C’est un document qui donne froid au dos, publié par six économistes à l’Université de Toronto (Canada), au Kiel Institute for the World Economy (Allemagne), au Geneva Graduate Institute (Suisse), à l’Aix-Marseille School of Economics (France) et à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Ce nouveau rapport sur les émissions de la dette intérieure des pays africains qui, en l’espace de quatorze ans, ont été triplées depuis 2010.
Pour ces experts, s’il contribue à approfondir les systèmes financiers, à développer les bases d'investisseurs locaux et à renforcer l'autonomie monétaire, le boom de la dette intérieure sur le continent peut créer un effet d’éviction pour le secteur privé et transférer les risques liés à la dette souveraine vers les institutions financières locales.
En effet, la valeur des émissions de dette réalisées par les Etats du continent sur les marchés intérieurs est passée de 150 milliards de dollars en 2010 à près de 500 milliards en 2024, selon le rapport publié le 7 octobre dernier.
Situation de surendettement, l’épée de Damoclès
Plantons le décor. Aujourd’hui, la dette extérieure totale de l'Afrique a atteint environ 1.152 milliards de dollars US à la fin de 2023 (selon la BAD). Tandis que celle, dite publique, est estimée à environ 1. 860 milliards d'euros en 2024 et son ratio moyen Dette/PIB est attendu à 64% en 2025, ce qui est considéré comme un niveau élevé. Côté vulnérabilité, en 2025, environ 25 pays africains sont jugés en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement. Quant au service de la dette (remboursements et intérêts), il constitue une lourde charge budgétaire pour de nombreux pays, absorbant parfois jusqu'à 39,7% des dépenses budgétaires dans certains cas.
Cette étude, intitulée «Africa’sDomesticDebt Boom : Evidencefrom the AfricanDebtDatabase», s’appuie sur une base de données couvrant plus de 50.000 prêts, bons du Trésor et emprunts obligataires émis par 54 pays africains entre 2000 et 2024. Constituée grâce à la compilation de dizaines de milliers de documents publiés par des organismes officiels locaux (Banques centrales, ministères des Finances, Bureaux de gestion de la dette, Bourses, etc.) et des institutions internationales (OCDE, FMI, Banque Mondiale, etc.), cette base de données offre une vue détaillée de la dette intérieure et extérieure des pays du continent.
Le rapport comprend des informations sur les devises, les échéances, les taux d'intérêt, les types de créanciers et les conditions d'émission. Pour les rédacteurs, la dette intérieure désigne les obligations domestiques et les bons du Trésor émis par les gouvernements sur les marchés domestiques, tandis que la dette extérieure couvre les obligations libellées en devises étrangères et les prêts contractés auprès d’institutions étrangères.
Cependant, les subventions et les emprunts accordés par les organisations régionales ont été exclus.Il en ressort, donc, que le paysage de la dette publique africaine a connu une profonde transformation au cours des vingt-cinq dernières années. La dette publique totale du continent a plus que quadruplé depuis le début des années 2000, atteignant 2.000 milliards de dollars en 2024.
Exposition des institutions financières locales
Cependant, la hausse de l’endettement intérieur présente plusieurs risques. D’abord, un recours excessif aux marchés intérieurs peut réduire la disponibilité et augmenter le coût du crédit pour le secteur privé par effet d’éviction. Cela augmente, également, l'exposition des institutions financières locales aux risques liés à la dette souveraine.
Partant de ce constat, le rapport fait ressortir que les banques nationales et les fonds de pension, qui détiennent désormais une part importante des titres de dette des États, sont de plus en plus impliqués dans une dynamique budgétaire qui mérite une surveillance attentive. Mais tout aussi importante que l'augmentation de la valeur globale de cette dette est la modification de sa structure.
En effet, si l'histoire de la dette publique africaine a souvent été racontée en termes d'euro-obligations, de prêts chinois et de financements décaissés par les institutions financières multilatérales, la véritable révolution s'est produite sur les marchés intérieurs de la dette.En moyenne, les gouvernements africains lèvent désormais plus de la moitié de leurs financements sur les marchés domestiques, renversant ainsi des décennies de dépendance vis-à-vis des prêteurs étrangers.
Si cette expansion a été initialement tirée par des instruments de dette à court terme, en particulier des bons du Trésor d'une durée inférieure à un an, depuis 2022, environ la moitié de tous les titres de dette domestiques nouvellement émis ont une durée supérieure à un an. Bien que les prêts multilatéraux continuent d'augmenter, leur ampleur est devenue relativement modeste, tout comme les flux provenant des pays membres du Club de Paris et d'autres créanciers bilatéraux. Le recul marqué des prêts chinois après 2021, en partie en réponse aux défauts de paiement du Ghana et de la Zambie, a fait basculer davantage le paysage de la dette vers les marchés intérieurs.
Pour ces experts, s’il contribue à approfondir les systèmes financiers, à développer les bases d'investisseurs locaux et à renforcer l'autonomie monétaire, le boom de la dette intérieure sur le continent peut créer un effet d’éviction pour le secteur privé et transférer les risques liés à la dette souveraine vers les institutions financières locales.
En effet, la valeur des émissions de dette réalisées par les Etats du continent sur les marchés intérieurs est passée de 150 milliards de dollars en 2010 à près de 500 milliards en 2024, selon le rapport publié le 7 octobre dernier.
Situation de surendettement, l’épée de Damoclès
Plantons le décor. Aujourd’hui, la dette extérieure totale de l'Afrique a atteint environ 1.152 milliards de dollars US à la fin de 2023 (selon la BAD). Tandis que celle, dite publique, est estimée à environ 1. 860 milliards d'euros en 2024 et son ratio moyen Dette/PIB est attendu à 64% en 2025, ce qui est considéré comme un niveau élevé. Côté vulnérabilité, en 2025, environ 25 pays africains sont jugés en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement. Quant au service de la dette (remboursements et intérêts), il constitue une lourde charge budgétaire pour de nombreux pays, absorbant parfois jusqu'à 39,7% des dépenses budgétaires dans certains cas.
Cette étude, intitulée «Africa’sDomesticDebt Boom : Evidencefrom the AfricanDebtDatabase», s’appuie sur une base de données couvrant plus de 50.000 prêts, bons du Trésor et emprunts obligataires émis par 54 pays africains entre 2000 et 2024. Constituée grâce à la compilation de dizaines de milliers de documents publiés par des organismes officiels locaux (Banques centrales, ministères des Finances, Bureaux de gestion de la dette, Bourses, etc.) et des institutions internationales (OCDE, FMI, Banque Mondiale, etc.), cette base de données offre une vue détaillée de la dette intérieure et extérieure des pays du continent.
Le rapport comprend des informations sur les devises, les échéances, les taux d'intérêt, les types de créanciers et les conditions d'émission. Pour les rédacteurs, la dette intérieure désigne les obligations domestiques et les bons du Trésor émis par les gouvernements sur les marchés domestiques, tandis que la dette extérieure couvre les obligations libellées en devises étrangères et les prêts contractés auprès d’institutions étrangères.
Cependant, les subventions et les emprunts accordés par les organisations régionales ont été exclus.Il en ressort, donc, que le paysage de la dette publique africaine a connu une profonde transformation au cours des vingt-cinq dernières années. La dette publique totale du continent a plus que quadruplé depuis le début des années 2000, atteignant 2.000 milliards de dollars en 2024.
Exposition des institutions financières locales
Cependant, la hausse de l’endettement intérieur présente plusieurs risques. D’abord, un recours excessif aux marchés intérieurs peut réduire la disponibilité et augmenter le coût du crédit pour le secteur privé par effet d’éviction. Cela augmente, également, l'exposition des institutions financières locales aux risques liés à la dette souveraine.
Partant de ce constat, le rapport fait ressortir que les banques nationales et les fonds de pension, qui détiennent désormais une part importante des titres de dette des États, sont de plus en plus impliqués dans une dynamique budgétaire qui mérite une surveillance attentive. Mais tout aussi importante que l'augmentation de la valeur globale de cette dette est la modification de sa structure.
En effet, si l'histoire de la dette publique africaine a souvent été racontée en termes d'euro-obligations, de prêts chinois et de financements décaissés par les institutions financières multilatérales, la véritable révolution s'est produite sur les marchés intérieurs de la dette.En moyenne, les gouvernements africains lèvent désormais plus de la moitié de leurs financements sur les marchés domestiques, renversant ainsi des décennies de dépendance vis-à-vis des prêteurs étrangers.
Si cette expansion a été initialement tirée par des instruments de dette à court terme, en particulier des bons du Trésor d'une durée inférieure à un an, depuis 2022, environ la moitié de tous les titres de dette domestiques nouvellement émis ont une durée supérieure à un an. Bien que les prêts multilatéraux continuent d'augmenter, leur ampleur est devenue relativement modeste, tout comme les flux provenant des pays membres du Club de Paris et d'autres créanciers bilatéraux. Le recul marqué des prêts chinois après 2021, en partie en réponse aux défauts de paiement du Ghana et de la Zambie, a fait basculer davantage le paysage de la dette vers les marchés intérieurs.
Bon à savoir
En ce qui concerne les taux d’emprunts, les données révèlent que les prêts multilatéraux restent la source de financement la moins coûteuse, avec des taux d'intérêt systématiquement inférieurs à 2 % et, pour de nombreux pays bénéficiant de conditions concessionnelles, inférieurs à 1%. Les prêts bilatéraux et les financements chinois sont assortis de taux légèrement plus élevés, tandis que les obligations internationales sont émises aux taux du marché et présentent une volatilité nettement plus importante. Les obligations domestiques et les bons du Trésor constituent cependant les sources de financement les plus coûteuses sur une base nominale, avec des taux moyens allant de 10 à 13%. D’autre part, la structure des échéances de la dette intérieure africaine est très inégale. À une extrémité du spectre, l'Afrique du Sud et l'Égypte émettent des obligations domestiques à dix ou quinze ans. À l'autre extrémité, des pays comme le Ghana et le Mozambique restent piégés dans un cycle d'emprunts obligataires nationaux à court terme, alors que des pays comme la Tanzanie, l'Ouganda et Maurice allongent progressivement les échéances, soutenus par une meilleure stabilité macroéconomique et des réformes institutionnelles.



















