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Le voyageur Souverain!


Rédigé par Mohamed Lotfi le Dimanche 23 Novembre 2025

Il existe quelque part entre les plaines de l’aube et les collines du crépuscule, un conducteur qui ne s’arrête jamais vraiment. Son nom importe peu, on l’appelle simplement le Voyageur, comme si sa destinée ne tenait qu’à ce mot, comme si toute son existence se résumait à cette longue route qui serpente depuis le commencement du monde.



Chaque matin, lorsque la lumière se glisse à travers le pare-brise comme une main bienveillante, il remet son véhicule en marche. Le moteur ronronne comme un vieux compagnon fidèle, et le Voyageur reprend sa route, droite et interminable, la même depuis toujours. Il conduit avec une assurance presque mystique, comme si les contours de l’horizon l’appelaient par son nom.
 
Ce qui étonne le plus, ce n’est pas sa constance, ni même son endurance. C’est tout ce qu’il fait en conduisant. Le Voyageur ne connaît pas la séparation des tâches. Non. Il parle, il chante, il rit. Il répond aux appels urgents, discute avec ceux qu’il rencontre sans jamais ralentir le rythme de ses roues. Parfois, il croque une pomme, d’autres fois, il mastique distraitement une gomme parfumée à la menthe. Jamais ses mains ne quittent vraiment le volant, jamais sa direction ne vacille.
 
Dans les villes et villages qu’il traverse, les gens l’ont vu régler des affaires importantes, prendre des décisions déterminantes. On l’a vu gouverner le présent, organiser l’avenir, sans renoncer aux petites urgences du corps qui, de temps en temps, le rappellent à la terre. Alors, il s’arrête un instant, pas plus, satisfait l’appel pressant de la nature, puis repart, comme si la route l’attendait, patiente et immuable.
 
Certains auto-stoppeurs de passage se demandaient comment fait-il pour ne pas perdre de vue son but, tout occupé qu’il est à mille autres choses ? « Je ne fais pas la distinction, répond le voyageur. Mon but est devant moi, mais la vie est autour de moi. Les deux n’ont jamais été inséparables, encore moins ennemis ».
 
Pour lui, il n’est pas nécessaire de tout suspendre, ni d’attendre que tout soit parfaitement en ordre pour avancer. Il a découvert, avant la plupart des hommes, qu’on ne devient jamais « prêt » à vivre, ni à changer, ni à se libérer. Attendre la perfection serait renoncer au départ pour toujours. Alors, il a choisi autrement. Il a choisi de prendre la route avant d’être entièrement nourri, reposé, formé, rassuré. Il a choisi de ne pas attendre que la paix règne, que la nature retrouve ses couleurs, que la route soit sécurisée, que les voleurs de grands chemins disparaissent, que les criminels de guerre soient d’abord arrêtés et jugés.  Il a choisi de marcher vers sa souveraineté comme on marche vers un lever de soleil, avec les mains encore froides, sur une route imparfaite, le ventre parfois vide, mais le cœur résolu. Sa façon de rendre le monde meilleur, c'est en le parcourant dans son propre camion.
 
Et plus il roulait, plus il comprenait que la route elle-même le nourrissait, les rencontres imprévues, les mots échangés, les chansons murmurées contre le vent, les éclats de rire solitaires, les haltes brèves au bord du chemin, les manifs qu'il croise et auxquelles il répond présent. Tout cela lui donnait la force de continuer à tenir le volant, l’assurance que chaque geste, même minuscule, avait sa place dans le grand mouvement de son voyage.
 
Le Voyageur le sait, celui qui attend d’être prêt ne part jamais. Celui qui attend d’être certain n’avance pas. Celui qui attend que tout soit parfait ne fera que regarder la route se dissoudre devant lui. Lui, au contraire, avance. Il poursuit son chemin vers sa liberté, dans un mélange de désordre et de grâce, comme le font tous ceux qui vivent vraiment. Et la route, docile, s’ouvre devant lui, reconnaissante envers celui qui n’a pas attendu la permission de son destin pour l’emprunter. Il sait où il va. Et il sait que pour arriver là où il doit être, il doit embrasser tout ce qui se présente, le chant, la parole, la fatigue, les risques, la faim, la joie, la distraction, les orages, la pluie sur son pare-brise, et même la gomme qu’il mâche sans même y penser.
 
Ainsi roule le Voyageur Souverain. La destination n’est qu’un mirage lointain, mais c’est sa course infatigable, son refus de s’arrêter, son refus de plier devant un plan qui n’est pas le sien, son refus d’attendre d’être prêt, qui font de lui un être singulier, puissant, libre.
 

Mohamed Lotfi
23 Novembre 2025
 



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