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Actu Maroc

Zones oasiennes du Drâa : Les essaims de criquets envahissent la région ! [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Dimanche 14 Mai 2023

Dans la vallée du Drâa, des essaims de criquets pèlerins ont récemment ravagé des champs de maïs et menacent de se propager vers les zones oasiennes. Faut-il s’attendre au pire ? Eclairage.



Les essaims de criquets-pèlerins sont-ils de retour au Maroc ? La réponse semble affirmative au vu des vidéos qui ont récemment circulé sur les réseaux sociaux, illustrant des champs agricoles d’Oued Drâa grouillants d’insectes volants. Selon le dernier bulletin de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), publié le 2 mai 2023, portant sur la situation générale de la lutte anti-acridienne en avril 2023 et les prévisions jusqu'à mi-juin, des « petits groupes, bandes et groupes d’ailés » ont été signalés au Sud des monts de l’Atlas au Maroc et dans le Sahara marocain.

Le bulletin, qui est publié chaque mois par le Service d'Information sur le Criquet pèlerin (DLIS) relevant de la FAO, précise par ailleurs que le total de la superficie traitée au Maroc durant ces dernières semaines contre ces insectes potentiellement ravageurs s’est élevé à près de 4009 hectares. « De jeunes ailés et des ailés immatures, et peut-être quelques groupes, seront présents en mai », dans la même zone, annonce par ailleurs les experts de la FAO.
 
Dégâts dans les champs de maïs

 « Les équipes qui s’activent à traiter les terrains se sont mobilisées depuis plus d’un mois déjà au niveau de la région de Oued Drâa », nous affirme Ahmed Bouzihay, président de la Commune territoriale de Fam El Hisn, Province de Tata. « Cela n’a malheureusement pas permis de limiter la propagation de l’insecte pour autant. Je pense que c’est principalement dû au fait que certaines zones militaires ou frontalières où l’accès est restreint n’ont pas pu être traitées, ce qui a permis à l’insecte d’y proliférer avant de se déplacer ailleurs », poursuit la même source. Sur place, les champs agricoles qui ont été le plus touchés par le phénomène sont les cultures locales de maïs. « Pour l’instant, aucune disposition n’a été prise pour soutenir ou dédommager les agriculteurs dont les terrains ont subi les ravages des essaims de criquets. Beaucoup d’entre eux sont actuellement dans une situation très difficile au vu du préjudice qu’ils viennent de subir, et cela, après une période déjà précarisée par la succession des années de sècheresse », souligne M. Bouzihay.
 
Les oasis menacées ?

Si dans la région d’Oued Drâa, les conditions climatiques et la situation du couvert végétal sont manifestement favorables à la prolifération du criquet pèlerin, les essaims ne se sont pas encore déplacés vers les zones oasiennes. « A Fam El Hisn, nous sommes à une quarantaine de kilomètres de l’Oued et les dégâts infligés par le criquet sont encore relativement limités. Cela dit, il est très important que toutes les parties prenantes concernées redoublent leurs efforts et déploient plus de moyens pour que la propagation des groupes de criquets pèlerins ne s’étende pas au-delà de leur zone de présence actuelle pour qu’ils ne puissent pas menacer des zones oasiennes, à l’image de l’invasion qu’avait connue la région en 2004 et durant laquelle le criquet avait pu atteindre les régions de Taroudant et d’Agadir », explique notre interlocuteur. Le renforcement des efforts de la lutte anti-acridienne se confirme par ailleurs dans la région puisque les autorités concernées vont mobiliser des moyens plus importants, notamment le traitement par vaporisation aérienne.
 
A quoi faut-il s’attendre ?
 
« Même durant le jour de l’Aïd, alors que tout le monde profitait des célébrations en famille, les équipes de lutte anti-acridienne étaient mobilisées et poursuivaient les traitements des terrains », témoigne par ailleurs Ahmed Bouzihay. Faut-il s’attendre à une aggravation de la situation ? Le bulletin de la FAO affirme le contraire puisqu’il est classé au plus bas niveau d’alerte, et indique que la situation au Maroc ne devrait connaître « aucun développement significatif ». « Pendant la période de prévision (jusqu’à mi-juin 2023, NDLR), la végétation commencera à se dessécher et les nouveaux ailés immatures formeront de petits groupes et se déplaceront en direction du Sud », précise le rapport qui augure cependant qu’avant ce déplacement, « les effectifs de jeunes ailés augmenteront en mai dans les vallées du Drâa et de Ziz-Ghris au Sud des monts de l’Atlas » alors que « des ailés épars pourraient (temporairement, NDLR) subsister dans des parties de l’Adrar Settouf ». Affaire à suivre…
 
Omar ASSIF

 

3 questions au Pr Ahmed Taheri « Le criquet pèlerin est une espèce indigène au Maroc, ce qui signifie qu'il n'a pas été introduit accidentellement ou intentionnellement »

Enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences de l’Université Chouaïb Doukkali, spécialisé en entomologie, Pr Ahmed Taheri répond à nos questions sur le criquet pèlerin.


- Comment décrirez-vous les principales caractéristiques du criquet pèlerin ?
- Le criquet pèlerin, également connu sous le nom scientifique de Schistocerca gregaria, est un insecte de grande taille appartenant à la famille des Acrididae. Il mesure entre 2,5 et 7 cm de longueur et pèse entre 1 et 2 grammes. Lorsque certaines conditions sont réunies, il peut former des essaims de millions d'individus qui peuvent parcourir des distances de plusieurs milliers de kilomètres. Ces essaims peuvent causer de graves dommages aux cultures et à l'environnement, menaçant ainsi la sécurité alimentaire des populations locales.

- Le criquet pèlerin est-il considéré comme une espèce invasive au Maroc ?
- Le criquet pèlerin est une espèce indigène au Maroc, ce qui signifie qu'il n'a pas été introduit accidentellement ou intentionnellement. Cependant, il est important de noter que ce ravageur peut causer des dommages importants aux cultures et aux pâturages, en particulier lorsqu'il se reproduit rapidement et forme des essaims.

- Dans quelles conditions une invasion du criquet pèlerin peut-elle se déclencher au Maroc ?
- La géographie du Maroc, avec ses vastes zones semi-arides et désertiques, ainsi que ses conditions climatiques favorables, font du pays un terrain propice à l'installation d'essaims de criquets pèlerins. La reproduction estivale de cette espèce se produit dans la ceinture entre le Sénégal et le Soudan. Lorsque les conditions climatiques sont favorables, le criquet pèlerin se développe rapidement et forme de vastes groupes qui remontent vers les côtes méditerranéennes, atteignant le Maroc en franchissant le désert et les chaînes montagneuses de l'Atlas. Il effectue ensuite sa reproduction printanière de février à avril avant de retourner au Sahel pour s'y reproduire à la faveur des pluies que connaît cette région en été.

Zones touchées : La présence du criquet pèlerin limitée dans le Drâa et à Oued Eddahab

Selon le Service d'Information sur le Criquet pèlerin (DLIS) de la FAO, le mois d’avril 2023 a été marqué par l’observation de criquets pèlerins (adultes solitaires) en accouplement au Sud des monts de l’Atlas dans l’Oued Drâa et au Sud de Tan-Tan jusqu’au Sud-Est de Tata. « Les éclosions ont débuté durant la première semaine et quelques petits groupes et bandes larvaires sont apparus. Fin avril, certaines larves avaient atteint le cinquième stade. Les équipes terrestres ont traité 2017 ha », souligne la même source. Plus au Sud et durant la même période, « des larves des stades 3 à 5 pour l’essentiel, des petits groupes et des bandes, ont été observés dans la partie méridionale de l’Adrar Settouf, de Bir Gandouz à l’Est de Bir Anzarane, tandis que des groupes d’ailés immatures ont été observés près d’Aousserd. Des ailés immatures épars étaient présents près de Bir Gandouz. Dans le centre, des adultes solitaires étaient présents à l’Est de Bir Anzarane et au Sud-Ouest de Gueltat Zemmour. Les équipes terrestres ont traité 1992 ha ».

 

L’info...Graphie


Alimentation : Les criquets pèlerins bientôt sur le menu et dans les assiettes ?

Éprouvés à plusieurs reprises par les invasions de criquets, les Marocains ont déjà tenté de faire de l’insecte ravageur : une denrée alimentaire. « Je me rappelle que quand j’avais 5 ou 6 ans, notre ville de Jérada avait subi une invasion de criquets. À l’époque déjà, j’avais vu que certaines femmes ramassaient les criquets, les faisaient cuire puis sécher au soleil pour ensuite les assaisonner. Beaucoup les décortiquaient pour manger la partie abdominale de l’insecte. Souvent, les gens les mangeaient accompagnés de dattes. Sachant que les criquets sont riches en protéines et faibles en sucre, je réalise aujourd’hui que cette combinaison avec les dattes fournit un aliment complet », raconte Pr Ahmed Hamdaoui, chercheur marocain qui travaille depuis plusieurs années sur le potentiel de valorisation alimentaire du criquet pèlerin. Au-delà de son apport nutritif intéressant, le criquet pèlerin est une denrée dont la production au Maroc s’avérerait très avantageuse en termes de consommation d’eau et de ressources. « En Europe, pour ceux qui font l’élevage de criquets pèlerins, l’alimentation fournie pose beaucoup de problèmes car ça leur coûte très cher. Généralement, ils utilisent des feuilles de salade, du blé ou de l’orge. Nous avons pour notre part opté pour de la luzerne afin de nourrir nos insectes. Le climat de Marrakech s’y prête parfaitement bien », explique Pr Ahmed Hamdaoui, qui a par ailleurs déposé deux brevets de son système à l’OMPIC en attendant des investisseurs potentiels qui pourront développer cette nouvelle niche de production alimentaire.