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​Insécurité alimentaire : Face à une situation structurelle, des mesures radicales s’imposent


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Lundi 19 Mai 2025

Difficile de prédire la fin de l’insécurité alimentaire sur le continent tant les études et autres analyses, les uns plus alarmistes que les autres, inondent le continent sur cette question. Stéréotypes ou invitations à une prise de conscience pour un engagement ferme des gouvernants ? Toujours est-il que cette triste réalité ne fait que trop durer. Les initiatives se multiplient en la matière. Explications.



Il ne se passe pas de semaine ou de mois sans qu’un nouveau rapport ne vienne alerter sur l’insécurité alimentaire en Afrique. A tel point que l’on se demande si nombre d’Etats du continent seraient incapables (sans exagération) de nourrir leur population. Du Réseau de Prévention des Crises Alimentaires (RPCA) aux différentes institutions, dont la FAO, en passant par les structures spécialisées (ONG), le leitmotiv est le même : des millions d’Africains peinent à manger à leur faim.

Les analyses du Cadre Harmonisé, un espace de concertation, estiment qu'environ 47 millions de personnes au Sahel et en Afrique de l'Ouest (hors Burkina Faso, Ghana et Libéria) nécessiteront une assistance alimentaire et nutritionnelle d'urgence de juin à août 2025, si des mesures appropriées ne sont pas prises. Selon lui, la crise alimentaire et nutritionnelle continue de sévir dans un contexte marqué par les crises sécuritaires, politiques et économiques.

Plantons le décor. Depuis des décennies, les politiques du continent, dans la plupart des pays, en matière d’alimentation, n’ont jamais produit les résultats escomptés. Quand on ajoute à cela les aléas climatiques, on comprendra dès lors que l’on est en face d’une situation structurelle. Laquelle nécessite de l’anticipation, des stratégies à long terme, mais surtout des engagements financiers, de la mécanisation de l’agriculture, de la formation, de nouvelles pratiques culturales ou agricoles.


Nouvelle feuille de route

Pourtant, les initiatives ne manquent pas. Chaque région dispose d’un plan harmonisé pour éradiquer le phénomène de l’insécurité alimentaire. Au niveau continental, la Déclaration de Kampala pour le développement de l’agriculture en est la parfaite illustration. Il s’agit d’une feuille de route qui couvre la période 2026–2035, avec de fortes ambitions en matière de production, de nutrition et de souveraineté alimentaire. 

Mais les experts estiment que derrière ces engagements se rejouent des mécaniques bien connues : promesses politiques audacieuses d’un côté, freins structurels persistants de l’autre. D’autres analystes soulignent que vingt ans après Maputo, l’Afrique peut-elle vraiment transformer son modèle agricole pour nourrir durablement sa population ? En effet, la Déclaration de Kampala prévoit globalement d’augmenter la production agroalimentaire de 45% d’ici la fin de la prochaine décennie.

Ce document, adopté en février dernier au terme de trois jours de débats, porte sur l’adoption de pratiques agricoles afin de répondre aux besoins alimentaires croissants du continent. Il ambitionne aussi de réduire les pertes post-récolte de 50% en triplant le commerce intra-africain de produits agroalimentaires et des intrants à l’horizon 2035, conformément à la ZLECAf, et en augmentant la part des aliments transformés au niveau local à 35% du PIB agroalimentaire d’ici à 2035.  

Dans cette recommandation, les gouvernements s’engagent à éradiquer la famine dans tous les États membres de l’Union Africaine, réduire le retard de croissance de 25%, l’émaciation de 25% et le surpoids de 25%, en garantissant que 60% de la population puisse avoir accès à une alimentation saine. Ceux-ci devraient aussi mobiliser 100 milliards $ d’investissements publics et privés dans les systèmes agroalimentaires à l’horizon 2035, tout en veillant à ce qu'au moins 10% des dépenses publiques annuelles soient allouées aux systèmes agroalimentaires, et qu'au moins 15% du PIB agroalimentaire soit réinvesti chaque année dans le secteur.


Aller au-delà des engagements sur papier

A voir la Déclaration de Kampala, on ne peut s’empêcher de dire que l’Afrique a enfin trouvé le chemin pour assurer la sécurité alimentaire sur le continent. A condition que la mobilisation des 100 milliards $ d’investissements publics et privés annoncés soit l’affaire de tous les Etats. Mais aussi que l’apport des pays eux-mêmes soit concret.

Toujours est-il que le changement stratégique, à travers la nouvelle feuille de route, s’appuie sur une compréhension de l’interaction complexe entre l’agriculture, la nutrition, le développement économique et d’autres secteurs. A cet effet, les politiques doivent être mieux intégrées pour tenir compte des compromis et des interrelations entre les aspects des pratiques durables de la ferme à la table, la complexité de la chaîne de valeur, l’alimentation et la nutrition, entre autres facteurs alimentaires, explique l’UA.  

L’enjeu est de taille puisque près de 70% de la population africaine dépend de l’agriculture, et plus de 280 millions d’Africains souffrent de la faim. Faut-il donc douter de l’opérationnalité de la nouvelle initiative ? Quand on sait qu’il ne s’agit pas de la première fois que l’UA adopte une feuille de route aussi ambitieuse. Depuis 2003, on compte plusieurs réunions de l’organisation et d’initiatives pour relancer le secteur agricole africain. Cette fois-ci, l’espoir est-il permis ? Absolument, car les contextes ont radicalement changé avec une prise de conscience bien affirmée.

 

Bon à savoir


La production céréalière 2024-25, estimée à 78,9 millions de tonnes, progresse de 2% sur un an et de 5% par rapport à la moyenne quinquennale, selon les données disponibles. En revanche, la production moyenne par habitant a reculé de 1% par sur la même période. Parallèlement, la production de racines et tubercules atteint 274,8 millions de tonnes, marquant une progression de 5% sur un an et de 11% par rapport à la moyenne quinquennale. Au Sahel, la disponibilité en fourrage et en eau pour le bétail est généralement satisfaisante, sauf au Sénégal où la sécheresse a limité la production. Néanmoins, l'accès aux pâturages reste un défi majeur dans les zones de conflit. Les marchés sont bien approuvés, sauf dans les zones d'insécurité comme le Liptako-Gourma, le nord du Togo et du Bénin, le bassin du Lac Tchad et certaines régions du nord-ouest et du centre du Nigeria. Les fermetures des frontières dans 10 des 17 pays de la région, ces deux dernières années, perturbent fortement les échanges agricoles transfrontaliers. De plus, l'inflation a été observée dans plusieurs pays, tels que le Nigeria (34%), le Ghana (23%) et la Sierra Leone (20%), conjuguée à une forte demande nationale, continue de faire grimper les prix des denrées alimentaires.







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