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​Hamid Grine et Djamel Kaouane : Deux ex-ministres de la Communication dans le collimateur de la justice


Rédigé par Hichem ABOUD Mardi 12 Août 2025

Un nouvel acte du feuilleton judiciaire autour de la gestion opaque de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) s’apprête à se jouer à Alger. Le 19 août prochain, le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed ouvrira l’instruction de ce que l’on surnomme déjà « l’affaire ANEP 2 ».



Parmi les treize prévenus : deux anciens ministres de la Communication sous l’ère Bouteflika — Djamel Kaouane et Hamid Grine — mais aussi l’ex-directeur général de l’ANEP, Amine Echikr. Ils sont poursuivis pour détournement de fonds publics, octroi d’avantages indus et abus de fonction dans le cadre de la distribution de la publicité publique.

Une rente publicitaire distribuée au gré des allégeances L’enquête judiciaire, ouverte en 2023, a mis au jour un système taillé sur mesure pour servir des « journaux fantômes » inféodé au régime en place. Les espaces publicitaires étaient attribués non pas selon des critères économiques, mais en fonction des accointances politiques et des réseaux d’influence.

La police judiciaire parle d’irrégularités « d’une gravité notable », révélatrices d’un clientélisme profondément enraciné au sein de cette institution-clé du paysage médiatique algérien.

Djamel Kaouane et Amine Echikr ont été placés en détention provisoire. Hamid Grine, lui, est soumis à un contrôle judiciaire assorti d’une interdiction de quitter le territoire. Les dix autres prévenus — cadres et employés de l’ANEP — comparaîtront également.


La suite logique d’un système jamais démantelé

Ce procès intervient quelques mois à peine après la clôture de « l’affaire ANEP 1 », où l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports Abdelkader Khomri avait écopé de peines allant jusqu’à huit ans de prison pour dilapidation de fonds publics et octroi d’avantages injustifiés.

Ces affaires en série révèlent bien que l’ANEP n’est qu’un instrument de contrôle politique. Les révélations judiciaires confirment ce que beaucoup savaient déjà : la publicité publique a été détournée en outil de récompense pour les dociles et de sanction pour les récalcitrants. Que ce soit sous Bouteflika ou sous Tebboune. Aujourd’hui, ce sont les anciens affidés de Bouteflika qui vont casquer pour leur allégeance à un pouvoir tombé sous les coups de boutoirs du Hirak. Demain, ça sera au tour des actuels protégés de Tebboune.

Un procès qui met en accusation plus que des individus Les poursuites reposent sur la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, un arsenal juridique théoriquement renforcé mais dont l’efficacité réelle reste sujette à caution.
Pour de nombreux professionnels des médias, ce procès dépasse la personne des accusés : il braque le projecteur sur un système entier de régulation — ou plutôt de dérégulation — qui, depuis des décennies, bride l’indépendance économique et éditoriale de la presse algérienne. Le mécanisme népotique de distribution de la manne publicitaire, loin d’avoir disparu, s’est simplement recyclé… changeant d’acteurs mais pas de méthode.


Repères biographiques

Djamel Kaouane Entré dans le journalisme en 1986 au quotidien El Moudjahid, il gravit rapidement les échelons : journaliste à la présidence de la République (1987-1989), rédacteur en chef d’El Moudjahid (1989-1998), directeur de publication du Temps d’Algérie (2008-2015), puis PDG de l’ANEP (2015-2017).

En mai 2017, il succède à Hamid Grine comme ministre de la Communication dans le gouvernement Tebboune, puis est reconduit sous Ouyahia. Le 6 mars 2023, il est placé sous mandat de dépôt dans l’affaire ANEP.


Hamid Grine

 Né le 20 juin 1954 à Biskra, diplômé en sociologie à l’université d’Alger, il débute dans le journalisme sportif avant de se tourner vers l’économie, la société et la culture. Il travaille également dans la publicité à l’étranger.

En mai 2014, Bouteflika le nomme ministre de la Communication, un poste qu’il conserve jusqu’en mai 2017. Sa nomination est perçue comme une récompense pour ses chroniques publiées dans TSA sous le pseudonyme Ghani Gedoui, où il éreintait systématiquement l’opposition tout en flattant le pouvoir, sans jamais assumer publiquement ses attaques — une flagornerie couplée à une prudence que d’aucuns qualifieront de lâcheté.

En 2015, il est fouillé à l’aéroport de Paris-Orly par les autorités françaises, après avoir été vu à Barbès en compagnie d’individus suspects. Il se contente de rappeler sa qualité de ministre, sans protester officiellement.

Depuis le 6 mars 2023, il est placé sous contrôle judiciaire et devra répondre de ses actes devant une justice qui, ironie du sort, s’attaque aujourd’hui à ceux qu’elle protégeait hier.
 



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