à Tanger après une première édition réussie en 2023, mettant en lumière le rôle déterminant de Tanger Med, premier port à conteneurs d’Afrique et de la Méditerranée, en tant que point nodal du commerce maritime mondial au carrefour stratégique du détroit de Gibraltar.

Placée sous le thème “Commerce, droits de douane et tensions… Comment avancer ?”, cette édition a réuni plus de 400 participants. 41 pays africains sont représentés sur un total de 66 pays participants, près de 20 autorités portuaires et plus de 50 intervenants internationaux.

Outre le programme de conférences et de débats, TOC Africa a également proposé une exposition qui met en avant les dernières innovations en matière d’équipements portuaires, de machines et de technologies.

​Activité portuaire : Tanger Med renforce sa suprématie


En 2024, le complexe portuaire Tanger Med a consolidé son statut de leader méditerranéen et africain en dépassant, pour la première fois, le seuil symbolique des 10 millions d’EVP. Au total, 10.241.392 conteneurs ont été traités, soit une croissance de 18,8% par rapport à 2023. Cette performance illustre la confiance renouvelée des opérateurs portuaires et des grandes lignes maritimes, mais aussi les gains de productivité permis par le renforcement des infrastructures et l’optimisation des escales.

Le trafic des camions TIR a atteint 516.842 unités, en hausse de 8,1%, grâce notamment aux exportations industrielles (+6,8%) et agroalimentaires (+7,2%). Le nombre de passagers a également progressé, atteignant 3.047.387 voyageurs (+13%), avec une campagne Marhaba 2024 menée dans des conditions jugées optimales.

Du côté des véhicules, les deux terminaux du complexe ont traité 600.872 unités, soit une croissance de 4%. Ce volume inclut 368.843 véhicules Renault (Melloussa et Somaca), 170.519 véhicules Stellantis (Kénitra), 34.100 en transbordement et 27.410 en import.

Le tonnage global du complexe a atteint 142 millions de tonnes, en hausse de 16,2% par rapport à 2023. Le vrac solide a stagné à 584.945 tonnes (+1%), tandis que le trafic des hydrocarbures a reculé de 22%, à 7,64 millions de tonnes, en raison du transfert d’une partie des importations vers de nouvelles capacités de stockage dans d’autres ports marocains.

Le nombre d’escales maritimes a progressé de 3,4%, atteignant 17.479 navires, dont 1.217 méga-navires de plus de 290 mètres (+13,7%).




Dans la même rubrique :
< >