Peu de gens savent que George Orwell, surtout connu pour deux œuvres de fiction : le roman dystopique«1984» et la fable satirique «La Ferme des animaux», était venu à Marrakech, de septembre 1938 à février 1939. Il a effectué ce séjour, sur recommandation de ses médecins qui lui avaient conseillé son climat sec pour lutter contre la tuberculose, et laissa comme légat de son expérience marrakchie un essai qui porte le nom de la ville. Ses descriptions sont vives et chargées de réflexions à la fois critiques et humaines. Il décrit la ville et saute de scène en scène avec des transitions minimales, comme un touriste feuilletant un album photo incomplet à son retour de vacances. Cet essai est un portrait éloquent de la réalité coloniale de la ville ocre pendant les années 1930, où les populations juive, arabe et subsaharienne apparaissent comme invisibles face au regard indifférent, frivole et aveugle des européens.
George Orwell, de son vrai nom Eric Arthur Blair, est écrivain et journaliste britannique né à Motihari en Inde Britannique le 25 juin 1903 et mort à Londres le 21 janvier 1950. L’écrivain a mené sa lutte contre le fascisme et les horreurs du stalinisme au nom d’un type de socialisme auquel il n’a cessé de croire toute sa vie. D’abord par la force en s’engageant dans les milices du Front Populaire qui combattaient Franco en Espagne en 1936, et ensuite par la plume, en ridiculisant les chefs totalitaires dans La Ferme des animaux rédigé en 1943 et 1984, écrit trois ans plus tard. Son séjour à Marrakech a été traduit en un conte journalier intitulé Coming up for Air, où l’auteur racontait ses journées avec son entourage et ses observations pendant cette période coloniale, tout comme son essai nommé « Marrakech », publié en 1939. Il faut aussi se souvenir qu’Orwell, réputé pour avoir élevé le journalisme au rang de littérature mais qui ne se considérait pas comme un vrai romancier, est surtout l’un des plus brillants essayistes de langue anglaise de la première moitié du XXème siècle avec G. K. Chesterton, Max Beerbohm, George Bernard Shaw et Bertrand Russell.
« Marrakech » de Georges Orwell est une description vivante de l’échec du colonialisme. L’essai commence par une image choquante et dramatique qui crée un ton plutôt froid et détaché. Dans le premier paragraphe, Orwell illustre à quel point les conditions sont impures et déplaisantes. Les mouches, attirées par la décomposition, suivent un cadavre emporté dans les rues, mais reviennent, car le restaurant est suffisamment insalubre pour leur offrir la possibilité de se nourrir. Cette description se poursuit en démontrant les conditions lugubres et primitives dans lesquelles les Juifs étaient obligés de vivre, ayant été marginalisés par la société dominante: « Dans le bazar, de nombreuses familles juives, tous vêtus d’une longue robe noire, travaillent dans des cabines sombres infestées de mouches qui ressemblent à des grottes».
Orwell continue ensuite en évoquant une autre section marginalisée de la société, ses femmes. Il exprime un sentiment de choc évident face aux tâches subalternes qu'elles doivent accomplir, et à la manière dont les femmes, en particulier les femmes âgées, sont traitées dans la société: «Chaque après-midi, une file de très vieilles femmes passe sur la route devant ma maison, chacune portant une charge de bois de chauffage. Toutes sont momifiées avec l'âge et le soleil, et toutes sont minuscules...Puis, pour la première fois, j’ai remarqué les pauvres vieux corps couleur terre, des corps réduits en os et la peau coriace, pliés en deux sous le poids écrasant».
Ce ne sont pas seulement les Juifs et les femmes qui sont maltraités, Orwell décrit encore avec un ton amer et accusateur la maltraitance infligée aux animaux, déclarant à quel point les maîtres sont froids et insensibles à l'élimination des cadavres de leurs animaux: «Son maître le fait basculer dans le fossé et les chiens du village ont arraché ses rafales avant qu'il ne fasse froid». Cela fait probablement écho à son premier grand succès «La ferme des animaux», où les animaux se révoltent contre les hommes et leur brutalité.
C'est cette position critique et conflictuelle qu'Orwell a construit tout au long de l'essai. Cependant, Orwell estime que le projet colonial est voué à l'échec, car les colonisés finiront probablement par se retourner contre leurs colonisateurs afin d'échapper à leur oppression: «Combien de temps avant qu'ils ne tournent leurs armes dans l'autre sens?». L'utilisation des questions rhétoriques oblige le lecteur à s'engager dans ses idées, et à affronter le dilemme moral et éthique du projet colonial et les problèmes qu'il a causés à Marrakech.
«Marrakech» est un essai intrigant où Orwell utilise habilement l'imagerie, les mots et les anecdotes pour transmettre au lecteur sa position critique sur le colonialisme, et démontrer à quel point il était inefficace et oppressif. L’atmosphère glauque, l’ampleur de la mort et l’extrême pauvreté illustrée dans l’essai dépeignent de façon frappante la dure vérité du colonialisme et l’exposent comme une forme d’exploitation oppressive et raciste. Orwell fut un écrivain engagé dans son temps, dont la capacité de vision continue encore d'éclairer notre présent et notre avenir.
George Orwell, de son vrai nom Eric Arthur Blair, est écrivain et journaliste britannique né à Motihari en Inde Britannique le 25 juin 1903 et mort à Londres le 21 janvier 1950. L’écrivain a mené sa lutte contre le fascisme et les horreurs du stalinisme au nom d’un type de socialisme auquel il n’a cessé de croire toute sa vie. D’abord par la force en s’engageant dans les milices du Front Populaire qui combattaient Franco en Espagne en 1936, et ensuite par la plume, en ridiculisant les chefs totalitaires dans La Ferme des animaux rédigé en 1943 et 1984, écrit trois ans plus tard. Son séjour à Marrakech a été traduit en un conte journalier intitulé Coming up for Air, où l’auteur racontait ses journées avec son entourage et ses observations pendant cette période coloniale, tout comme son essai nommé « Marrakech », publié en 1939. Il faut aussi se souvenir qu’Orwell, réputé pour avoir élevé le journalisme au rang de littérature mais qui ne se considérait pas comme un vrai romancier, est surtout l’un des plus brillants essayistes de langue anglaise de la première moitié du XXème siècle avec G. K. Chesterton, Max Beerbohm, George Bernard Shaw et Bertrand Russell.
« Marrakech » de Georges Orwell est une description vivante de l’échec du colonialisme. L’essai commence par une image choquante et dramatique qui crée un ton plutôt froid et détaché. Dans le premier paragraphe, Orwell illustre à quel point les conditions sont impures et déplaisantes. Les mouches, attirées par la décomposition, suivent un cadavre emporté dans les rues, mais reviennent, car le restaurant est suffisamment insalubre pour leur offrir la possibilité de se nourrir. Cette description se poursuit en démontrant les conditions lugubres et primitives dans lesquelles les Juifs étaient obligés de vivre, ayant été marginalisés par la société dominante: « Dans le bazar, de nombreuses familles juives, tous vêtus d’une longue robe noire, travaillent dans des cabines sombres infestées de mouches qui ressemblent à des grottes».
Orwell continue ensuite en évoquant une autre section marginalisée de la société, ses femmes. Il exprime un sentiment de choc évident face aux tâches subalternes qu'elles doivent accomplir, et à la manière dont les femmes, en particulier les femmes âgées, sont traitées dans la société: «Chaque après-midi, une file de très vieilles femmes passe sur la route devant ma maison, chacune portant une charge de bois de chauffage. Toutes sont momifiées avec l'âge et le soleil, et toutes sont minuscules...Puis, pour la première fois, j’ai remarqué les pauvres vieux corps couleur terre, des corps réduits en os et la peau coriace, pliés en deux sous le poids écrasant».
Ce ne sont pas seulement les Juifs et les femmes qui sont maltraités, Orwell décrit encore avec un ton amer et accusateur la maltraitance infligée aux animaux, déclarant à quel point les maîtres sont froids et insensibles à l'élimination des cadavres de leurs animaux: «Son maître le fait basculer dans le fossé et les chiens du village ont arraché ses rafales avant qu'il ne fasse froid». Cela fait probablement écho à son premier grand succès «La ferme des animaux», où les animaux se révoltent contre les hommes et leur brutalité.
C'est cette position critique et conflictuelle qu'Orwell a construit tout au long de l'essai. Cependant, Orwell estime que le projet colonial est voué à l'échec, car les colonisés finiront probablement par se retourner contre leurs colonisateurs afin d'échapper à leur oppression: «Combien de temps avant qu'ils ne tournent leurs armes dans l'autre sens?». L'utilisation des questions rhétoriques oblige le lecteur à s'engager dans ses idées, et à affronter le dilemme moral et éthique du projet colonial et les problèmes qu'il a causés à Marrakech.
«Marrakech» est un essai intrigant où Orwell utilise habilement l'imagerie, les mots et les anecdotes pour transmettre au lecteur sa position critique sur le colonialisme, et démontrer à quel point il était inefficace et oppressif. L’atmosphère glauque, l’ampleur de la mort et l’extrême pauvreté illustrée dans l’essai dépeignent de façon frappante la dure vérité du colonialisme et l’exposent comme une forme d’exploitation oppressive et raciste. Orwell fut un écrivain engagé dans son temps, dont la capacité de vision continue encore d'éclairer notre présent et notre avenir.