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​Symposium à Rabat : vers une intégration énergétique euro-marocaine à haute valeur stratégique


Rédigé par Dr LARAKI Khalid, Expert de l'AIEA le Jeudi 5 Juin 2025

Rabat, 3 juin 2025, La Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales de l’Université Mohammed V de Rabat a accueilli un symposium international de haut niveau, consacré à l’échange d’électricité verte et à l’intégration des marchés énergétiques entre le Maroc et l’Union européenne.



​Symposium à Rabat : vers une intégration énergétique euro-marocaine à haute valeur stratégique
Organisé dans le cadre des Climate Talks à l’initiative de l’Ambassade d’Allemagne au Maroc, avec le soutien de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) et du Partenariat énergétique maroco-allemand (PAREMA),  l’événement a réuni décideurs politiques, experts de l’énergie, universitaires, représentants d’institutions internationales et acteurs du secteur privé.

Objectif affiché : poser les bases d’un marché euro-marocain de l’électricité renouvelable, porteur de prospérité partagée, de résilience énergétique et de transition bas carbone.


Un pont énergétique durable entre les deux rives de la Méditerranée

Dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques, notamment en Ukraine, et la volatilité des marchés gaziers, l’Europe cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement. Le Maroc se positionne dès lors comme un partenaire stratégique, fort de ses ressources renouvelables abondantes, solaire, éolien et hydraulique, et d’une ambition claire : porter la part des énergies renouvelables à plus de 52 % de son mix énergétique d’ici 2030, contre 45 % en 2024.

Cette transition repose sur des projets structurants, tels que l’extension du complexe solaire Noor à Ouarzazate, le développement de l’éolien onshore et offshore, et l’essor de l’hydrogène vert. L’interconnexion Maroc–Europe ne se limite plus à une coopération environnementale : elle devient un levier de compétitivité régionale, via la mutualisation des capacités, l’optimisation des flux transfrontaliers et la construction d’un marché intégré.


Vers un socle réglementaire et une vision intégrée de l’interconnexion

L’ouverture du symposium a été marquée par l’intervention de Madame Leila Benali, Ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, qui a rappelé les avancées concrètes de la coopération énergétique Maroc–Espagne, notamment l’interconnexion portée à 1 400 MW. Elle a souligné l’urgence de franchir une nouvelle étape en dotant ces échanges d’un cadre juridique et opérationnel stable. Cet appel a été relayé par M. Robert Dölger, Ambassadeur d’Allemagne au Maroc, qui a salué la vision stratégique marocaine et insisté sur la nécessité d’un environnement réglementaire clair et prévisible, en particulier pour encourager l’investissement privé dans des filières innovantes comme l’hydrogène vert. Dans cette perspective, la professeure Dörte Fouquet, experte en droit de l’énergie, a rappelé les conditions indispensables à un marché intégré : harmonisation des règles de transit, reconnaissance mutuelle des garanties d’origine et convergence des modèles tarifaires. Enfin, M. Ismail Kassou, Doyen par intérim de la Faculté hôte, a insisté sur l’importance des infrastructures, soulignant que la réussite de cette interconnexion ne repose pas uniquement sur les capacités physiques, mais sur la structuration de marchés fiables, interopérables et bien régulés.


Une opportunité économique structurelle pour les deux continents


L’intégration énergétique euro-marocaine présente un potentiel économique significatif, à la fois pour le Maroc, en tant que pays producteur à faibles coûts, et pour l’Europe, en quête de sources décarbonées, stables et compétitives. Selon des estimations croisées du Centre de développement de l’énergie renouvelable et d’instituts européens, les échanges commerciaux d’électricité verte pourraient atteindre 3 à 5 milliards d’euros par an d’ici 2035. Des projets structurants, tels que l’interconnexion électrique Xlinks entre le Maroc et le Royaume-Uni, illustrent déjà cette dynamique.


Parmi les bénéfices attendus :
  • Une réduction des prix marginaux de l’électricité pour les consommateurs européens, en particulier dans la péninsule Ibérique ;
  • Une résilience accrue face à l’intermittence des énergies renouvelables, grâce à une complémentarité horaire de production entre les deux rives ;
  • Le développement d’un écosystème industriel vert au Maroc, fondé sur la production locale de composants stratégiques (panneaux photovoltaïques, turbines, électrolyseurs).
  • La création de plus de 120 000 emplois qualifiés d’ici 2035 dans les domaines de l’ingénierie, de la régulation énergétique, de la finance climat et des technologies de l'information appliquées à l’énergie.
Hydrogène vert : une diplomatie énergétique d’avenir
Parmi les perspectifs phares du symposium figurait le développement de l’hydrogène vert, considéré comme un vecteur stratégique de décarbonations pour les industries lourdes européennes. Le Maroc, avec ses vastes étendues désertiques et son fort ensoleillement, prévoit une capacité installée de 4 GW d’électrolyse d’ici 2035. Cette production pourrait couvrir jusqu’à 10 % des besoins européens en hydrogène bas-carbone, selon les scénarios de la Commission européenne.
Le PAREMA, partenariat bilatéral actif depuis 2012, joue un rôle central dans la structuration de cette nouvelle filière. Il accompagne la mise en œuvre de projets pilotes, facilite les dialogues intergouvernementaux, et œuvre à l’alignement des standards réglementaires et au financement de l’innovation.

 


Vers une coopération énergétique régionale élargie

Plusieurs intervenants ont souligné le rôle du Maroc en tant que hub énergétique régional, capable d’élargir l’intégration au-delà de l’axe euro-marocain. L’émergence d’un corridor énergétique sud-nord, reliant l’Afrique de l’Ouest et l’Europe via le Maroc, pourrait transformer les excédents renouvelables marocains en levier de souveraineté énergétique continentale.

Résultats attendus :
  • Renforcement de la coopération interafricaine en matière d’infrastructures et de production énergétique ;
  • Diversification des débouchés pour les énergies marocaines ;
  • Accélération de la transition énergétique du continent grâce à la mutualisation des expertises, ressources et financements ;
·       Positionnement renforcé du Maroc en tant qu’acteur clé de la diplomatie énergétique africaine et euro-africaine.


La recherche universitaire comme levier d’innovation


L’Université Mohammed V de Rabat s’affirme comme un acteur de premier plan dans la recherche appliquée en matière énergétique. Elle développe des projets d’envergure dans des domaines aussi stratégiques que le stockage stationnaire, l’intelligence artificielle appliquée à la gestion des réseaux intelligents, la modélisation économique des marchés interconnectés ou encore le cadre juridique des échanges transfrontaliers d’électricité.

Ce socle scientifique renforce non seulement la crédibilité du Maroc à l’échelle internationale, mais contribue aussi à former les futurs experts de la transition énergétique, dans un esprit d’alignement entre excellence académique, besoins industriels et enjeux climatiques.


Des défis structurants à relever


Pour concrétiser l’ambition d’un marché énergétique euro-marocain pleinement intégré, plusieurs défis opérationnels et institutionnels majeurs doivent être relevés. Bien anticipés, ces enjeux peuvent devenir de véritables catalyseurs de transformation :
 
  • L’harmonisation des cadres réglementaires entre le Maroc et ses partenaires européens, afin de garantir la compatibilité des dispositifs juridiques et de faciliter les échanges transfrontaliers d’électricité ;
  • La reconnaissance mutuelle des garanties d’origine pour l’électricité verte, essentielle pour assurer la transparence, la traçabilité et la crédibilité des flux d’énergie renouvelable ;
  • La mise en place de mécanismes de financement adaptés, capables de soutenir des projets à long terme tout en atténuant les risques liés à la complexité réglementaire et aux délais de mise en œuvre ;
  • Le renforcement des capacités de stockage et de flexibilité des réseaux, indispensable pour stabiliser l’approvisionnement énergétique dans un contexte de forte pénétration des sources renouvelables intermittentes.
     
Ces défis ne doivent pas être perçus comme des obstacles, mais bien comme des leviers stratégiques à activer pour bâtir une coopération énergétique solide, fiable et durable.
 
 

Conclusion : vers une gouvernance méditerranéenne de l’énergie verte

Le symposium de Rabat a mis en lumière les contours d’un nouvel ordre énergétique euro-méditerranéen, dans lequel l’électricité verte n’est plus un simple vecteur technologique ou écologique, mais un actif stratégique, économique et géopolitique.

Pour concrétiser ce potentiel, quatre priorités s’imposent :
  • La création d’une gouvernance régionale partagée et inclusive ;
  • La standardisation des cadres réglementaires et des mécanismes de soutien à l’investissement ;
  • La mobilisation coordonnée des financements climatiques, publics et privés ;
  • Et la garantie d’une répartition équitable des bénéfices entre pays producteurs, transitaires et consommateurs.
À l’heure où l’Europe redéfinit ses priorités stratégiques dans un monde multipolaire, l’axe Rabat–Bruxelles–Berlin se dessine comme l’un des piliers d’une relance industrielle verte, sobre en carbone et ancrée dans la coopération Sud-Nord.
 



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