L’auteur de l’ouvrage, Philippe Hanus, docteur en anthropologie historique est coordinateur de l’ethnopôle « Migrations, Frontières, Mémoires » au CPA (Centre du patrimoine arménien-Valence Romans Agglo) et chercheur associé au LARHRA (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, spécialisé en histoire et histoire de l’art pour les périodes moderne et contemporaine). Voici en condensé ce qui ressort de « Carte de Séjour, un groupe rock dans la douce France des années 1980 » : « Formé par Mohammed et Mokhtar Amini à Rillieux-la-Pape, dans l’agglomération lyonnaise, rejoints par le chanteur Rachid Taha puis par Jérome Savy et divers autres musiciens, Carte de séjour défend un ‘’rock métissé’’, engagé contre le racisme et pour la justice sociale. Le braconnage de la langue (un arabe de banlieue mâtiné d’anglicismes et de parlers populaires lyonnais baptisé ‘’rhorho’’) et des sons est au cœur de l’aventure de cet ensemble musical mêlant sonorités électriques et instrumentations traditionnelles du Maghreb.
Contemporain des luttes des descendants d’immigrés, telles que la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, Carte de séjour exprime, durant la décennie 1980, une forme originale de création musicale et de résistance aux assignations identitaires. Ce livre retrace, grâce à de nombreux témoignages et archives inédites, l’histoire d’un groupe qui fut aussi l’ambassadeur d’une certaine culture cosmopolite, en Europe et au Maghreb et qui influencera nombre d’artistes de la scène internationale pop-rock et rap. » Parallèlement, Taha ouvre en militant inconsolable « Au Refoulé », un club de nuit dédié à tous ceux qu’on refoule des dancings pour délit de faciès. Dans la foulée sort le single « Zoubida » dénonçant les mariages arrangés chez les musulmans.
Deux ans plus tard parait un premier album, « Rhorhomanie » suivi en 1986 de « 2 et ½ ». Cette année, Carte de Séjour plaisent et déconcertent avec la reprise de « Douce France » réalisée dans les années 1940 par Charles Trenet. Le 45 Tours est distribué aux députés de l’assemblée nationale française sollicitant une prise de conscience face à la discrimination et les préjugés : « Il revient à ma mémoire des souvenirs familiers Je revois ma blouse noire lorsque j’étais écolier.
Sur le chemin de l’école je chantais à pleine voix Des romances sans paroles, vieilles chansons d’autrefois. Douce France, cher pays de mon enfance, bercée de tendre insouciance, je t’ai gardée dans mon cœur ! » L’aventure Carte de Séjour prend fin en 1989 lors d’un concert donné en Allemagne à l’occasion de la démolition du mur de Berlin. C’est la veille du départ en solo de Rachid Taha.
Cercles restreints
« Le nom de ce groupe de musique est emblématique du contexte socio-politique dans lequel il a pris naissance en 1980. En réaction aux textes restrictifs sur l’immigration (loi Bonnet et circulaire Stoléru) et aux expulsions des étrangers, se forment des groupes politiques et musicaux (comme le groupe Factory à Givors) qui résistent par la non-violence et la musique (de l’organisation de concerts alternatifs à la production de chansons et de disques). Le groupe Carte de Séjour est une structure musicale originale formée autour de Rachid Taha qui chante, Djamel Dif à la batterie, Mokhtar Amini à la basse, Mohamed Amini, Eric Vacquer/Jérôme Savy à la guitare et Steve aux claviers et à la guitare. Ils ont produit ensemble du rock avec des chansons en français et en arabe.
Ce groupe mixte prône la tolérance et soutient les revendications des immigrés pour les papiers, (la ‘’ carte de séjour’’), actions qui ont pris parfois la forme de la grève de la faim (comme en avril 1981 à Lyon). Un premier disque et une première émission de télévision en 1982 font connaître Carte de séjour dans des cercles restreints à Lyon. Le succès de la Marche pour l’Égalité de décembre 1983 - pour laquelle le groupe joue place de la Bastille le soir de l’arrivée à Paris - et parallèlement les premiers succès électoraux du Front National à Dreux sont le contexte politique contrasté dans lequel est produit leur premier album dans les studios de Rennes. » Ce témoignage est signé Michelle Zancarini, historienne française. Elle est professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Claude Bernard-Lyon-I, et ancienne codirectrice de la revue Clio. Elle publie des ouvrages et de nombreux articles dans différentes revues et consacre ses recherches à l’histoire des milieux populaires. Elle est spécialiste d’histoire des femmes et du genre, ainsi que de Mai 68.
Consonances arabes
L’histoire de Carte de Séjour est truffée d’ébahissements. Paradoxalement, c’est le guitariste Jérôme Savy qui amène les consonances arabes à la musique, c’est compréhensible, personne ne veut faire la musique de ses parents dans la post-adolescence. Jérôme n’a pas de lien avec le Maghreb. La jonction de la musique arabe dans la composition se fait par le rock. Par cet exemple on comprend que toutes les problématiques d’intégration ne sont pas réelles.
À l’adolescence, tous les jeunes veulent faire du rock qu’ils viennent d’Asie ou d’Afrique, ils sont attirés par les mêmes musiques. Il n’y a pas besoin de loi pour que les mélanges se fassent. « La musique rock va donc s’enrichir aux sons des percussions de Brahim M’Sahel (mort en 2024) et du Oud de Jalal Jallane. Le groupe installe son local de répétition, place Tolozan, sur les pentes du quartier cosmopolite de la Croix Rousse, où se produisent des rencontres fécondes entre ‘’rhorhos’’ (jeunes immigrés du Maghreb) et ‘’rockers’’ branchés du centre-ville. Carte de séjour y élabore une musique festive et engagée, dénonçant le racisme quotidien, la difficulté d’accès au logement ou les violences faites aux femmes et prônant dans ce contexte identitaire difficile l’intégration et les fondements de la tolérance. » Joli programme pour un groupe des années 1980.
Contemporain des luttes des descendants d’immigrés, telles que la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, Carte de séjour exprime, durant la décennie 1980, une forme originale de création musicale et de résistance aux assignations identitaires. Ce livre retrace, grâce à de nombreux témoignages et archives inédites, l’histoire d’un groupe qui fut aussi l’ambassadeur d’une certaine culture cosmopolite, en Europe et au Maghreb et qui influencera nombre d’artistes de la scène internationale pop-rock et rap. » Parallèlement, Taha ouvre en militant inconsolable « Au Refoulé », un club de nuit dédié à tous ceux qu’on refoule des dancings pour délit de faciès. Dans la foulée sort le single « Zoubida » dénonçant les mariages arrangés chez les musulmans.
Deux ans plus tard parait un premier album, « Rhorhomanie » suivi en 1986 de « 2 et ½ ». Cette année, Carte de Séjour plaisent et déconcertent avec la reprise de « Douce France » réalisée dans les années 1940 par Charles Trenet. Le 45 Tours est distribué aux députés de l’assemblée nationale française sollicitant une prise de conscience face à la discrimination et les préjugés : « Il revient à ma mémoire des souvenirs familiers Je revois ma blouse noire lorsque j’étais écolier.
Sur le chemin de l’école je chantais à pleine voix Des romances sans paroles, vieilles chansons d’autrefois. Douce France, cher pays de mon enfance, bercée de tendre insouciance, je t’ai gardée dans mon cœur ! » L’aventure Carte de Séjour prend fin en 1989 lors d’un concert donné en Allemagne à l’occasion de la démolition du mur de Berlin. C’est la veille du départ en solo de Rachid Taha.
Cercles restreints
« Le nom de ce groupe de musique est emblématique du contexte socio-politique dans lequel il a pris naissance en 1980. En réaction aux textes restrictifs sur l’immigration (loi Bonnet et circulaire Stoléru) et aux expulsions des étrangers, se forment des groupes politiques et musicaux (comme le groupe Factory à Givors) qui résistent par la non-violence et la musique (de l’organisation de concerts alternatifs à la production de chansons et de disques). Le groupe Carte de Séjour est une structure musicale originale formée autour de Rachid Taha qui chante, Djamel Dif à la batterie, Mokhtar Amini à la basse, Mohamed Amini, Eric Vacquer/Jérôme Savy à la guitare et Steve aux claviers et à la guitare. Ils ont produit ensemble du rock avec des chansons en français et en arabe.
Ce groupe mixte prône la tolérance et soutient les revendications des immigrés pour les papiers, (la ‘’ carte de séjour’’), actions qui ont pris parfois la forme de la grève de la faim (comme en avril 1981 à Lyon). Un premier disque et une première émission de télévision en 1982 font connaître Carte de séjour dans des cercles restreints à Lyon. Le succès de la Marche pour l’Égalité de décembre 1983 - pour laquelle le groupe joue place de la Bastille le soir de l’arrivée à Paris - et parallèlement les premiers succès électoraux du Front National à Dreux sont le contexte politique contrasté dans lequel est produit leur premier album dans les studios de Rennes. » Ce témoignage est signé Michelle Zancarini, historienne française. Elle est professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Claude Bernard-Lyon-I, et ancienne codirectrice de la revue Clio. Elle publie des ouvrages et de nombreux articles dans différentes revues et consacre ses recherches à l’histoire des milieux populaires. Elle est spécialiste d’histoire des femmes et du genre, ainsi que de Mai 68.
Consonances arabes
L’histoire de Carte de Séjour est truffée d’ébahissements. Paradoxalement, c’est le guitariste Jérôme Savy qui amène les consonances arabes à la musique, c’est compréhensible, personne ne veut faire la musique de ses parents dans la post-adolescence. Jérôme n’a pas de lien avec le Maghreb. La jonction de la musique arabe dans la composition se fait par le rock. Par cet exemple on comprend que toutes les problématiques d’intégration ne sont pas réelles.
À l’adolescence, tous les jeunes veulent faire du rock qu’ils viennent d’Asie ou d’Afrique, ils sont attirés par les mêmes musiques. Il n’y a pas besoin de loi pour que les mélanges se fassent. « La musique rock va donc s’enrichir aux sons des percussions de Brahim M’Sahel (mort en 2024) et du Oud de Jalal Jallane. Le groupe installe son local de répétition, place Tolozan, sur les pentes du quartier cosmopolite de la Croix Rousse, où se produisent des rencontres fécondes entre ‘’rhorhos’’ (jeunes immigrés du Maghreb) et ‘’rockers’’ branchés du centre-ville. Carte de séjour y élabore une musique festive et engagée, dénonçant le racisme quotidien, la difficulté d’accès au logement ou les violences faites aux femmes et prônant dans ce contexte identitaire difficile l’intégration et les fondements de la tolérance. » Joli programme pour un groupe des années 1980.