À bord, pas d’armes, pas de soldats, pas d’agenda militaire. Seulement des vivres, des médicaments, des volontaires, et une certitude partagée : qu’il est encore possible, par la solidarité, de desserrer l’étau de la violence.
Une coalition inédite
Cette mobilisation internationale sans précédent est menée par la Freedom Flotilla Coalition, qui a rassemblé autour d’elle d’autres initiatives : le Mouvement Global vers Gaza, la Flottille Sumud maghrébine (Le Maroc y participe aussi) ou encore la Flottille Sumud Nusantara. Ensemble, ils portent ce projet humanitaire hors norme, lancé en 2025, avec le soutien de centaines de citoyens engagés.
À bord des navires se trouvent des médecins, des journalistes, des membres d’ONG, des militants pour la paix, mais aussi de simples citoyens animés par une même volonté : ne pas laisser le silence recouvrir Gaza.
Gaza : une enclave sous siège
Depuis 2007, Gaza vit sous blocus terrestre, maritime et aérien. Israël a imposé ce verrouillage après la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006, des élections jugées libres et régulières par les observateurs internationaux, mais que ni Israël, ni l’Union européenne, ni les États-Unis n’ont reconnues.
Près de deux millions d’habitants subissent depuis un isolement presque total. L’accès à la nourriture, aux soins, aux médicaments, à l’électricité et à l’eau y est contrôlé, restreint, conditionné. Des ONG parlent d’une « prison à ciel ouvert », d’autres d’un blocus parmi les plus déshumanisants de l’histoire contemporaine.
Les offensives israéliennes ont régulièrement ravagé l’enclave : 2008, 2012, 2014, 2021, 2022 et 2023. Selon l’ONU, entre 2008 et 2023, plus de 6 000 Palestiniens ont été tués et 65 000 blessés. Depuis le 7 octobre 2023, après l’attaque du Hamas et la riposte israélienne, le bilan est effroyable : plus de 65 000 morts et 162 000 blessés.
Dans ce contexte, chaque tentative pacifique visant à briser le blocus prend une dimension à la fois politique et morale.
Le précédent du Mavi Marmara
La mémoire des flottilles est marquée par un épisode tragique : celui du Mavi Marmara, en mai 2010. Parti de Turquie avec des vivres et du matériel médical, il transportait des médecins, des journalistes et des parlementaires. Attaqué en pleine mer internationale par un commando israélien, il laissa derrière lui un lourd bilan : neuf passagers tués, un dixième décédé plus tard, et une cinquantaine de blessés. Les survivants furent arrêtés, et le navire confisqué.
Ce drame avait provoqué une onde de choc mondiale, révélant au grand jour la brutalité du blocus. Depuis, chaque volontaire qui s’engage dans une telle flottille sait qu’il s’expose à la prison, parfois à la mort.
Une action pacifique, une indifférence médiatique
Le 10 septembre 2025, les navires de la nouvelle flottille ont quitté Tunis dans une quasi-indifférence médiatique. Peu de caméras, peu de unes, peu d’attention. Comme si l’ampleur de ce geste pacifique, inédit et courageux, n’avait pas sa place dans le récit dominant.
Et pourtant, ces volontaires désarmés rappellent au monde entier une vérité fondamentale : il est encore possible d’agir, même sans fusil ni bombe. Ils opposent la solidarité des peuples à la raison d’État, l’audace civile au mutisme diplomatique.
Une leçon pour l’Histoire
L’absence de relais médiatique contraste avec la portée symbolique de l’événement. Ces bateaux désarmés témoignent d’une force morale qui n’a rien à envier aux grandes pages de courage de l’histoire moderne. Certains osent comparer leur audace à celle des débarquements de la Seconde Guerre mondiale : moins d’armes, mais plus d’humanité.
La question qu’ils posent, par leur simple navigation, dépasse Gaza :
Que diront nos enfants, et les enfants de nos enfants, de nous, face au génocide en cours ?
Peut-être se souviendront-ils que, malgré les bombes et l’indifférence, malgré les vagues et les populismes, malgré les bruits de guerre et les silences complices, 500 femmes et des hommes venus de 44 pays ont choisi de naviguer pour la dignité.
Ils diront que, dans la nuit de l’Histoire, certains ont refusé le confort de l’oubli. Qu’ils ont choisi la mer comme chemin d’espérance. Et qu’ils auront écrit, avec leurs voiles fragiles et leurs coques modestes, une page de résistance pacifique qui défie le temps.
Ils sont désormais l’avant-garde de l’humanité.
Mohamed Lotfi
12 septembre 2025
12 septembre 2025