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​Première affaire criminelle élucidée par ADN au Maroc


Rédigé par Dr Adil Loubbardi* le Jeudi 15 Mai 2025

L'identification génétique des individus fut l'une des plus importantes révolutions du XXe siècle. Les progrès de la génétique moléculaire et l'élargissement des connaissances sur le génome humain ont révolutionné les procédures d'identification génétique et ont permis d'approcher intimement la personne humaine en établissant ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui sa carte d'identité génétique. Version moderne des empreintes digitales (mises au service des enquêteurs de police par le Français Alphonse Bertillon dès 1901), la technique de l'empreinte génétique est un outil d'investigation particulièrement puissant et fiable.



Dr Adil Loubbardi, Commissaire Divisionnaire ex chef du service ADN du laboratoire national de police scientifique et de différents services de la police judiciaire de la DGSN.
Dr Adil Loubbardi, Commissaire Divisionnaire ex chef du service ADN du laboratoire national de police scientifique et de différents services de la police judiciaire de la DGSN.
Découvertes scientifiques :

● 1953: Watson et Crick découvrent la structure en double hélice de l’ADN. Cette avancée fondamentale ouvre une nouvelle voie à la génétique car le processus héréditaire pourra être traité à l’échelle moléculaire. Ces nouvelles connaissances permettront de développer le concept de code génétique.

● 1984: La découverte la plus notable est sans aucun doute celle de Kary Mullis, inventeur de la technique PCR (Polymerase Chain Reaction). Cette découverte, qui lui vaudra le prix Nobel de chimie en 1993, déclenche un essor considérable dans de nombreux champs de la biologie. En théorie, cette technique d’amplification de séquences d’ADN appliquée en génétique judiciaire, ouvre la voie à l’analyse d’échantillons infimes et même très dégradés.

● 1985 : la révolution de l’ADN va se mettre en route avec la découverte de polymorphismes dans les séquences d’ADN par Alec Jeffreys. En clair, celui-ci découvre que l’ADN varie fortement d’un individu à l’autre et qu’il est possible de mettre en évidence ces variations. Ce généticien britannique, professeur à l’université de Leicester, observe, un peu par hasard, que des séquences répétitives de nucléotides sont présentes dans la molécule d’ADN. Il découvre aussi que le nombre de ces répétitions varie selon les individus. Le professeur comprend rapidement les possibilités offertes en criminalistique. Il utilise alors une technique permettant de comparer le nombre de séquences répétitives entre deux échantillons et apporte ainsi la possibilité de réaliser des tests d’identification. C'est la naissance des marqueurs génétiques.
 

Première mondiale :

1986: Cette technique sera utilisée pour la première fois dans l’affaire Colin Pitchfork. Deux viols suivis de deux meurtres sont commis en novembre 1983 et juillet 1986 dans le village britannique de Narborough, dans le comté de Leicestershire. Dans les deux cas des prélèvements de sperme sont réalisés. En 1986, ces deux prélèvements sont exploités ce qui permet d’établir deux profils génétiques qui s’avèrent identiques. Après d’importantes investigations, Richard Buckland devient le principal suspect. Lors de son interrogatoire celui-ci reconnaît être l’auteur du deuxième meurtre. En 1986, son profil génétique est établi puis comparé avec le profil génétique obtenu à partir des traces de sperme. A la grande surprise des policiers, l’ADN va innocenter Richard Buckland qui laissera son nom dans les annales de la police scientifique. Cette affaire est aussi la première affaire dans laquelle des prélèvements de masse seront réalisés puisque les profils génétiques de 4500 hommes seront établis aux fins de comparaison. En 1987, à la suite de nouvelles investigations, Colin Pitchfork sera interpellé et confondu avec son ADN. Il s'agissait de la première utilisation des empreintes génétiques dans une enquête criminelle et de la première preuve de l'innocence d'un suspect.
 

Création du service ADN au sein de la police judiciaire :


Dès l'année 1997, dans un but de modernisation et de mettre toutes les opportunités technologiques et scientifiques au service de la lutte contre toute forme de criminalité, la police judiciaire nationale se penche sur le sujet et amorce l'idée de créer un service ADN afin d'assister les enquêteurs lors des affaires judiciaires.


L'éventail des affaires que cette nouvelle expertise peut aider à résoudre est important :

• Homicides
• Identification des cadavres ou restes humains
• Paternité
• Vols par effraction
• Agressions
• Viols
• Terrorisme ...
 

Cette analyse peut être effectuée à partir de plusieurs sources biologiques :

• Sang
• Salive
• Sperme
• Cheveux
• Muscles
• Os
• Dents ...
 
Première affaire criminelle élucidés grâce à l'ADN :
 
Le Maroc ne tardera pas à doter sa police judiciaire de cet outil d'investigation de première ligne. Après plusieurs tests et mises au point, il faudra cependant attendre l’année 1999 pour qu’une première affaire criminelle soit élucidée grâce à des tests ADN.
En effet, l'analyse des empreintes génétiques, à partir d'une minuscule tâche rougeâtre qui s'est avérée être du sang prélevé sur le t-shirt d'un suspect, a pu le relier à une scène de crime concernant le meurtre d'une jeune femme à Meknès. Le mis en cause avait enfilé plusieurs habits avant de commettre son crime. Une jeune femme qu'il connaissait gisait sur le parterre, dans une mare de sang, après avoir reçu plusieurs coups à l'arme blanche. Le suspect, interrogé par les limiers du service régional de la police judiciaire, avait nié les faits, mais une petite tâche de sang sur son t-shirt avait semé le doute sur son alibi. En effet, après son acte, il s'était débarrassé de ses vêtements, mais n'avait pas remarqué une infime tâche sur son dernier sous-vêtement qu'il avait gardé. Confronté à ce détail, il avait prétexté que les faits coïncidaient avec la fête de l'Aïd el-Adha et que certainement, c'était une tâche du sang du mouton sacrifié. Cependant, après analyse, cette tâche correspondait sans équivoque au sang de la victime. Devant une preuve accablante et d'autres éléments retenus par les enquêteurs, il a reconnu les faits et donné un récit logique du déroulement de ses actes.

Ce fut le lancement officiel de l'expertise ADN en matière criminelle.

Depuis ce service sera de plus en plus fréquemment sollicité par le parquet pour effectuer des expertises génétiques dans le cadre d’enquêtes criminelles, mais aussi pour élucider des affaires de filiation contestées. Ce service a aussi été saisi lors d’enquêtes criminelles dans le cadre de la coopération internationale. L’analyse ADN a notamment permis aux scientifiques et à la police d’élucider de nombreuses affaires criminelles et civiles. Parmi les plus importantes : les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, le naufrage de Shatt Mariam en Tunisie en 2004, et le cas du tueur en série Abdelali Hadi à Taroudant en 2004 et bien d'autres affaires qui ont été à la une des journaux et revues.

Depuis, le service ADN s'est étoffé de plusieurs scientifiques et a connu une reconnaissance et une notoriété accrues aux niveaux national et international.







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